HISTOIRE " le canal de Mardyck et son écluse "

 

Le canal de MARDYCK et son écluse.
 A la fin du XVIe et dans les premières années du XVIIe Siècle, Dunkerque avait constitué un nid de corsaires redoutables qui avaient fait à la marine hollandaise un tort considérable.

Mais son port présentait une disposition des plus défectueuses et son accès était périlleux même pour ses marins expérimentés.
Si les bancs du large constituaient pour eux des barrières de protection, empêchant l'évolution des gros galions hollandais, alors que leurs frégates légères pouvaient s'aventurer dans les passes les moins profondes et se jouer de leurs ennemis, par contre un banc presque toujours à sec, le SCHURCKEN barrait l'entrée du chenal bordé de deux petites jetées qui menaient à un simple port d'échouage (aujourd'hui représenté par le Bassin du Commerce), plein de vase et que les chasses pratiquées n'arrivaient pas à enlever.
Deux passes à l'est et à l'ouest du Schurcken permettaient de gagner le large. Celle de l'est, très étroite menait directement à la rade, celle de l'Ouest communiquait par un large canal avec la fosse de Mardyck, véritable rade dans laquelle pouvait s'abriter une flotte et dont le fort Mardyck reconstruit en 1622 défendait l'entrée.
Cette disposition aurait été très avantageuse, si les voies d'accès de la fosse de Mardyck étaient restées suffisantes. Malheureusement au début du XVIIe Siècle la fosse de l'est était devenue presque impraticable, et  le canal aboutissant de la fosse de Mardyck se bouchait de plus en plus, malgré les travaux exécutés pour retenir ses rives : le banc tendait à se souder au rivage.

Un  ingénieur n'hésita pas après l'étude des lieux à prédire que fatalement le banc Schurcken se souderait à la côte. Il s'appelait Michel Florent Van Langren,   ingénieur hydrographe auprès du roi d’Espagne. C'était un véritable savant, à la fois ingénieur astronome, et inventeur.   Il sonda la fosse, reconnut qu'en son milieu il y avait Jusqu'à huit brasses d'eau, mais que le canal de communication n'était profond que de quatre pieds.
C'était en vain qu'on en avait garni les berges de fascines : le sable glissait et la comblait. Il prédit qu'il serait bientôt complètement comblé, et proposa quelques mesures pour y remédier. Plutôt que de s'arrêter à cette demi mesure, il préconisa le creusement d'un canal partant du fond du port, suivant la côte, et se recourbait à angle droit au niveau de Mardyck pour déboucher à la mer, un peu au delà du fort, canal pourvu d'écluses permettant l'exécuter des chasses.
Il ne fut pas écouté. Il revint plusieurs fois à la charge : En 1639 et en 1645 de nouveaux examens des lieux lui montrèrent que ses prévisions se réalisaient malheureusement.
Quand les Espagnols eurent repris Dunkerque en 1652, ils s'attachèrent à réparer les ruines causées par la guerre. Van Langren fut de nouveau envoyé à Mardyck et il constata que ses appréhensions étaient justifiées, et il en conclut que si son projet de canal avait été exécuté on n'aurait pas eu à déplorer les malheurs arrivés en ces dernières années. 
Il fit alors paraître un mémoire résumant ses observations, sous le titre de : « Description particulière du Canal de Marianne et du grand changement que le sable ou bancq de Mardyck »

Cette plaquette était ornée d'une planche divisée en quatre cartons, figurant la première, l'état de la côte de Dunkerque à Gravelines en 1624, les trois autres les modifications du banc Schurcken.  
il y préconisait encore, avec arguments à l'appui, la création d'un canal débouchant au Fort Mardyck, auquel il donnait le nom de Marie-Anne, en l'honneur de la Reine d'Espagne, seconde femme du Roi Philippe IV.
Cette conception tout à fait remarquable :
-D’un canal, pouvant accueillir 2000 bateaux, qui  partirait du port intérieur de Dunkerque à l’époque peut spacieux, étant à demi rempli de boue, ayant peu de quai pour loger les navires et n’ayant que l’eau du canal de Bergues et des Moeres pour nettoyer et entretenir le port pour arriver à cette époque sur le territoire de Mardyck   à la fosse de Mardyck.
-des écluses qui seront aussi quelque peu différents de celles qu'on a pratiqué jusqu’à présent, et conçues pour permettre aux navires d’entrer et de sortir simultanément  par un système de double-écluse. 
Une flotte abritée dans ce canal pouvait en sortir quand elle voulait, sous la protection du canon du Fort Mardyck qui tenait en respect les navires ennemis embossés derrière le banc, Dunkerque aurait été ainsi imprenable.

