HISTOIRE DE GRAVELINES




GRAVELINES
Gravelines. — L'historien moine de Saint-Bertin, Malbrancq, donne la description et la carte du grand golfe de l'Aa en l'an 800, et il place Saint-Willibrod (Futur Gravelines) sur un des îlots qui se sont formés à la limite du golfe, par suite des endiguements et des desséchements, et il représente cette cité naissante entourée de marais de tous les côtés.
L'opinion de Malbrancq a une grande importance, parce qu'il est le seul historien qui ait eu en main tous les documents nécessaires pour entreprendre un pareil travail.
Presque tout le pays appartenait ou était tributaire de l'abbaye de Saint-Bertin, et   plusieurs donations faites par les seigneurs, ainsi que quelques bulles des papes qui confirment les droits de l'abbaye sur les canaux et marais de Mardyck, sur les terres desséchées et qui se dessécheront plus tard dans l'intérieur du golfe de l'Aa, pour bien faire ressortir l'intérêt que l'abbé avait à pousser toutes les populations dans cette voie d'endiguement et de desséchement, qui, en livrant de nouvelles terres à la culture, augmentait considérablement les revenus de l'abbaye.
Ce golfe, tel qu'il est représenté par Malbrancq, avait à peu près la forme d'un triangle isocèle, ayant 37kms d'ouverture, de Sangatte à Mardyck, et environ 30kms de hauteur, de SaintWillibrod (Gravelines) à Sithiu (futur Saint Omer).
La mer, dans son mouvement de marée, entrait deux fois dans ce golfe et en sortait deux fois en 24 heures.
En admettant que dès les premiers siècles de notre ère, il y ait eu de grands entraînements de terres et de sables par les eaux pluviales et les cours d'eau, à la suite des travaux exécutés par les Romains, et surtout à l'époque où César fut obligé, pour soumettre les Morins, de brûler presque tous les bois qui leur servaient de refuge, on peut supposer que vers le IV et le V siècle, il n'y avait pas plus de 3 mètres de montée moyenne des eaux de la mer.
 Cette montée de 3 mètres produisait un va-et-vient à chaque marée d'une masse d'eau impressionnante. 
Ce ne peut être que le va-et-vient de cette immense masse d'eau qui a conservé pendant huit ou dix siècles le golfe de l'Aa, ainsi que tous les ports qui se trouvaient situés dans l'intérieur.
Mais l'idée qui dominait partout à cette époque était d'arrêter les alluvions venant de l'intérieur au moyen de barrages, et de créer des digues pour empêcher la mer de couvrir les terrains émergés.
Par suite de ces travaux, la masse d'eau qui entrait dans le golfe diminuait tous les jours, et plus elle diminuait, plus les terrains découverts augmentaient en superficie ; on en est arrivé à un arrêt complet des eaux de la mer, et par suite à l'anéantissement des ports naturels qui existaient dans l'intérieur du golfe.

