LE PORT DE PECHE " la pêche aux harengs"


La pêche du hareng
Cette pêche fut de longue date très importante à Dunkerque.
La pêche locale remonte sans doute au 12ème siècle. 
La pêche aux harengs se pratiquait dans les parages du littoral du comté de Flandre et bientôt sur celles toutes proches des côtes de l'Angleterre du sud-est.
Au l3ème siècle, 
Les pêcheurs Dunkerquois, comme leurs homologues flamands, s'aventuraient de plus en plus loin dans les eaux anglaises devant les côtes de Suffolk et de Norfolk. Ils y visitaient surtout le port de Great Yarmouth.
 Au 14ème  siècle. 
La guerre entre la France et la Flandre en 1302 n’empêcha pas les Dunkerquois de se livrer cette année à la pêche pendant la harengaison. Ils contribuèrent même au financement de la guerre, en payant à la ville de Bruges une taxe de cinq sols sur chaque last de harengs frais débarqué dans leur port.
1305 nous voyons les pêcheurs flamands, dont ceux de Dunkerque, participer pendant les mois d'août et de septembre à la capture de harengs avant la harengaison proprement dite. En effet, cette année-là, nous trouvons des pêcheurs dunkerquois à Scarborough, où, du 1 août au 21 septembre, ils débarquèrent en tout 46 lasts de harengs frais en 36 déchargements, effectués par 24 bateaux.
1307 du 26 août au 28 septembre ce furent encore 15 bateaux, qui y débarquèrent en tout 37  lasts de harengs frais en 22 cargaisons.
C'était la harengaison de fin septembre jusqu'à la mi-novembre.
Les bateaux de la pêche harenguière des Dunkerquois dans le premier quart du 14ème siècle jaugeaient de 20 à 30 lasts pour un équipage de treize à vingt hommes ou compagnons, sans le patron ou maître et que les ensembles de rets ou filets pouvaient compter jusqu'à 75 pièces, mais généralement n'en avaient qu'une cinquantaine. Chaque année, après la harengaison, c'est à dire après le jour de Saint-Martin ou 11 novembre, les bateaux de pêche, comme beaucoup d'autres vaisseaux, allaient hiverner dans une vasière de boue ou de sable dans le port. Pour faire sécher les flottes de rets. 
A côté de la pêche du hareng, les dunkerquois pratiquaient encore d'autres pêches saisonnières, notamment celles du cabillaud et du maquereau.
Le hareng de Scanie à Dunkerque au 14ème siècle.
Les harengs frais de la mer du Nord, déchargés chaque année pendant la harengaison par les Dunkerquois dans leur port, servaient pour une grande partie au saurissage, c'est à dire au séchage ou fumage.
Les Dunkerquois eurent aussi l'honneur de se voir attribuer l'invention de la pêche aux harengs qu'ils pratiquèrent dès les temps les plus reculés.  
Avant 1424, les pêcheurs dunkerquois avaient demandé l'autorisation de pouvoir caquer le hareng à terre et donc non seulement en mer dans leurs bateaux, ce qui leur fut permis.
1435, commença à se poser sérieusement la question de la protection sur mer des pêcheurs flamands, pendant les saisons de la harengaison. La première ville de la côte flamande à organiser cette sauvegarde fut en 1438 Dunkerque, ce qui est significatif pour l'importance, qu'y avait prise la pêche aux harengs, ainsi que l'industrie de l'encaquement.
En 1442, la chancellerie anglaise délivra des sauf-conduits à 36 équipages de Dunkerque. Trois de ces licences entrèrent en vigueur en janvier, quatre en juin, neuf en juillet ou au début d'août et vingt au début de septembre de cette année.
Les sauf-conduits accordés par la chancellerie anglaise en 1442 et 1443 témoignent donc incontestablement du progrès constant de la pêche et de la navigation dunkerquoise dans la première moitié du 15ème siècle. D'ailleurs les matelots mêmes n'étaient sans doute pas tous dunkerquois
1532- plus de 500 busches (buyses) furent armés pour la pêche au hareng. 
 1550- on y armé encore 400 busches, malgré la forte concurrence étrangère. Les importations frauduleuses des Pays-Bas détruisirent en partie cette pêche considérable. 
Quatre vaisseaux de guerre, armés et équipés par la ville faisaient croisière pour protéger les flottilles.
