HISTOIRE: Louis-Maurice ARNAUD-JEANTY le créateur de l’Ile Jeanty.

 

Louis-Maurice Arnaud-Jeanty le créateur de l’Ile Jeanty.

D’après A.M Le Mercier 1908
Honoré Arnaud-Jeanty avait laissé dans son fils un héritier digne de lui, Louis-Maurice, qui allait lui succéder dans ses importantes fonctions.
Initié de bonne heure à toutes les entreprises, Honoré Arnaud-Jeanty voulut inculquer à son fils les principes dont il s'était toujours servi ; il tenait à honneur de se voir renaître dans ce fils dont il avait deviné les aptitudes. Et, de fait, Louis-Maurice sut profiter des leçons « de ce bon maître », comme il aimait à le rappeler lui-même. Dunkerque allait trouver en lui un de ses hommes dont elle peut s'enorgueillir, c'est, du reste, le souvenir de ce citoyen remarquable qui demeure encore quand on parle de « l'Ile-Jeanty ». 

 
Louis-Maurice Arnaud-Jeanty naquit à Dunkerque le 22 avril 1686.
Initié de bonne heure à tous les travaux de son père Honoré Arnaud-Jeanty, il avait été chargé par lui à peine âgé de 16 ans, des fortifications de la ville de Furnes. Son travail fut couronné de tant de succès, que, malgré son jeune âge, M. Le Blanc, commissaire départemental des Flandres, lui confia la démolition des fortifications de Dunkerque ; là, encore, il put mettre en pratique les sages conseils de son père.
Il acheva dans de telles conditions ce travail, que M. Le Blanc lui donna l'entreprise colossale des nouvelles écluses de Mardyck.
Louis-Maurice Jeanty devait en remporter un renom considérable et une grande réputation d'ingénieur.
Au commencement de mai 1714, les troupes destinées au nouveau canal de Mardyck arrivèrent au nombre de douze bataillons. Ce travail fait avec diligence, donna aux habitants de Dunkerque, après toutes les tristesses de la ruine de leur port, une satisfaction qu'on ne peut exprimer. On commença à piloter les écluses de ce nouveau canal, le 24 août on posa la première pierre à la grande écluse.
Le 14 décembre, dans l'après-midi, on suspendit la première porte de la grande écluse ;
n pouvait craindre cependant à tous moments de voir le pays inondé par les eaux ; d'un autre côté, Dunkerque était atteint dans son commerce par suite de la destruction de son port. Il fallait activer les travaux.
Louis-Maurice Arnaud-Jeanty, secondé par M. Le Blanc, y mit tant d'ardeur que le 11 janvier 1715, la dernière porte des écluses était posée et en état, par cela même, d'évacuer les eaux du pays. Jeanty venait de faire une œuvre remarquable. C'était une vaste entreprise qui allait faire l'admiration de ses contemporains.