Saint Wilbrod, arrivé de la Grande-Bretagne en 690, aurait abordé en cet endroit et y aurait construit une chapelle, à l'entour de laquelle seraient venues se grouper quelques familles de pêcheurs.
Le nom de Saint-Wilbrod resta attaché à ce hameau jusqu'à l'époque où Thierry d'Alsace,  comte de Flandre, en prit possession, et fit entourer de murailles les maisons groupées autour de la chapelle.
En 1160 ce prince entreprit de grands travaux pour la création du port; son premier travail fut de diriger un des bras de l'Aa, qui venait à cette époque se jeter dans la crique d'Oye (conduite par un canal créé par Baudoin VII, et qui allait de Watten jusqu'à cette crique), de façon à le faire passer près des murailles de la nouvelle cité, pour aller se jeter dans la mer à une lieue plus loin dans le Nord-Est.
Après sa mort, son fils Philippe continua cette grande entreprise ; en 1190, elle était à peu près terminée, et le port nouveau acquit bien vite une grande importance; il prit le nom de Nieuport.
Ces deux noms de Saint-Wilbrod et de Nieuport se trouvent reproduits sur des sceaux du 10éme siècle, mais le nom qui est resté à la ville est celui de Gravelinghe qui veut dire Canal du Comte.
La rivière l'Aa, canalisée d'abord par Baudoin jusqu'à Oye, et de là jusqu'à la mer par Thierry d'Alsace, avait été endiguée par les habitants d'Oye ; la digue, dont on retrouve encore des parties, portait le nom de digue d'Arras, et c'est le milieu de l'ancien lit de la rivière dans l'Est de cette digue qui, d'après le traité de Brétigny, servait de limite entre le territoire des Anglais de Calais, et la Flandre.
En 1331, Yolande, duchesse de Bar, s'occupa beaucoup de Gravelines; elle y fit construire un château qui plus tard fut fortifié par son petit-fils Henry de Bar. Cette princesse avait conçu le projet de changer le cours de l'Aa, et des travaux avaient été entrepris pour diriger cette rivière directement à la mer; mais ce travail, mal exécuté, ne fut pas suffisant pour faire changer l'ancien chenal de Philippe d'Alsace.
C'est dans l'année 1350 que l'ancien lit de l'Aa, le long des terres d'Oye, se dessécha complétement.
Après la bataille de Crécy, les Anglais, devenus maîtres de Calais, s'étaient emparés de Gravelines; mais cette ville leur fut reprise en 1377 par Philippe le Hardi.
En 1382, lorsque l'évêque de Norwich arriva en Flandre pour aider les Gantois révoltés, il s'empara de Gravelines; et lorsque cet évêque fut obligé de rétrograder devant Charles VI victorieux, il vint d'abord à Dunkerque, d'où il put sortir par capitulation, puis à Gravelines qui fut presque détruite au départ des Anglais.
Saint-Omer avait obtenu des seigneurs plusieurs concessions, à la charge par cette ville d'améliorer le havre de Gravelines et la rivière.
La première concession fut faite par Jean de Luxembourg par acte du 22 août 1440, par lequel le comte accordait plusieurs mesures de terre de son domaine, sous la condition expresse que les habitants creuseraient un nouveau lit à la rivière l'Aa, et redresseraient son embouchure depuis le château jusqu'à la mer.
Une autre concession fut accordée par Philippe le Bon de toutes les terres délaissées et à délaisser par la mer, à la charge par Saint-Omer d'employer à perpétuité les revenus de ces terres à l'entretien et à l'amélioration du havre de Gravelines. Ces clauses firent naître de grands débats entre Saint-Omer et Gravelines; il s'éleva de nombreux procès, mais après un arrêt approuvé par Charles-Quint, en 1531, le magistrat de Saint-Omer fut obligé de faire commencer les travaux.
Les archives de Saint-Omer possèdent quelques documents sur le havre de Gravelines, qui passait pour le meilleur de Flandre après celui de l'Ecluse. Encore au XVème  siècle la mer remontait au delà du pont de Watten. Le magistrat de Saint-Omer avait fait creuser le havre de ce port, de façon à ce qu'un navire chargé de 90 tonnes pût y flotter.
Sans les écluses de Gravelines et de Watten, les eaux seraient venues gagner la grande place de Saint-Omer.
En 1520, Charles-Quint vint à Gravelines, et c'est dans cette ville qu'eut lieu son entrevue avec Henri VIII, où il déploya une grande somptuosité.
Pendant ce voyage il avait ordonné de grands travaux; en 1528 on ajouta aux fortifications plusieurs bastions et un château.


En 1558 le maréchal de Termes saccagea la ville; mais en revenant de Dunkerque pour se rendre à Calais, il fut attaqué par le comte d'Egmont au passage de la rivière l'Aa, et il subit la défaite la plus complète.
A la paix de Cateau-Cambrésis, en 1559, Antoine de Bourbon, seigneur foncier, prit possession de Gravelines.
En 1588 les habitants de cette ville assistaient à la destruction de la flotte espagnole (l'invincible Armada), dont un grand nombre de bâtiments étaient venus s'échouer à la plage.
Jusqu'à l'avènement de Philippe II, il ne se passa rien de saillant à Gravelines; mais ce prince fit reprendre les projets d'Yolande de Cassel et du duc de Bar pour la création d'un canal direct de la ville à la mer, en faisant dériver le cours de la rivière l'Aa dans ce canal
Son dessein était de faire un port considérable dans ce canal, en construisant un bassin spacieux près de la ville, et une grande écluse défendue par un fort près de la mer.


Philippe II ne traça que le plan de ces projets, mais il fit construire le fort qui devait défendre l'écluse, et ce fort fut appelé fort Philippe ; en 1586 on y mit une garnison.
Philippe III ne s'occupa pas de Gravelines; les archiducs voulaient faire continuer les travaux commencés, mais le roi de France Henri II s'y opposa sous le prétexte que ce canal passait sur les terres de France, en voulant s'appuyer sur le texte du traité de Brétigny qui donnait au territoire anglais le milieu de la rivière l'Aa pour limite. Cette prétention n'était pas fondée, puisqu'il s'agissait dans ce traité de l'ancien lit de la rivière. Les pourparlers traînèrent en longueur, et sous Louis XIII, en 1618, on envoya MM. de Caumartin et de Chàteauneuf pour conférer à ce sujet avec le gouverneur des Pays-Bas; mais les choses restèrent toujours dans le même état.