Une ordonnance des Quatre Membres de Flandre, en date du 6 mai 1615, réglant la levée des charges et impositions sur le sel, poisson et hareng, fixait ces droits à « vingt gros pour chaque tonneau de poisson salé et hareng, tant de l'avant-pêche, que celui nommé brand, comme aussi chaque emballement de mer et hareng frais, pris par pêcheurs étrangers. » Elle règle ensuite tout ce qui peut concerner la perception. L'article premier exige qu'à l'arrivée dans les ports de 


mer, la déclaration en soit faite au Fermier, et que ces marchandises ne puissent être déchargées sans un billet de lui.
Au début des années 1700 le nombre de navires armés avait fortement diminués.
1702-10 navires furent armés
1706- 25 navires.
La pêche du hareng en ces temps  difficiles pour le port de Dunkerque est presque la seule en vogue. Mais elle souffrait encore  de la fraude des hollandais qui déversaient leur production dans les ports ou la pêche au hareng se pratiquait. 
1713- 45 corvettes  1714- 43 corvettes  1715- 40 corvettes
1716- 42 corvettes  1717--49 corvettes  1718- 46 corvettes
1719- 25 corvettes  1720- 25 corvettes   1721- 23 corvettes 
1722- 28 corvettes  1723- 26 corvettes   1724- 26 corvettes
1725- 29 corvettes  1726- 24 corvettes   1727- 27 corvettes
1728- 28 corvettes  1729- 27 corvettes
1730 un arrêt de Louis XV affranchit enfin les habitants de Dunkerque d’une partie du paiement sur leur pêche au hareng.
« Sa Majesté estant en son Conseil dérogeant en tant que de besoin, à l'arrêt dudit jour, 5 mars 1718, en faveur des habitans de la ville de Dunkerque, a ordonné et ordonne que les habitans de ladite ville jouiront de l'exemption des quatre sols pour livre sur le hareng provenant de leur pesche, qu'ils feront entrer en France » 
La pêche du hareng se faisait avec des corvettes du port de 40 à 50 tonneaux, du 1er Octobre à la fin de Décembre. A la harengaison de 1730, les négociants de Dunkerque en armèrent trente, et trois autres étaient sur les chantiers de construction de la ville. Cette augmentation était due aux bienfaits de l'arrêt du 28 Novembre et à l’espérance qu’avaient les armateurs de voir empêcher les fraudes des Hollandais qui continuaient à importer en France, comme produit de leurs pêches, les harengs anglais et écossais.
Les bateaux péchaient en général à dix-huit lieues de Dunkerque. Quelques-uns partaient au commencement de Septembre et allaient dans les environs d’Yarmouth ou au nord de l’Ecosse au moment où le hareng opérait son émigration.
C’était une affaire importante que cette pêche: les matelots se livraient pendant un jour, aux plaisirs de ce que l’on nommait le foyhuys. Deux ou trois jours avant leur départ, les équipages prenaient chez leurs armateurs un grand repas, auquel assistaient les femmes et les enfants; puis l’on faisait le réveillon en se livrant toute la nuit à des danses et à des libations que l’on appelait l’arrosement des filets. Ceci n’était pas toujours amusant pour les paisibles armateurs, et afin   d’en éviter l’embarras ils donnaient quelquefois à leurs équipages, 
une vingtaine de pots de vin et de 75 à 420 livres d’argent pour s‘amuser ailleurs entre eux; ce qu'ils préféraient.
La pêche du hareng, après 1729, s'était faite avec plus ou moins de bateaux. 
1730- 30 corvettes s’étaient rendues à la pêche; 
1731- 18 seulement, soit douze bateaux en moins que l’année    précédente; 
Puis : 
1744 du fait de la guerre avec l’Angleterre seulement 6 corvettes pratiquèrent cette pêche.
1745 la pêche du hareng avait repris tout-à-coup une extrême vigueur: 43 corvettes s‘étaient rendues à la mer; 
l746, il n’en fut plus de même; 23 bateaux seulement armèrent pour cette pêche.
1747 on ne comptait plus de 21 navires.
 1748- 38 corvettes 
1749- 37 corvettes
1750- 44 corvettes
1754- 45 corvettes 
1752- 48 corvettes 
1753- 52 corvettes
1754- 54 corvettes
En 1754, les pêcheries, hors celle de Terre-Neuve, n’avaient rien perdu de leur activité, malgré les armements considérables auxquels on se livrait pour la navigation au long-cours, au grand et au petit cabotage.