Afin de pouvoir arriver à permettre à l'eau de mer de pénétrer dans les canaux, sans se répandre dans le pays, Arnaud Jeanty, sur l'avis de M. Le Blanc, fit élever la digue du canal de Bergues, du côté des forts.
Malheureusement, le roi Louis XIV vint à mourir. Après sa mort, les plaintes des Anglais devinrent plus vives que jamais au sujet de Dunkerque, et pour ne pas se brouiller avec eux, le Régent leur donna encore satisfaction. Deux ans après, en 1717, un des articles du traité de la Haye ordonnait que tous les travaux du port de Dunkerque fussent détruits de fond en comble. Le canal maritime fut donc, en conséquence, supprimé et réduit en proportion d'une simple rigole d'écoulement. Les navires, qui ne pouvaient plus passer par l'écluse dont la largeur avait été réduite à seize pieds, étaient obligés d'échouer dans le chenal et devaient décharger le long d'un quai que le roi avait fait établir. Triste conséquence d'un traité sinistre !
Dunkerque était de nouveau la victime de son implacable ennemie.
Ce fut après ces douloureux événements que Pierre le Grand, faisant un voyage dans le Nord de la France, vint visiter Dunkerque. Par respect pour la malheureuse cité, il ne voulut pas que sa présence fut l'occasion d'aucune réjouissance. Sur les instances du Magistrat, il accepta l'hospitalité à l'hôtel de l'Intendance de terre avec une garde de quinze hommes, commandée par un lieutenant.
Cornil Bart fut chargé par le Régent de faire les honneurs de la ville. Le futur empereur de Russie doué d'un puissant esprit d'observation, étudiait tout ce qui éveillait son attention. Aussi, dans son existence parfois aventureuse, cherchait-il sans cesse des renseignements utiles au développement de ses Etats.
Après avoir visité les fortifications et les ouvrages de mer démolis, Pierre le Grand voulut voir les écluses de Mardyck dont il avait entendu parler. Il les trouva si belles qu'il voulut lui-même complimenter l'habile ingénieur.
Mis en rapport avec Louis-Maurice Arnaud-Jeanty, il fut si frappé de la variété de ses connaissances et de la vigueur de son raisonnement que, désirant s'assurer son habile concours, il n'hésita pas à lui proposer de passer avec lui en Moscovie.
Il se laissa séduire et consentit à partir pour la Russie.
Ses connaissances si hautes le firent mettre aussitôt à la tête des travaux de Saint-Pétersbourg qui furent en grande partie son œuvre. Pierre le Grand se félicitait chaque jour de l'heureux choix qu'il avait fait. Ne pensant qu'à faire sortir son empire de l'oubli dans lequel il était resté, il voulut à tout jamais attacher Jeanty à sa personne et, pour le décider à rester en Russie, le combla d'honneur :
Mais Jeanty malgré ses offres si séduisantes, ne pouvait se décider à abandonner complètement la France. Rester en Russie, c'eut été oublier sa patrie; trop de souvenirs rattachaient à Dunkerque. Et lorsque les travaux qu'il avait entrepris furent terminés, malgré tout, malgré le traitement distingué qui lui était offert, Jeanty revint à Dunkerque.
Son retour fut un véritable triomphe. Les nombreux services qu'il avait rendus à sa ville natale lui avaient attiré l'estime de tous les habitants. Il fut bientôt nommé premier échevin (1722).
L'ingénieur Jeanty avait atteint l'apogée de sa célébrité.
En 1727 et 1728, les Etats de la Flandre impériale, voyant que les entrepreneurs ne parvenaient pas à approfondir le chenal d'Ostende, adressèrent une requête au roi pour leur permettre de demander à Jeanty de prendre la direction des travaux.
Le roi donna plein pouvoir à l'ingénieur Jeanty qui n'hésita pas à effectuer ce travail. Lorsqu'il eut terminé cet ouvrage, il sut prouver dans une assemblée des Etats que, par ses soins et ses économies, il avait épargné plus de 7 à 800.000 livres. C'est de cette époque que datent les écluses de Slycken.
En 1730, le canal de Mardyck, depuis l'écluse de Bergues, en s'ensablant, rendait l'écoulement des eaux impraticable. Le terrain situé au nord du canal de Mardyck, était alors complètement marécageux. Les eaux y avaient creusé des sillons et constituaient des îlots. On donna à certains d'entre eux le nom d'Ile des Faisans.
L.-M. Arnaud-Jeanty voulut à jamais parer à ce malheureux inconvénient. Il fit relever ce quartier avec les décombres de la ville et autres terrains de remblai. 
Dunkerque voulut aussitôt reconnaître ce que Jeanty venait de faire pour le bien public. Elle désira donner à ce quartier rendu habitable le nom de cet habile ingénieur.
Et c'est ainsi que cette partie de Dunkerque, prit le nom d'Ile Jeanty.( C'est là que les Nantuckois s'établirent lors de leur émigration pour la France.)
Le 2 avril 1750, L.-M. Arnaud-Jeanty avait acheté un terrain large de 6 toises 3 pieds 6 pouces et long de 79 toises, situé derrière le mur méridional des Capucins, de concert avec M. Thiéry, sous la condition d'y faire élever douze maisons. Chacun d'eux fit construire six maisons contigües portant le nom de baptême de leurs enfants.
Quelques années auparavant, Louis XV avait voulu récompenser les services de son ingénieur Louis Maurice Arnaud-Jeanty, en lui accordant un brevet en date du mois d'octobre 1743, lui faisant don d'un terrain de 967 toises 4 pieds carrés, rue de l'Arsenal.
En 1755, Louis XV voulut rétablir complètement le port de Dunkerque en y affectant treize millions. On construisit les batteries, refit l'écluse de Bergues ainsi que le bassin de la Marine dont on élargit l'écluse, enfin une nouvelle enceinte devait assurer à Dunkerque l'étendue qu'elle garda encore pendant plus d'un siècle.
Jeanty apporta à ces travaux son expérience et était heureux de revoir sa ville natale reprendre le rang que des traités funestes lui avaient fait perdre un moment. 