Le grand canal voulu par LOUIS XIV

Louis XIV ayant livré aux Anglais en vertu du Traité d'Utrecht la ville de Dunkerque pour être démolie avec tous ses ouvrages, et son port comblé, fit réaliser  l'année suivante, (1714), le projet qu’il avait trouvé trop gigantesque, aux jours de sa puissance. 
 Le plan que l'ingénieur Van Langren avait tracé pour relier Mardyck à Dunkerque  fut reprit par M. le Blanc intendant du Roi et Monsieur de Moyenville   
Le Roi ayant vu le plan et les profils qui lui furent présentés, en approuva l'exécution en mars 1714, et  en conséquence de cette résolution  dix-sept bataillons eurent ordre de camper près de Dunkerque, et  peu de temps après la démolition de la Citadelle, Forts & fortifications de la Ville , on augmenta ce petit camp de huit autres bataillons.
Louis XIV autorisait donc M. Leblanc à ouvrir un port dans le voisinage de Dunkerque « entre cette ville et l’ancien bas-fort du Petit-Mardyck. »
Plus court que le projet de M. Van Lander qui faisait terminer le canal sur le territoire de Mardyck. Le grand canal Royal arrive sur le territoire de Petite-Synthe à l’est de l’ancien fort et de la concession.
Les caisses du royaume étant vide toute la contrée  s'imposa volontiers de lourds sacrifices: le plat pays donna 100,000 livres, Lille 50,000, Bergues 60,000 et Dunkerque, la plus intéressée à l'exécution du canal, fournit une contribution volontaire de 792,551 livres le conseiller Tugghe, beau-frère de Jean Bart, donna la moitié de sa fortune et fut imité par ses concitoyens.
Au mois d'Avril 1714, M. Le Blanc fit l'adjudication des ouvrages du canal et des écluses.

On convint aussi que les jetées du nouveau canal auraient à leur ouverture 47 à 50 toises de distance de l'une à l'autre, au lieu de 47 toises qu'avaient celles de l'ancien chenal de cette ville dans sa plus grande largeur, et qu'à leur queue à terre, elles auraient de distance de l'une à l'autre 40 toises, au lieu d'environ 30 qu'avaient les anciennes jetées, afin qu'en l'un et en l'autre endroit, un vaisseau de quelque longueur qu'il fût, pût éviter. »
Il fut résolu également  que les portes des écluses que l'on construirait pour nettoyer ce nouveau canal, et pour y retenir les eaux, auraient, savoir,  celles de la petite écluse 26 pieds de largeur, et celle de la grande au moins 44, afin que dans ce cas, et dans des besoins que la succession des temps pourrait amener, les plus grands vaisseaux du Roi y pussent entrer.
Au commencement de Mai 1714, les troupes destinées à travailler au canal arrivèrent  au nombre de 12 bataillons, savoir:
2 du régiment de Bourbonnais.
3 du régiment Royal.
2 du régiment de Meuse.
2 du régiment d'Aunis.
2 du régiment de Conty.
1 du régiment d'Agénois. 
 Les ouvrages du nouveau canal avancèrent si bien que le 24 Août 1714 on posa la première pierre à la grande écluse.
On mit le 7 Octobre, sous la maçonnerie de la grande écluse, une boîte de plomb contenant une médaille d'or et quatre d'argent avec une inscription sur une plaque de cuivre que la cour avait envoyées à M. Le Blanc:
 Le 14 Décembre après-midi, on suspendit la première porte de la grande écluse, et on renvoya les troupes, à la réserve de six bataillons qui restèrent en garnison en cette ville sous les ordres de M. le comte d'Hérouville, brigadier des armées du Roi et colonel du régiment de Hainaut, depuis  1718, Maréchal de camp.
M. Le Blanc, touché du danger que le pays aurait d'être inondé par les eaux de l'hiver, et du triste état où se trouvait Dunkerque par la destruction de son port, laquelle y avait entièrement fait cesser le commerce, anima tellement par sa présence continuelle et ses libéralités, les ouvriers qui travaillaient au nouveau canal, que le 11 Janvier 1715 ils y mirent la dernière porte des écluses, et qu'elles furent par là en état de recevoir les eaux du pays.