Les matelots de Dunkerque, avec ceux de Fort-Mardyck et de Zuydcoote, pêchaient sur la côte de Gravelines à la frontière belge, une grande quantité de soles, de turbots, de raies, de limandes, et, plus au Nord, le cabillaud, et toutes sortes d’autres poissons, en prenant le soin de rejeter à la mer le fretin, selon les ordonnances. La ville consommait une partie de ce poisson; mais il en était transporté une plus importante dans les provinces du Hainaut, de l’Artois et de la Flandre maritime, en Belgique, ainsi qu’à Lille, Paris et autres principales villes du royaume, où il se vendait sans concurrence étrangère. Cette industrie offrait chaque année pour Dunkerque un produit de plus de 200,000 livres.
La plupart de ces mêmes hommes et une infinité d’autres, dont le nombre pouvait s’élever ensemble à plus de huit cents, firent en 1754, comme en l’année précédente, avec assez de succès, d’abord la pêche de la morue en Islande, puis celle du hareng qui finissait toujours les travaux de la saison.
Quant aux Dunkerquois, ils arrivaient à Yarmouth vers le 15 Septembre, suivaient la côte d’Angleterre, s’arrêtaient à Calais au commencement de Décembre. Souvent ils pêchaient à demi-chenal et quelquefois dans les bancs de Flandre. Alors le hareng avait passé la Manche et s’en retournait au Nord en faisant le tour de l’Irlande.
1756, 33 corvettes de 40 à 50 tonneaux faisaient la pêche du hareng, et rapportaient 9,720 barils que l’on vendit 362,498 livres. 
1757, on armait 40 corvettes, qui obtenaient une pêche fabuleuse  de superbe poisson, dont la vente produisit une somme de 612,682 livres.
Les pêcheurs de Dunkerque formaient alors un corps de métier, ou communauté, sous la bannière de St-Pierre. Ils étaient soumis à la police et à l'inspection du Magistrat qui leur donnait des statuts et règlements suivant ses anciens privilèges, souvent confirmés par les Souverains. 
Ce corps se composait d'un doyen et de deux assistants, sous l'inspection d'un connétable choisi dans le corps des Magistrats ; le serment était composé du doyen, des deux assistants en charge et de tous les anciens doyens, qui prenaient soin des affaires de la communauté et décidaient, sommairement et sans frais, les différends et contestations qui pouvaient s'élever entre eux. Ce corps était composé d'environ trois cents suppôts. 
Avant de faire les armements pour cette pêche, tous les armateurs étaient tenus de prêter serment entre les mains du Magistrat, de se conformer aux règlements rendus pour le bien et le succès de cette pèche. 
Quand les corvettes pêcheuses expédiées pour la pêche du hareng, reviennent de la mer, le hareng frais, c'est-à-dire pêché depuis minuit, est vendu publiquement et entre dans le royaume, sans difficulté et sans droits, et sans être accompagné d'aucune expédition comme poisson frais. 
Si le hareng a été salé à la mer, dans des barils ou en grenier, on le transporte chez l'armateur, où il est nettoyé, préparé comme il doit être. Tous les ouvriers employés à ce travail n'y sont admis qu'après avoir prêté serment entre les mains du Magistrat, de le faire conformément aux règlements, et avoir fait preuve de capacité ; ils sont obligés de rapporter à l'armateur qui veut les employer, certificat du Magistrat qui atteste qu'ils ont été admis à ce travail et qu'ils ont prêté serment entre ses mains. 
Lorsqu'ils sont occupés à pacquer et liller le hareng, deux commissaires du Magistrat se transportent chez les armateurs où le hareng se prépare, pour surveiller ce travail. 
Après que le hareng est ainsi pacqué, le marqueur juré se transporte au greffe de la ville, y prend les fers qui y sont déposés, et brûle de diverses marques à feu les tonnes de cette pèche, en présence des susdits commissaires. 
Lorsque l'armateur veut expédier le hareng de sa pêche, il fournit sa déclaration, en suite de laquelle est le certificat des deux commissaires et du Magistrat qui ont été présents au paquage et à la marque de ces tonnes ; le warandeur et marqueur juré met aussi le sien, pour certifier que les tonnes en question sont de la qualité requise, qu'elles ont été marquées conformément aux règlements du Magistrat, et, qu'en conséquence, elles ont été par lui brûlées comme il est dit plus haut; enfin, la Chambre de Commerce termine toutes ces déclarations et indique la destination de ces harengs, conformément aux ordres du Conseil qui veut que les expéditions se fassent sur les certificats de la Chambre de Commerce. 
