Des corvettes armées pour la Pêche au Hareng en 1730
Des corvettes armées spécialement pour la Pêche au Hareng en 1730.
D’après Henri du RIN.
C’étaient des bateaux de 24 à 30 tonneaux dont la construction était la plus propre à tenir la mer en tout temps. Bons voiliers, ils étaient faits expressément pour la pêche au hareng qui commençait, un premier octobre pour finir aux premiers jours de Décembre. Soit deux mois au plus
En général, les corvettes n'allaient pas à la pêche au delà d’une centaine de kilomètres du port. , Quelques-unes cependant partaient chaque année au commencement de septembre, à la rencontre du hareng à la côte anglaise, aux environs de Yarmouth.
L'équipage consistait en sept hommes, plus un demi-homme (novice) et un garçon (mousse).
Les plus grands avaient dix hommes.
La rémunération.
Les gages étaient fixés de vingt à vingt-deux livres par semaine pour chaque-homme.
Le maître avait les mêmes gages que ses hommes mais il recevait, en plus, un chapeau de cinquante à soixante livres que lui donnait son armateur, selon que la pêche avait été plus ou moins favorable.
Les équipages procédaient, un mois d'avance, au radoub de la corvette et chez l'armateur à l'ajustement des filets, et ce, sans rémunération aucune, sauf à la fin de la journée un gobelet ou deux de vin avec du pain et du fromage.
Deux à trois jours avant le départ, on donnait chez l'armateur un grand repas à l'équipage. Les hommes y amenaient leurs femmes et leurs enfants. C'était grande fête, ils y dansaient toute la nuit et y faisaient réveillon ce qu'on appelait « arroser les filets ».
Quelquefois pour éviter cette cohue, l'armateur leur octroyait, une vingtaine de pots (40 litres) de vin et soixante-quinze à cent-vingt livres soit douze à quinze livres par tête.
On peut s'imaginer la frairie à laquelle se livrait l'équipage qui préférait un repas plantureux au partage de l'argent qui devait cependant leur être bien nécessaire.
Les quantités rapportées .
Quand ils n'avaient pas le malheur d'avoir leurs filets coupés, soit trop souvent par des bâtiments qui passaient ou par d'autres pêcheurs qui le faisaient par méchanceté, les pêcheurs prenaient dans leur voyage vingt-cinq à quarante lasts de harengs. Certains en péchaient jusque soixante-cinq et soixante-dix lasts. (Un Iast équivaut à 12 tonnes). Mais depuis quelques années par la multiplicité des pêcheurs, par la facilité de pêcher en temps de paix, le produit ne s'élevait guère, en moyenne à plus de trente lasts.
Préparation du Hareng
Chaque corvette emportait du sel et de 50 à 80 tonnes vides au moyen desquelles la grande moitié des harengs vidés pouvait être mise à bord en caque ou baril avec du sel ; ce travail se faisait dans la journée de la pêche.
Grâce à cette opération le hareng blanc de Dunkerque était aussi bon et aussi estimé que celui des Hollandais qui avaient autrefois la préférence des acheteurs, parce que précédemment tout le hareng péché sur nos côtes était simplement mis en grenier ou en câle dans les bateaux. Il était ensuite porté à, terre dans des paniers pour y être salé et mis en tonnes chez l'armateur.
Bien que tout cela se fit 15, 18 ou 20 heures au plus après la pêche, en raison des ordonnances sévères de ne plus caquer après minuit de la première journée, ce poisson tant de fois remué et maté, ne pouvait être mis en parallèle avec celui des Hollandais, salé et mis en tonnes à la mer, comme le font actuellement nos pêcheurs.
Il faut dire que la raison pour laquelle nos pêcheurs ne salaient pas leur poisson à la mer, était qu'en ces temps ordinaires de guerre, le sel aurait rendu les corvettes de bonne prise pour les corsaires ; sans sel à bord, ils étaient considérés comme pêcheurs au poisson frais.
Un certain nombre de harengs était encore mis en tonnes à terre ; on réservait pour cela les plus frais, quand ceux-ci n'étaient pas vendus aux chasse-marées, mais cette quantité était toujours minime et ne s'élevait pas au dixième de sa pêche.
Vente aux Chasse-Marées
Quand les vents favorables permettaient d'apporter la pêche en 8 ou 15 heures, un quart de leur pêche se vendait frais aux chasse-marées qui l'achetaient au « beut », soit par 400 au prix de 5 à 10 livres le « beut », selon ce que la pêche avait donné. Le chiffre s'élevait parfois à 10 et même 15 livres quand c'était du poisson en primeur ; les chasse-marées le transportaient aussitôt aux endroits de consommation, à Dunkerque ou aux environs, le tout payé argent comptant à la satisfaction des armateurs.