Un nouveau port à Mardyck,

Ce nouveau Canal commençait à celui de Bergues auprès du Mail et  à environ 6 kilomètres de long jusqu’à la mer à savoir :
-3 000 mètres  de long sur 50 à 60 mètres  de large, depuis son commencement jusqu'au coude,
-600 mètres  depuis le coude jusqu’à l’écluse,
-600 mètres sur 50 à  80  de large depuis l'écluse jusqu'à la laisse de la haute mer.
-1800 mètres sur 80 à 100 mètres de large depuis la laisse de la haute mer jusqu'à la laisse de la baisse mer. 
 -L’écluse est dans son espèce le plus beau morceau qu'il y ait au monde. Elle a 92 mètres de long sur environ 47 mètres de large et 1.2 de fondation, non compris les contreforts. Les deux bajoyers ou côtés de 1 'écluse ont chacun + de 7 mètres d’épaisseur et la pile du milieu en a 9 Il y a deux passages dans cette écluse, l'un de +13 mètres pour les gros Vaisseaux, l'autre d’environ 8 mètres pour les autres navires. On a pratique le petit passage, parce que s'il n'y avait eu que le grand, le poids énorme des portes qu'il aurait fallu ouvrir et  fermer pour le moindre bâtiment que l'on aurait voulu faire entrer ou sortir, les aurait trop fatiguées, et les aurait mises infailliblement hors d'état de durer longtemps. Chacun des deux passages a deux doubles portes, deux du coté de la mer, et deux du côté de la terre. Celles du grand passage sont arqués pour mieux soutenir l'effort des eaux de la mer et  celles qui viennent du côté de la terre. Chacune de ces portes pèse plus de cinquante « milliers »,  malgré leur poids elles ont été élevées toutes assemblées et  mises en place avec une adresse et une promptitude merveilleuses. Sur les deux passages de l’écluse il y a deux ponts tournants pour le passage des voitures de Gravelines et de Dunkerque. Celui du grand passage est de deux pièces qui se joignent dans le milieu, celui du petit est d'une seule pièce. Il y a toujours  sur le radier de l’écluse 6 mètres dans les vives eaux ordinaires et  plus de 7 mètres dans les grandes vives eaux qui sont ordinairement dans les équinoxes. Les vaisseaux de guerre auraient pu aller et venir dans toute l'étendue de ce canal, et même dans celui de Bergues, au moyen d'une écluse qui avait été proposée. Les talus du canal sont revêtus d'un fascinage plat de terre grasse pour les garantir du flot de l'eau, et on a formé des dignes des deux côtes de 20 à 24 mètres de large, qui font un très bel effet à la vue. Comme ce ne font que des sables, on a revêtu de gazon plat les  talus intérieurs pour empêcher que les vents ne les emportent. 
Le 14 Janvier 1715, le nouveau port de Dunkerque était tout à fait terminé à quelques détails près.
Il ne restait plus à s'occuper que d’enlever les batardeaux formés des deux côtés des écluses; et quand cette opération fut exécutée, M. Leblanc, le Magistrat et la Chambre de Commerce se mirent en mesure d’organiser une solennité pour perpétuer le souvenir de ce merveilleux événement.
L’inauguration du nouveau port eut lieu le mardi 26 Février 1715, par Dom Vanderhaeghe, abbé de Saint-Winoc de Bergues, après une messe solennelle qu’il célébra sur la pile de séparation de la grande et de la petite écluse, en présence de la population  de Dunkerque et des environs, « au son des trompettes et des fanfares de quarante à cinquante Maistres venus de Bergues avec lui. »
La franchise, accordée par l'arrêt du 10 octobre 1716 au canal de Mardyck et  au terrain vague qui se trouve entre ce canal et la mer, se réduit à la seule exemption des droits. Tout magasin ou entrepôt sur ce terrain  est expressément défendu.  
Les avantages que la France aurait retirez de ce canal, ayant été trop clairement reconnus par les puissances maritimes, ont donné lieu à des mémoires qui ont été plusieurs fois présentez aux Rois Louis XIV et Louis XV
 