Les Dunkerquois tenaient à  ne débiter qu'un poisson d'extrême fraîcheur et de préparation soignée. Les produits de leur pêche alimentaient jusqu'aux tables d'ambassadeurs. A la suite d'une proposition d'un armateur hollandais, M. Block,  les réflexions suivantes figurent 
dans un mémoire de la Chambre de Commerce : 
« Les Dunkerquois font la pêche du hareng de la même manière que les Hollandais, et salent, préparent et paquent ce poisson absolument de même. Aussi, le sieur Block ou les gens qu'il emploierait, n'apprendraient sur ce point rien de nouveau aux pêcheurs dunkerquois. Les pêcheurs d'Honfleur ne sont pas moins instruits à cet égard que ceux de Dunkerque. Une preuve que ces derniers pêcheurs s'entendent aussi bien que ceux de Hollande à préparer le hareng pec, ou hareng d'été, c'est que, depuis très longtemps, M. de Berkenrode, ambassadeur des Etats Généraux des Provinces-Unies, à Paris, charge, chaque année, un ancien négociant de cette ville, ancien conseiller de la Chambre de Commerce, de lui adresser sa provision de hareng pec de la pèche de Dunkerque, et que Son Excellence le trouve toujours très bon et très délicat. » 
Dans ses lettres au marquis de Simiane, le chevalier d'Ostalis fait également l'éloge du hareng pec qu'il déguste à Dunkerque : «Je me fais très bien à l'air et à la vie de Dunkerque, dit-il ; ma santé s'affermit. On mange actuellement ici un mets singulier qu'on court beaucoup parce qu'il est dans le temps de sa primeur: c'est une espèce de hareng salé ; on l'appelle hareng pec. L'apprêt en est fort simple : on le tire de la saumure, on le lave légèrement, on l'écorche et puis on le mange. Les uns le mangent en salade avec de l'huile et du vinaigre, comme nous mangeons quelquefois à Paris les anchois ; les autres, et c'est le plus grand nombre, le mangent avec des tartines... J'avais d'abord une sorte de répugnance à manger de cette sorte de hareng ; mais on m'en a dit tant de bien, on m'a tant assuré que c'est un mets sain, quoique salé, que je me suis enfin laissé tenter ; j'en ai d'abord mangé en salade, puis avec des tartines ; je t'assure que c'est une fort bonne chose; on prétend, et je commence à le croire, qu'en Hollande les médecins vont en campagne quand le hareng pec arrive. » 
A côté du hareng de conserve aussi apprécié, il faut noter les qualités particulières, reconnues à nos concitoyens, pour la préparation du hareng légèrement salé et fumé, vulgairement dénommé craquelot, qui se consomme, en grande quantité, pendant la période de pêche, qu'il prolonge, en fait, pour les gourmets de ce poisson. 
En 1765, on comptait à Dunkerque de dix à quinze mille pêcheurs. Un mémoire de la Chambre de Commerce à M. de Choiseul fait valoir les avantages de cette industrie :
« Les armements pour la pêche ne se font qu'avec les productions de notre crû. Nos forêts nous fournissent les bois pour la construction et le merrain pour les futailles; nos forges, le fer; nos terres, le chanvre pour les filets, les voiles et les câbles ; nos marais salants, le sel ; nos ports sont remplis de constructeurs habiles ; la dépense pour les avitaillements et les gages des équipages est totalement concentrée dans l'Etat ; une foule incroyable d'artisans est continuellement occupée à ces travaux ; la préparation, le transport, la vente de ces pêches, alimentent et soutiennent la partie la plus indigente du peuple; enfin, rien ne sort du royaume, parce que nous n'avons absolument besoin de rien de l'étranger. Quel commerce peut être comparé à celui-là? Quelle est la manufacture, si précieuse qu'elle puisse être, qui ait cet avantage ? » 
1765 Dunkerque compte 1000 pêcheurs.
1767, 56 corvettes de 30 à 40 tonneaux montées par 560 hommes faisaient la pêche du hareng. De ce nombre, 26 navires avaient fait la pêche d’Islande et 8 celle d’Hitland et 30 de ces mêmes corvettes avaient fait entretemps la pêche du poisson frais avec 200 hommes d’équipage.


Cette pêche-ci occupait en outre, à cette époque, 20 «waelacres» et «schuyten», du port de 42 tonneaux chacun, et de 80 hommes d’équipage.