Le gouverneur de Gravelines fit alors ouvrir une tranchée à 30 toises des fortifications pour l'écoulement des eaux du pays qui causaient de grands dommages. La France voulut encore s'y opposer, mais la guerre, survenue avec l'Espagne en 1635, laissa la liberté à Philippe IV d'exécuter les travaux commencés par Philippe II. lI fit construire au fort Philippe une grande écluse dont le grand passage avait 45 pieds et formait entre le port et la ville un sas de 900 toises de longueur sur 45 toises de largeur, avec un bassin vers la place où 20 à 30 vaisseaux devaient toujours être à flot à toutes les marées.
 
Les travaux étaient presque achevés lorsqu'en 1638 la France envoya prendre le fort Philippe et détruire les travaux commencés.
Un gros détachement composé de troupes des garnisons de Montreuil, de Boulogne, de Calais et d'Ardres, sous le commandement du comte de Charrost, vint prendre le fort et coupa la digue en avant de l'écluse. Le sable fut entraîné et combla rapidement tous les travaux.
En 1644, le duc d'Orléans s'empara du fort Philippe et mit le siège devant Gravelines qui se rendit le 28 juillet.
Le fort Philippe prit alors le nom de fort Gaston, et la ville fut remise en état immédiatement.
En 1652 l'archiduc Léopold reprit Gravelines.
En 1654, le 28 mai est inscrit comme une des journées fatales de Gravelines ; à 11 heures du matin le feu prit aux poudres enfermées dans le château, et cet accident endommagea considérablement la ville et les fortifications; le château sauta entièrement.
En 1658, le maréchal de Turenne s'empara de Gravelines et le 30 août de cette année cette ville redevint pour toujours française. C'est Vauban qui avait conduit les travaux du siége.
En 1659, ce fut encore Vauban qui fut chargé- de rédiger le projet des ouvrages de défense pour augmenter la place. Pendant le siège, le fort Philippe ou Gaston avait été totalement détruit ainsi que tout ce qui en dépendait, et en 1700 il ne restait plus aucun vestige de tous les travaux de Philippe IV ; le sable avait tout nivelé.
 En 1678, de grands travaux furent exécutés au havre de Gravelines, qui était très-envasé et ensablé. En 1680, les travaux exécutés à Dunkerque, en fermant le débouché naturel de la rivière l'Aa, furent cause que le cours de cette rivière, en débouchant à la mer, se reporta plus au large et que son lit se rétrécit de plus en plus.


En 1699, le 19 février, une tempête épouvantable vint encore aggraver la mauvaise position de l'entrée de la rivière, et causa des dégâts considérables sur la côte en rompant les écluses et les digues, ce qui occasionna de grandes inondations.
En 1700, le maréchal de Vauban confirma l'opinion que l'on pouvait former un beau port à Gravelines, et dans son rapport, il déclara les travaux des Espagnols si convenables à la défense de la place et avantageux au commerce de la province qu'il en proposa le rétablissement.
Le sieur Daverdoing, conseiller pensionnaire à Gravelines, sollicitait avec instances la reprise des anciens travaux; des sondages exécutés par ses soins vinrent montrer que les ouvrages des Espagnols étaient encore entiers; mais les grandes constructions de Dunkerque mirent obstacle à la réalisation de ce projet.

En 1731, le même M. Daverdoing se mit à la tête d'une compagnie et demanda à entreprendre à ses frais les travaux de l'écluse et l'excavation du canal; il supposait pouvoir réussir avec une somme de 600,000 francs 2.
Les villes voisines, qui ne désiraient pas l'établissement d'un port nouveau, affirmèrent que les Espagnols eux-mêmes avaient reconnu les travaux défectueux et qu'il y avait à la Chambre des comptes à Lille un procès-verbal de visite prouvant cette assertion. M. Daverdoing lutta contre les opposants, mais il mourut et son projet fut abandonné.


L'excavation du canal finit néanmoins par être ordonnée quelques années plus tard, en même temps que la construction d'une écluse plus proche de la ville.


Ces travaux ont été exécutés en 1738, 1739 et 1740. Ils ont été très utiles pour le pays qu'ils ont sauvé de l'inondation sur toute la rive droite de l'Aa; mais le même résultat aurait été obtenu par l'exécution des projets de M. Daverdoing, qui étaient les mêmes que ceux de Philippe IV, et ils auraient créé un port important.


