VISITE De LOUIS XIV a Dunkerque (1662)

 

Dès que d'Estrades eût pu entrevoir l'heureuse issue de sa négociation il avait engagé le Roi à venir se montrer à Dunkerque.

Le courrier expédié au Roi   arriva à Paris le 30 novembre, à trois heures du matin. Sa Majesté qui avait ordonné de réveiller dès qu'il entrerait au Louvre s'apprêta à se mettre aussitôt en route pour Dunkerque.
Dès 6 heures du matin Louis XIV quitta Paris. Il fut reçu à Abbeville, Il se dirigea ensuite vers Calais. Il entrait en ville salué par les canons de la place.
Le 2 décembre, Sa Majesté, après avoir entendu la messe à l'église dés Minimes monta en carrosse pour se rendre à Gravelines, salué à son arrivée de nombreuses salves d'artillerie. 

Il visita rapidement en passant, les fortifications de Gravelines.

En route vers Dunkerque il jeta un coup d'œil sur le Fort Mardyck et le fort de Bois et le cortège royal se forma aussitôt.

Marchaient au devant de Louis XIV treize compagnies de cavalerie détachées des régiments en garnison sur la frontière. Venaient ensuite, la compagnie des petits mousquetaires du Roi, puis celle des grands mousquetaires avec les chevau-légers de la maison du Roi.
Tous ces détachements de la maison du Roi faisaient flotter au vent leurs superbes étendards fleurdelisés, couverts de broderies et des devises spéciales à chaque arme.
Louis XIV venait ensuite. Il s'avançait entouré de ses valets de pied et suivi par un grand nombre de princes, d'officiers de la couronne et cde seigneurs de haute qualité, tous merveilleusement montés et revêtus des costumes les plus brillants.

 Vers deux heures après-midi, le comte d'Estrades reçut le Roi à la porte de Calais lui présenta les clefs de la place que Sa Majesté lui remit aussitôt. Le bailli, le bourgmestre et les autres membres du Magistrat, revêtus de leur robe de cérémonie, haranguèrent le roi. Le premier conseiller pensionnaire fut leur interprète. Les remerciant de leur accueil, le monarque leur exprima sa volonté de témoigner par ses actes l'intérêt et l'affection qu'il avait pour la cité redevenue française.
La porte sous laquelle passa le cortège royal avait été décorée de peintures allégoriques suivant la mode de l'époque et l'on y voyait de nombreuses inscriptions latines, rappelant entre autres que Dunkerque avait appartenu au paravent deux fois à la France en 1646 et 1658).
Sur l'arc de triomphe sous lequel passait le roi, figurait d'un côté Neptune, de l'autre la Nymphe de Dunkerque ; à droite, le Dieu de la mer présentait au roi une couronne; à gauche, la ville offrait au monarque les clefs de ses portes. A ses côtés, une corne d'abondance versait des fleurs de lys. A la partie supérieure étaient les divinités de la mer sur des dauphins. Au -dessus de tout, la Renommée, munie de sa trompette, semblait publier au loin la gloire du roi,
Le roi entra au bruit des salves auquel s'ajoutait la sonnerie des cloches et des carillons de la Tour.
Acclamé par les habitants et une quantité de personnes venues des Pays-Bas pour le voir, il se rendit directement à Saint-Eloi.

 A la porte du temple, le Roi fut reçu par M. Jacques Vandercruce, curé de la paroisse,
Placé sous un dais élevé, le roi entendit un Te Deum qui fut chanté, suivant la coutume du pays, avec accompagnement d'Orgues et de hautbois.
Au devant du chœur on avait placé un jubé très orné. C'est là qu'à côté des chantres se tenaient les musiciens assez nombreux qui accompagnaient le chant. L'orgue et les instruments de musique étaient employés simultanément.


Après avoir entendu le Te Deum, Louis XIV se rendit à l'Hôtel du Gouverneur qu'il devait occuper pendant son séjour.

