L'ANCIEN ROSENDAEL
D’après « Rosendael » de l’abbé Harreau.
Dans la dernière moitié du XVIIe siècle, le faubourg de Pirckepaps ( Pitje pap, Pierkenpaps) des anciens jours disparaît pour revêtir un nom quelque peu sonore mais gracieux, Boozen-daël et, par contraction, Rosendaël, la vallée des roses.
Il n'y a point de vallée; peut-être trouve-t-on déjà des roses dans les multiples jardins qui se dessinent extra-muros?
Ce qu'il y a de certain, c'est que la charité, ombrage le berceau de la bourgade naissante. Lorsque les maladies contagieuses et la peste sévissent à Dunkerque, et notamment en 1666, les bourgeois, victimes du fléau, étaient transportés à Rosendaël, transformé en une sorte de sanatorium, et y recevaient les soins dévoués et généreux des Pères Capucins.
Ce faubourg rattaché aux fortifications de Dunkerque, « ce bourrelet de dunes », compris entre la mer du Nord et le canal de Furnes, ne devaient pas être négligés comme positions stratégiques. Le territoire de Pirckepaps puis de Rosendaël de ce fait fut le théâtre de nombreux conflits durant plusieurs siècles.
Le Hameau dans les dernières années du XVIIIe siècle.
Les dunes disparaissent, les habitations se multiplient. En 1778, l'année qui suivit le désastre de Zuydcoote, on tenta de rendre à la culture, des champs récemment couverts par le tourbillon de sable ; on commença par les plus voisins de Rosendaël ; ces essais ne furent pas sans résultat.
On était arrivé aux jours de la Révolution. Les habitants de Rosendaël, pour éviter d'être incorporés dans la Municipalité de Téteghem, songeaient à élire des municipaux; mais on leur fait connaître le 22 février 1790 un décret récent, d'après lequel le hameau de Rosendaël est compris dans la Municipalité de Dunkerque et, qu'en conséquence, il concourra aux élections.
De graves événements se préparaient,
Rosendaël pendant le siège de Dunkerque en 1793 (article dédié)
En 1793, Dunkerque est déclarée en état de siège. Pour assurer la défense de la place, on démolit les maisons de Rosendaël les plus voisines des retranchements et on détruisit les plantations qui offusquaient les remparts et présentaient des abris.
Le 22 août, à onze heures du matin, on ouvrit les écluses pour couvrir les abords de la ville ; des coupures furent pratiquées dans le canal de Furnes mais on ne parvint, à Rosendaël, qu'à tendre faiblement l'inondation, à cause de l'altitude du sol. Dans l'après-midi, tous les chevaux furent réquisitionnés pour mettre en sûreté « les effets » des Rosendaëliens qui cherchèrent, en grand nombre, un refuge à Dunkerque, où ils furent logés dans les anciens couvents.
Rosendaël fut, pendant toute la durée du siège, le théâtre des combats les plus acharnés.
Le hameau après le siège de Dunkerque.
Le Hameau, autrefois assez florissant, n'était plus : près de deux cents maisons avaient été livrées aux flammes; les deux chapelles avaient été ruinées; les jardins, les enclos avaient été saccagés.
Malgré les secours distribués aux malheureux incendiés, la détresse était grande. Les enfants, réduits à mendier, parcouraient les rues en demandant à de moins pauvres qu'eux un morceau de pain. Après les malheurs du temps et au retour de la paix, Rosendael tend à se reconstituer tout en conservant, dans la première moitié du XIXe siècle, sa physionomie primitive.
Mais En 1800, Rosendael compte déjà 119 maisons pour 714 habitants . En 1825 Elles sont presque 200 pour 1825 habitants.
Le Quartier des pêcheurs.
Dans la partie sablonneuse et au centre de l'agglomération est le Rosendael-pècheur, là « Visscherie », avec ses ramifications, qui vont donner naissance à la rue des Pêcheurs, à la rue du Milieu, et c'est là que viennent se parsemer ces maisons basses, sans étage, bâties en briques et blanchies à la chaux ; d'ordinaire, le plafond est peu élevé, les ouvertures petites, le sol est carrelé ou en terre cuite. L'habitation du marin se compose de deux pièces principales : la salle à manger qui forme aussi la cuisine, et la chambre. Grâce à la propreté native des ménagères, ces demeures respirent un air d'aisance et, aperçues à distance, présentent leur caractère poétique. Les maisons blanches et éparses çà et là étaient comme des pâquerettes dans une vaste » prairie toujours fraîches comme les fleurs, elles renouvelaient, en général avec les fleurs, leur parure au printemps.
Les familles des pêcheurs sont nombreuses. Les hommes et les enfants de douze à treize ans sont retenus à la mer une grande partie de l'année : les uns s'embarquent pour la pêche d'Islande ; les autres sont employés à la pêche côtière ou s'enrôlent, comme matelots, à bord des navires de commerce.
Le Quartier de Jardiniers
A côté de ces gens de mer, il faut signaler la colonie des jardiniers, au sud et au sud-est. Le sol facile à cultiver, écrit M. Georges Marguerit enrichi à l'excès par la fumure continuelle qui lui est prodiguée, produit en moyenne ses trois récoltes annuelles.
Les légumes de Rosendael ont une réputation légitimement acquise et due, pour une grande part, à l'industrie des maraîchers. Gens très-laborieux, ils sont continuellement occupés dans leur jardin d'une contenance moyenne de quatre mesures (un hectare soixante-seize ares seize centiares). Le sol n'est pas ordinairement leur propriété, mais leur maison leur appartient en propre et se cède, à fin de bail, comme auxiliaire indispensable de l'exploitation.
Cette maison du jardinier est loin d'être confortable: construite en briques dans la partie la plus proche de la route, l'orientation le plus ordinairement est vers le midi, elle est disposée de façon que le toit de derrière, en se prolongeant, descende environ jusqu'à un mètre du sol, abritant plusieurs petites pièces presque obscures, servant de cave, de débarras, et éclairées par d'étroites ouvertures sans » fenêtres mais fermées avec des lattes. Elle n'est pas vaste et se compose de deux pièces : la plus grande » servant de cuisine, salle à manger, etc., la seconde est la chambre de réception... Dans la cour, à côté » du puits se trouve le fournil, distrait de sa destination primitive et converti en hangar pour les nombreux paniers, pour les légumes...
Sur le côté, un » bâtiment en briques se compose d'une remise pour la charrette suspendue, une écurie pour le cheval. » Partout en petit chenil en briques, où veille l'humble gardien de ces demeures ouvertes à tout venant. Les maisons du jardinier que nous venons de décrire, sont le type ancien; aujourd'hui, les rares constructions de ce genre sont plus soignées, plus élevées, plus confortables, mais la disposition adoptée reste sensiblement la même.
Ils étaient laborieux et patients, nos ancêtres, et ils surent tirer des trésors de ce sol presque désert et inculte. Pas un coin de terre ne fut abandonné; pas un pouce carré ne fut perdu. La chasse aux bruyères, aux plantes marines, aux mauvaises herbes, fut entreprise sans répit et on. vit nos jardiniers, avec une ardeur infatigable et je ne sais quel charme, planter, ratisser, cercler, travailler leur petit fief. C'était le triomphe de l'intelligence sur la matière, le triomphe de la culture, et Rosendael devint comme le jardin potager de Dunkerque.
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