Malheureusement, tous ces derniers ouvrages étaient à peine ébauchés qu'il mourait le 8 avril 1755, âgé de 69 ans.
Sa mort fut un deuil non seulement pour sa famille, pour ses amis, pour Dunkerque, mais pour la Flandre tout entière.
Son zèle et son attachement pour le service du roi ne s'étaient jamais départis un seul instant et n'avaient souffert le moindre ralentissement, et cependant dans ses travaux immenses, Jeanty s'était vu plus d'une fois en avance de deux et trois cent mille livres ! 

 Extrait des registres de l'Etat Civil de la ville de Dunkerque :
Le 11 avril 1755 a été inhumé, dans cette église Saint-Eloi, vis-à-vis de la chapelle Saint-Pierre, après avoir chanté le service solennel de la cloche dite « Jésus », le corps de Louis-Maurice Arnaud-Jeanty, ancien premier échevin de cette ville et entrepreneur des travaux du Roi, âgé de 69 ans depuis le 8 avril 1755, décédé en son domicile, rue Saint Louis ;
Héritier de la terre de Waeyenburgh, située à Ghyvelde, sous la châtellenie de Bergues, que son père avait acquis le 22 septembre 1701, L.-M. Arnaud Jeanty fut par sa femme, seigneur en partie de Craeyhof, terres situées dans les paroisses d'Armbouts-Cappel et d'Armbouts-Cappel-Cappel, sous le ressort de la châtellenie de Bergues et du territoire de Dunkerque.
Le 22 janvier 1718, âgé d'environ 31 ans, L.-M. Arnaud-Jeanty épousait Mlle Jeanne-Jacqueline Rémy, âgée d'environ 18 ans, fille et unique héritière de feu Jean Rémy, en son vivant négociant et conseiller à la Chambre de Commerce de Dunkerque, et d'Anne-Marie de Brier, et appartenant aux familles les plus notables de la ville.
Beaucoup plus jeune que lui, Marie-Jeanne-Jacqueline Rémy, lui survécut jusqu'au 28 octobre 1780.
Louis-Maurice Arnaud-Jeanty eut aussi une nombreuse postérité (dix enfants) quelques-uns moururent en bas-âge.
Ceux qui survécurent occupèrent tous des places importantes et un rang distingué dans la société de notre ville.

Dunkerque n'oublie pas les hommes qui ont contribué à sa prospérité et à sa grandeur. Le nom de l'Ile-Jeanty, donné à un quartier de la ville perpétue et popularise la mémoire de l'illustre ingénieur dont le patriotisme égala le haut mérite. Il rappelle en même temps l'estime et les faveurs de nos anciens rois pour une famille qui servit avec dévouement son pays et s'honora par son désintéressement.


Commentaires

articles les plus consultés

CARTES POSTALES DE DUNKERQUE ET SA REGION "JOSEPH TOP" ANNEES 50

DUNKERQUE ET SA REGION " AU TEMPS DU TRAMWAY"

LE CARNAVAL DE DUNKERQUE " hier et asteu'

HISTOIRE DE FORT-MARDYCK une concession royale

LES CORSAIRES ENFANTS DE DUNKERQUE

L'HISTOIRE DE DUNKERQUE ET SA REGION

LES ARTICLES DU BLOG PAR THEMES

DUNKERQUE ET SA REGION "EN PHOTOS AERIENNES "

ABREGE DE LA VIE DE JEAN BART