  La façade de l'hôtel avait été décorée avec goût. Au milieu de nombreuses figures allégoriques et d'inscriptions louangeuses, on remarquait deux tableaux représentant le roi et la reine.
Ces peintures, comme celles de la porte de Bergues et de l'église, étaient l'œuvre de Jean de Reyn.
Le roi, après avoir donné audience au Magistrat qui comprenait le bailli, le bourgmestre, dix échevins, et se complétait par deux conseillers pensionnaires et divers .officiers, employa le reste de la journée à étudier, avec le comte d'Estrade et l'intendant de Picardie, les différentes questions relatives aux fortifications et aux travaux hydrauliques du port, au développement du commerce, au soulagement des habitants, à l'établissement et à la police de la garnison, etc.
Dans la soirée, toute la petite ville, qu'était encore Dunkerque, fut illuminée. Outre les feux de joie, chaque habitant avait voulu manifester son bonheur d'être devenu de nouveau Français.
Le lendemain 3 décembre, le roi se rendit à l'église Saint-Eloi, pour y entendre la messe, à l'issue de laquelle eut lieu, par son ordre, une procession. Les rues avaient été décorées brillamment, donnant ainsi à ce cortège un caractère tout à fait remarquable
A défaut des fleurs et de la verdure manquant à cette époque de l'année, on avait placé des séries de pavillons suspendus par des cordages attachés aux maisons se faisant face. Des tentures variées couvraient aussi les murs de la ville, aux pignons triangulaires.
Le parcours de cette cérémonie religieuse était de peu d'étendue, car il .ne faut pas perdre de vue que la ville était alors bornée du côté de la mer par la rue du Nord, à l'est par la rue des Vieux-Remparts, au midi par la rue des Vieux-Quartiers, et a l'ouest par le port.
Voici l'ordre dans lequel se déroula cette procession,
Les Ghildes ou confréries semi-militaires marchaient, en tête, bannières au vent ;
Les arbalétriers, sous le patronage de Saint Georges, au costume rouge et brun ;
Les archers, vêtus de rouge et de jaune, qui avaient Saint-Sébastien pour patron ;
Les couleuvriniers ou arquebusiers, habillés de rouge et de bleu, dont Sainte-Barbe était la patronne.
Dans le groupe suivant : La compagnie de la rhétorique de Saint-Eloi. Les élèves du collège: des P. Jésuites. Venaient ensuite les membres des confréries religieuses, celles du Rosaire, des Fidèles trépassés et de la Très-Sainte Trinité. Les corporations ouvrières, dont les membres étaient porteurs de leurs insignes, s'avançaient à leur tour avec leurs chefs-d’œuvre et les statues des saints ou des saintes, sous le patronage desquels ils se groupaient.
Ces corporations étaient fort nombreuses.
Venait ensuite: Le bailli, le lieutenant bailli, le premier portant la verge de justice, insigne de sa charge ; le bourgmestre, suivi des échevins, des deux conseillers pensionnaires, du procureur, du trésorier, des greffiers et autres fonctionnaires de la ville, en robe de cérémonie d'étoffe brune ou noire garnie de bandes de velours.
Des détachements de la maison du Roi venaient à la suite.
Le Roi, la tête découverte, un cierge à.la main, marchait derrière le Saint-Sacrement.
Rentré à son hôtel, le Roi fit défiler devant lui toutes les compagnies des gardes françaises et suisses.
Dans l'après-midi, le monarque monta à cheval, et suivi d'un brillant état-major, voulut visiter lui-même la citadelle, les fortifications de la place et le port.
Pour remplacer le fort Léon commencé en décembre 1644 et démoli en 1649, les Anglais, dès 1659, entreprirent de construire sur le même emplacement une citadelle destinée à défendre l'ouest du port, du côté de Mardyck. Désireux également de mettre la place en état de résister à une attaque des forces ennemies, ils restaurèrent les anciennes fortifications, particulièrement les ouvrages élevés à l'est, du côté de la frontière.
Après un examen du port, bien restreint à Cette époque, puisque son entrée se trouvait à la hauteur du petit château, le Roi termina sa visite par la porte de Nieuport, dont il fut décidé d'augmenter immédiatement la fortification.
Le Roi, dès son retour à l'hôtel du gouverneur, voulut réunir immédiatement un conseil pour arrêter les grandes lignes de travaux à faire pour agrandir la ville, restaurer le port et doter la place de fortifications rendant vaines toutes tentatives pour s'emparer à l'avenir, par la force des armes, d'un point si important à conserver pour la sécurité de la France.
L'exemption de toutes impositions à la ville, la naturalité accordée aux étrangers qui viendraient s'y fixer et la franchise entière pour le port, faveurs que contenaient les lettres-patentes portées à la connaissance des habitants, produisirent sur la population le plus heureux effet. Tous étaient unanimes à reconnaître que leur nouveau monarque sacrifiait gracieusement au bien du commerce et à l'avantage des Dunkerquois tous les droits et revenus auxquels il pouvait prétendre, en maintenant les impositions frappées par les anciens maîtres de la place.

Le Roi, désirant faire valoir l'estime qu'il portait à Pierre Faulconnier, l'autorisa à prendre à l'avenir le titre de grand bailli. De plus, il lui fit présent d'une chaîne d'or avec un médaillon contenant son portrait. Il lui accorda encore une place de lieutenant dans le régiment d'Epagny-infanterie pour son fils.
Louis XIV donna ensuite audience à lord Georges Carteret, envoyé par le roi de la Grande-Bretagne, pour le complimenter.
Répondant à la démarche gracieuse du Roi Charles II, Louis XIV dépêcha aussitôt en Angleterre le comte de Vivonne, premier gentilhomme de sa chambre, pour faire aussi ses compliments à Leurs Majestés britanniques.
Le 4 décembre, le Roi fit défiler devant lui toute la garnison et laissa des ordres pour les fortifications et pour la bonne discipline des troupes. Il monta ensuite à cheval pour aller diner à Calais et coucher à Boulogne.

 D’après Emile Mancel 1901 et Pierre Faulconnier 1730 livre VII


 Voir aussi:

 -la négociation 

  -le traité 

 - Évacuation de Dunkerque par les troupes anglaises

 

 

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