1774 Dans la même année   de retour d’Islande  c’est  30 corvettes que l’on expédiait à la pêche du hareng,  sur un total de  40 corvettes pour cette même pêche du hareng.
1778 Dès le mois d'Avril, 47 corvettes étaient sorties pour la pêche du poisson frais et du cabillaud.
Jusqu’alors, la pêche du hareng à Dunkerque se faisait avec des corvettes. 
Chaque équipage était composé de dix hommes, y compris le maître. 
1789 La pêche de la morue et celle du hareng s’étaient faites avec succès
Au moment de la révolution le port armait soixante-dix bateaux pour la pêche du hareng.
Au début du 18éme siècle la pêche avait toujours un très grands succès. 
Sous la restauration seuls sept à huit bateaux seulement pratiquaient encore cette pêche, concurrencée par le développement du cabotage et du trafic maritime.
1824 la pêche au hareng ne compte plus que 4 armements.
On ne connaît plus guère, sur notre littoral de Dunkerque, que la petite pêche du poisson de nuit qui se vend le jour même, et est fort estimé. Tous les bateaux portent des fanaux, parce que ces feux, disent les matelots, attirent les harengs. La rade présente parfois un coup d'œil féerique, pendant la nuit calme, au clair de la lune, sur la surface des eaux où l'on voit les harengs s'avancer en colonnes serrées et profondes, de plusieurs lieues d'étendue, couvrant la mer d'un immense tapis brillant des éclats du saphir et de l'émeraude et qui paraît en feu et chargée de scintillations phosphorescentes. 
Conservation du hareng
On emploie, pour conserver le hareng, deux procédés différents, la salaison et la dessiccation. Pour saler le poisson, on commence par le caquer, c'est-à dire par lui couper la gorge et lui enlever les ouïes et les entrailles. Cela fait, on le met dans de la saumure, c'est ce que l'on appelle brailler le hareng ; puis on le sale en vrac ; c'est-à-dire qu'on le pose par couches dans du sel. Enfin, quand on juge la salaison suffisante, on paque les harengs, ou en d'autres termes, on les arrange par lits dans des tonnes. 
Pour saurer le hareng, on commence par le laisser séjourner, au moins vingt-quatre heures, dans la saumure, sans le caquer. Ensuite, on l'enfile dans des baguettes appelées linelles, et on le suspend dans des cheminées où l'on fait un feu de bois mouillé, ou mieux, de sciure de chêne, de manière à donner une chaleur douce et beaucoup de fumée. 
Dans le commerce, on donne le nom de harengs pecs aux harengs salés et blancs, caqués et conservés dans des barils, qu'on désigne sous le nom de caques. On nomme harengs pleins, ceux qui n'ont pas encore frayé; harengs guais, ceux qui ont lâché leur laitance ou leurs œufs ; harengs boussards, ceux qui sont en train de frayer, et harengs marchais, c'est-à-dire bons à vendre, les harengs boussards qui commencent à se remettre du frai et qui tendent à devenir harengs guais. 
Occupations des pêcheurs en dehors de la Harengaison 
Les pêcheurs de Dunkerque n'ayant pas, de père en fils, fait d'autre métier, les armateurs se voyaient pour la plupart, dans l'obligation de les entretenir jusqu'à la harengaison. 
Pour leur permettre de vivre, ils leur abandonnaient leurs corvettes pendant neuf mois, pour aller à la pêche du poisson frais, n'ayant pour eux que la part d'un homme soit un septième ou un huitième du produit rapporté et deux sols par livre de la vente ; pour compenser l'avance de leur argent et la garantie des dettes. 
Du dix au 15 Décembre, au retour de la campagne du hareng jusqu'à la fin d'avril, les pêcheurs allaient, pour la plupart à la pêche au nord, soit de 15 à 30 lieues du port pour y capturer des cabillauds ou morues fraîches, des aigrefins, des raies, des ellebeuts. 
Cette pêche se faisait avec des lignes amorcées que les pêcheurs fournissaient. 
L'emploi d'un filet était autorisé en rade. Depuis la fin d'avril jusqu'en septembre la pêche se faisait à la ligne à 5 ou 6 lieues du port produisant, suivant les saisons, des raies, limandes soles, limandes, merlans. Les pêcheurs n'osaient aller plus loin pour la conservation de leurs produits. 
 Le maître du bateau ou capitaine avait ordinairement un chapeau de 30 livres pour toute la pêche de l'année.

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