Secondes catégories de Harengs
Le hareng, non mis en tonnes, poudré seulement de sel, et celui non vendu était mis à la « coresse » pour en faire du hareng sauret. Celui-ci n'avait pas la perfection de l'autre.
Il valait 7 livres 10 sols par tonne contenant 1010 harengs. Le hareng gai ou vide était mis au rebut; il était mis en tonne et vendu pour tel. Il en était de même des harengs, un peu écorchés, sans tête ou trop gros, ces derniers ne conservant pas. On les vendait au cent, soit au nombre.
Importance de la Flottille
Pendant la dernière guerre et même dans les premières années de la paix, le nombre de corvettes pêcheuses ne s'élevait pas à plus de 12 ou 15.
Ce nombre s'augmenta peu à peu et enfin, par suite de la facilité du vieux port, devenu pour elles praticable 'depuis 1726, trente corvettes furent armées.
En 1733, il y en eut 33, plus trois corvettes sur les chantiers. En 1741, leur nombre s'éleva à 41.
La bonne réputation des produits dunkerquois laissait entrevoir un chiffre encore plus considérable, surtout s’il devenait possible d'empêcher l'introduction en fraude et par des marques contrefaites le long des frontières, des harengs de Nieuport où une Compagnie, fondée pour la pêche, s'efforçait par tous les moyens d'introduire en France leur poisson, malgré les arrêts divers qui s'y opposaient. Il en était du reste de même, des produits anglais.
Tout le hareng péché appartenait aux propriétaires des corvettes, qui avaient à leur charge tous les filets et supportaient toutes les avaries.
Les pêcheurs de Boulogne, Cayeux, Tréport, Dieppe et autres endroits allaient à la part, entrant dans l'achat de filets, dans les avaries et frais, les propriétaires leur fournissant l'argent à la grosse, avec grand bénéfice pour leur quote-part requis pour l'équipement des bateaux, tandis que les armateurs de Dunkerque étaient en grande avance des dépenses, et non sans risques.
Occupations des pêcheurs en dehors de la Harengaison
Les pêcheurs de Dunkerque n'ayant pas, de père en fils, fait d'autre métier, les armateurs se voyaient pour la plupart, dans l'obligation de les entretenir jusqu'à la harengaison.
Pour leur permettre de vivre, ils leur abandonnaient leurs corvettes pendant neuf mois, pour aller à la pêche du poisson frais, n'ayant pour eux que la part d'un homme soit 'un septième ou un huitième du produit rapporté et deux sols par livre de la vente ; pour compenser l'avance de leur argent et la, garantie des dettes.
Du dix au 15 Décembre, au retour de la campagne du hareng jusqu'à la fin d'avril, les pêcheurs allaient, pour la plupart à la pêche au nord, soit de 15 à 30 lieues du port pour y capturer des- cabillauds ou morues fraîches, des aigrefins, des raies, des ellebeuts.
Cette pêche se faisait avec des lignes amorcées que les pêcheurs fournissaient.
L'emploi d'un filet était autorisé en rade. Depuis la fin d'avril jusqu'en septembre la pêche se faisait à la ligne à 5 ou 6 lieues du port produisant, suivant les saisons, des raies, limandes soles, limandes, merlans." Les pêcheurs n'osaient aller plus loin pour la conservation de leurs produits.
Le maître du bateau ou capitaine avait ordinairement un chapeau de 30 livres pour toute la pêche de l'année.
Les Dommages
Tout dommage au bateau, perte de voile, ancres à câble hors la harengaison, devait se prélever sur le produit de la pêche. Mais la misère des pêcheurs faisait que souvent, il n'y avait point de reprises sur eux.
Pèche à la Morue
Quelques corvettes s'en furent jusqu'au nord de l'Ecosse pour pêcher le hareng pèc, c'est-à-dire faiblement salé, mais cette pêche dut être abandonnée en raison de la concurrence des Hollandais.
Par contre trois d'entre-elles furent envoyés en 1730 à la pêche à la morue sur les côtes d’Islande.
La réussite de cette opération fit armer l'année suivante quatre corvettes et deux dogres de 50 à 60 tonneaux. On se plaisait à espérer pouvoir en alimenter tout le pays, la Flandre française, l'Artois et une partie de la Picardie éliminant ainsi les produits de la Hollande, surtout si l'on pouvait empêcher toute importation frauduleuse, des morues de Nieuport qui ne pouvaient entrer en France qu'en payant 36 livres par tonneau ou 12 livres du cent, tandis que les morues pêchées par les Hollandais n'étaient soumises qu'à un droit d'entrée de 5 livres. La morue de la pêche réellement faite par les Dunkerquois était, par une grâce du Roi, exempte de tout droit d'entrée en France.
Deux ou trois corvettes n'ayant pu compléter leur équipage en 1730, furent employées au transport des harengs aux ports de France et revinrent chargées de vin, d'eau de vie et de sel.
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