HISTOIRE " Splendeur de La défense de Dunkerque en 1713"
Splendeur de La défense de Dunkerque
en 1713
Cet article comprenant une description de la ville dans l'état ou elle était avant sa démolition avec un examen de la défense dont elle était alors capable.
Cet article basé sur la défense de la ville ne fera pas mention de la majesté des édifices qui furent construits à l'intérieur de la place, ni de la beauté de la ville, non plus que de son opulence,
En arrivant à Dunkerque par la mer, l'on découvrait d'abord à la tête des jetées les châteaux Vert et de Bonne Espérance le premier à l'est, le second à l'ouest. Ils étaient de charpente, élevés sur pilotis, travaillés avec une solidité et un art admirable chacun pouvait contenir trente pièces de canon. Ses batteries, avancées plus de mille toises dans la mer, avaient pour objet d'empêcher le bombardement de la ville comme cela était arrivé en 1695.
En entrant dans le chenal que renfermaient les jetées distantes l'une de l'autre d'environ 100 m l'on rencontre à l’ouest le fameux fort appelé Risban,
qu'on ne pouvait voir sans étonnement. Il était construit tout en maçonnerie comprenait de belles casernes, une vaste citerne des magasins pour les munitions de guerre et de bouche et les autres commodités propre à une garnison.
L'on communiquait de la ville en parcourant la jetée qui répondait jusqu'au pont de bois qui en défendait l'entrée. L’on pouvait mettre en batterie sur son rempart jusqu’à quarante-six pièces de canon, disposées sur trois alignements à cause de la forme triangulaire qu'avait ce fort De l’autre côté à l’est était le fort blanc
qu'on appelait le petit Risban parce qu'il avait les mêmes propriétés que le précédent. Il était aussi de maçonnerie et avait l'avantage par sa position non seulement d'éloigner le bombardement mais encore de défendre du côté de la terre l'accès du front de la place répondant à l'esplanade de Nieuport par conséquent de battre tout ce qui aurait voulu paraître sur l'Estran. Son rempart pouvait contenir vingt pièces de canon.
En avançant vers le port, l'on trouvait encore du même côté le fort ou Château-Gaillard, construit en charpente, répondant à la jetée de l'est à laquelle il communiquait par un petit pont. Ce château de figure rectangulaire pouvait contenir douze pièces de canon dont une partie défendait l'accès de la jetée adjacente et l'autre croisait avec le feu qui partait de la gorge du fort Blanc, ce qui rendait cette partie inaccessible à l’ennemi.
De l’autre côté du chenal presque en vis-à-vis du château précédent était encore un fort de maçonnerie appelé la batterie de revers
parce ce fort était disposé de façon que son artillerie qui pouvait monter à seize pièces de canon, prenait de revers sur le gros risban sur l’esplanade de la citadelle et sur l'entrée du port.
Si l’on ajoute à tous les feux de ces forts ceux qui pouvaient partir de la nombreuse artillerie placée sur le rempart de la citadelle
et sur le cavalier du bastion 35 on conviendra que jamais les environs du port n'ont été mieux défendus . Les jetées étaient d’une étendue où jamais aucun ouvrage de cette espèce n’avait été porté, ayant près 2000 m de longueur, toutes en charpente, les coffres remplis de grosses pierres selon les règles de la meilleure mécanique, élevées avec des dépenses prodigieuses.
Une des beautés du port de Dunkerque était le bassin capable de contenir une escadre de quarante vaisseaux toujours à flot dans le temps même de la basse mer à cause de l’écluse qui était à son entrée dont la largeur, de 13 m, la rendait propre au passage des vaisseaux du premier rang.
Cette écluse, dont M. de Vauban donna le projet, et qui fut achevée en 1686 était une des plus belles de son temps travaillée avec tout le soin imaginable.
Le bassin était revêtu tout autour d'une bonne maçonnerie et pour l’usage de la marine on construisit dans ses environs une quantité de beaux bâtiments la corderie, le magasin général, le magasin particulier des vaisseaux du Roi, le hangars des mâts, les forges, les boutiques des ouvriers de tout métier, les logements des commissaires et officiers du port, et un grand nombre d’autres édifices renfermés dans l’arsenal de la marine, où l’on avait projeté une forme pour la construction des vaisseaux, indépendamment de plusieurs belles carènes existantes à l’usage de la marine du Roi et de celle des armateurs
Le port n'était pas moins digne de la curiosité des connaisseurs à cause de la manœuvre des écluses qui servaient à le nettoyer et à l’approfondir.
La plus remarquables était celle qui se trouvait à l’embouchure du canal de Bergues, au fond du port elle avait vingt-six pieds de largeur avec double paire de portes busquées dont les unes servaient à soutenir les eaux du canal à marée basse et les autres celles de la mer à marée haute de sorte que les bateaux pouvait passer du canal dans le port et du port dans le canal.
Cette écluse servait également à marée basse pour lâcher d’un coup avec violence les eaux du canal qui creusaient non seulement le port mais également le chenal
Cette écluse avec d’autres servaient aussi à faciliter l’écoulement des eaux du pays et à l’inonder en cas de besoin.
A l'embouchure du canal de la Moere qui se trouvait aussi au fond du port était encore une autre écluse qui remplissait le même objet que la précédente mais par une mécanique différente de sorte que quand ces deux écluses venaient à jouer ensemble ou alternativement, elles faisaient un travail prodigieux.