Le nouveau port se trouva formé par la nouvelle embouchure de l'Aa qui débouche à la mer basse par l'écluse Vauban, en faisant chasse et passant par un canal rectiligne de 1800 toises, dans la direction du Sud-Est au Nord-Ouest.
On ignore la raison qui a fait démolir et anéantir tous les travaux des Espagnols; mais, malgré les avis favorables de personnes importantes, tels que Vauban, d'Asfeld et autres, on a tenu à cette destruction, et toujours on a cru dans le pays à l'influence exercée par les protecteurs de Dunkerque qui étaient habitués à jouir de tous les privilèges au détriment des villes voisines.
Les travaux exécutés en 1740 avaient donné de beaux résultats, mais le manque d'entretien, surtout au commencement de la Révolution, fit beaucoup péricliter ce port.
La première portion de quai qui ait été faite à Gravelines date de 1791 ; des fonds avaient été votés pour continuer ces travaux, mais ils ont toujours été employés à d'autres objets. Sous l'Empire, on exécuta encore quelques mètres de ce quai, et la dernière partie de 30 à 40 mètres n'a été construite jusqu'au débouché de l'écluse de la gérance qu'en 1841 et 1842; on établit alors les pilots le long du quai Est pour servir d'amarres.
Les talus du chenal étaient primitivement soutenus par un bon fascinage, à la base duquel on avait construit des lignes en planches clouées sur de forts pilots de chêne, enfoncés de 2 mètres et dont les têtes ne dépassaient pas alors le plafond; mais cent ans se sont écoulés sans que jamais on n'ait fait aucun travail d'entretien à ces talus, de sorte que depuis longtemps tout cet échafaudage était renversé au point d'être dangereux pour les navires.
Depuis 1790 les habitants n'ont cessé de faire des réclamations à ce sujet:
10 mai 1792: Demande au ministre de la marine pour l'établissement de gros pilots depuis les balises jusqu'à la flaque des Espagnols;
22 prairial an II : Représentations au Comité de salut public tendant à obtenir le prolongement de la jetée Est;
2 fructidor an III : Demande à ce que la balise de l'Est soit portée à 30 toises plus en avant dans la mer;
17 pluviôse an IV : Même réclamation;
12 germinal an X: Réclamation au sujet du mauvais état des digues du chenal et du danger où l'on est de voir l'eau de la mer inonder le pays;
21 ventôse an XI : Demande de fonds pour la réparation des jetées Ouest du port.
Jusqu'en 1814 les plaintes ne se reproduisirent plus, mais elles se renouvelèrent alors.
En 1830 le port ne possédait que quelques mètres de mauvais quais en bois; il était rempli de vase, l'ancienne écluse de chasse construite en 1740 était tombée en ruine, le chenal était comblé au point qu'on le traversait à pied à marée basse entre les deux forts Philippe.
Enfin, en 1837 des travaux furent ordonnés, on reconstruisit l'écluse de chasse, on fortifia les digues du chenal, on cura le port, en même temps que l'on travailla à consolider et à prolonger les jetées.
Le 17 mars 1836, M. de Lamartine, député de Dunkerque, défendit avec chaleur le port de Gravelines, et c'est à lui que l'on doit les travaux entrepris l'année suivante.
La construction et l'allongement successif des jetées eurent le même résultat qu'à Dunkerque; la plage s'étendit au large de toute la longueur de ces jetées, et quoiqu'elles ne soient pas élevées à la hauteur des hautes mers, elles n'en forment pas moins une barrière perpendiculaire au mouvement naturel des sables dans leur va-et-vient le long de la côte.
En 1807 le chenal, à partir du fort Philippe, point extrême de la batterie démolie, avait 1,140 mètres pour la jetée de l'Est, et 1,380 mètres pour celle de l'Ouest, cette dernière débordant de 240 mètres sur l'autre.

En 1837 on prolongea le chenal, et la jetée de l'Est fut poussée à 1700 mètres; celle de l'Ouest s'avançait en forme d'épi à 200 mètres plus loin. Cet épi fut détruit en 1856 et il ne resta plus qu'une balise en dehors de son ancienne position; la jetée de l'Ouest se trouva diminuée d'environ 200 mètres. Ce chenal est en partie submersible et marqué par des balises en gros pilotis; il y en a 10 à l'Est et 15 à l'Ouest. A partir de l'écluse de chasse, le chenal a donc 3670 mètres de longueur.




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