Afin de mieux creuser le chenal par l'action de l’eau une troisième écluse sur le canal de Furnes, donnait aussi la chasse aux sables que l’on voulait emporter.
Pour communiquer de la ville au canton du bassin et se rendre à ; la citadelle, il y avait un pont de bois ou les- charriots pouvaient passer, dont l'entretien a été la charge de la ville jusqu'en 1663 que le Roi le mit sur le compte des fortifications, l'ayant délivrée lui-même de toute imposition afin de marquer aux habitants sa bienveillance.
La citadelle était une espèce de pentagone irrégulier situé à l'ouest, entre le port et le chenal. Il parait que sa forme bizarre vient de ce que les Anglais quand ils la commencèrent en1 659 voulurent mettre à profit la tête du fort Léon qui était un ouvrage à cornes dont ils ont formé la gorge, pour composer le front qui regardait la ville Quand Dunkerque devint Française on la fortifia encore en ajoutant au front qui regarde l'Estran de nouveaux dehors parce que c'était sa partie faible.
Cependant cette citadelle n’avait pas la surface nécessaire pour contenir les magasins pour les vivres, l'artillerie, des pavillons, des corps de casernes et autres édifices nécessaire à sa garnison.
L'enceinte de la ville était flanquée de dix grands bastions, les courtines couvertes par autant de demi-lunes, avec de larges et profonds fossés entourés du côté de Nieuport d'un double chemin couvert, séparés l'un de l'autre par un avant-fossé. Elle avait de plus de ce coté-là un grand ouvrage à cornes dont les branches étaient soutenues par deux lunettes
Il était également fait usage des petites écluses pratiquées au milieu des batardeaux de maçonnerie situés dans les fossés de la place pour en diriger les eaux et ainsi les nettoyer
L'ouvrage à couronne construit en 1640 pour couvrir la basse ville et l'entrée des canaux dans la ville, était encore à l’une belle construction, appuyée aux canaux de Bergues et de la Moere. Le fossé de cet ouvrage était susceptible de toutes les chicanes possibles, à l'aide des écluses pratiquées dans les batardeaux.
Parce que ces canaux pouvant être mis à sec alternativement et remplis des marées par le jeu des écluses de Bergues et de la Moere, l'on pouvait faire couler rapidement de nouvelles eaux dans ce fossé pour donner la chasse aux ponts des ennemis, ce qui eût rendu la prise de cet ouvrage des plus difficiles.
D'ailleurs on avait en avant le fort Louis, qui n'en étant éloigné que d'environ 1600 m pouvait battre de revers les assaillants qui auraient voulu cheminer vers cette tête, devenue bien plus inaccessible encore par ce camp retranché que M. de Vauban fit faire en 1706.
Ce retranchement était composé de deux lignes :
la première partait du fort Louis, et venait aboutir vers l'angle du demi-bastion de l'ouvrage couronné le long du canal de la Moere qui lui servait d'avant-fossé.
Et comme à l'endroit du grand Stindam qui était un poste avancé renfermé dans une redoute servant à couvrir une écluse propre à former les grandes inondations il se trouvait un petit canal de traverse servant à joindre ceux de la Moere et de Bergues qui donnait lieu à une presqu'ile assez vaste M. le Maréchal de Vauban l'occupa par les pièces appropriées à la situation du lieu pour rendre le front le plus fort de tous.
La seconde ligne partait du canal de Bergues et allait se terminer à la hauteur de celui de Bourbourg, qui lui servait aussi en partie d'avant-fossé. Cette ligne était détendue, comme la précédente, par la ville le fort Louis, dont la position semblait avoir été choisie exprès pour protéger ce camp qui se trouvait par toutes sortes d'endroits le plus commode le plus fort de tous ceux qui n’ont jamais été construits pour soutenir une place.
Il avait plus de 8000 m de tour son fossé 16 m de largeur, sur 2.5 m de profondeur, et 2 m de hauteur d'eau; son parapet avait 3.5 m d’épaisseur et 2.5 d’élévation au dessus du niveau de la campagne.
Ce camp était garni de cinquante pièces de canon montés sur des affûts marins il avait aussi les magasins corps de garde et guérites légères qui lui étaient nécessaire».
Pour occuper ce camp retranché, M. de Vauban disposait de douze bataillons en garnison dans la ville et la citadelle, un dans le fort Louis, un autre dans le fort-François et huit dans Bergues, ce qui fait vingt-deux bataillons soit onze mille hommes
Jamais place n'a eu tant de ressources pour sa défense qu'en avait Dunkerque, qui n'était susceptible d'attaques que par deux fronts seulement : le premier par la citadelle et le second du côté de Nieuport l'accès des autres pouvant être rendu impraticable par les inondations au moyen des écluses de Gravelines et de Dunkerque.
Gravelines retenait les eaux de la rivière d'Aa la faisait refluer dans la Colme, qui étant aidé du canal de Bergues, mettaient le pays au blanc depuis les bords de la rivière d'Aa jusqu'aux digues du canal de Bourbourg en fermant toutes les échappées d'eau de celui de Bergues du côté de la Moere.
On pouvait encore former une seconde inondation grâce aux écluses de Dunkerque pour couvrir
le pays depuis le canal de Bergues jusqu'à Hondschoote.