 Réclamation de l’Angleterre contre le port de Mardyck 
Les Anglais ne tardèrent pas à s'élever contre l'exécution de ces derniers travaux, et M. Prior, leur ambassadeur, fut chargé de réclamer auprès de Louis XIV. Puis après, la cour de Londres envoya  à Paris M. Stairs, qui annonça qu'il ne prendrait ni audience ni caractère qu'il n'eût préalablement obtenu satisfaction sur les ouvrages de Mardyck, et pour y parvenir, il remit un nouveau mémoire à. M. de Torcy le 5février 1715. 
Le cabinet de Versailles résista néanmoins à toutes les instances des ambassadeurs anglais, et leurs réclamations furent constamment repoussées par Louis XIV. 
Ce prince mourut le 1er septembre 1715, et Louis XV, âgé de cinq ans et demi, lui succéda, sous la régence de M. le duc d'Orléans. 
Dunkerque continuait à jouir de sa Franchise dans son nouveau port, et luttait avec courage contre ses infortunes; mais de nouveaux malheurs allaient le frapper. 
Destruction du nouveau port.
La position et la politique de la France à cette époque firent naître l'idée d'une triple alliance entre la France, l'Angleterre et la Hollande. 
- L'Angleterre déclara qu'elle était prête à la conclure ; mais à condition que le   nouveau port de Dunkerque soit détruit, comme l'avait été l'ancien. 
La France tenait à l'alliance qu'elle avait projetée, et la ville de Dunkerque fut encore une fois sacrifiée. La destruction du nouveau port fut stipulée dans l'article 4 du Traité d'Alliance conclue à la Haye le 4 janvier 1717. La France renonça au droit d'établir un nouveau port à deux lieues de distance de chacun de ceux dont la destruction avait été successivement exigée, et le Roi d'Angleterre , en communiquant ce Traité au parlement, le 2 mars lui disait que par cette alliance, ils allaient être délivrés de toutes craintes, pour l'avenir, par rapport à Dunkerque et à Mardyck. 
 
Plan du Haut l'écluse réduite
Ce traité ordonnait :
     que le grand passage de l'écluse de Mardyck qui a 13 mètres de largeur, soit  détruit de fond en comble, c'est-à-dire en ôtant ses bajoyers, planchers, busques longrines  et traversines, sur toute sa longueur, en enlevant les portes, dont les bois et la ferrure seront désassemblés.  
toutefois la petite écluse restera avec  sa profondeur actuelle pourvu que sa largeur soir réduite à moins de 5 mètres, c’est à-dire en avançant de 3 mètres du côté de l'Occident le bajoyer de la pile, après avoir ôté 2 mètres du plancher , busques du radier de toute sa profondeur du même côté, les 1.2 mètres du plancher restant, étant nécessaires pour servir de fondement au   nouveau bajoyer et  comme on doit avancer le dit bajoyer de 3 mètres vers l'Orient, on détruira pareillement 3 mètres  de la même pile du côté de l'Occident depuis sa fondation , afin que le présent radier ne puisse jamais servir pour une écluse de la largeur de 8 mètres comme c’était le cas. 
  Les jetées  les fascinages depuis les dunes ou l'endroit où la marée monte sur l'estran, quand elle est la plus haute, jusqu'à la plus basse mer, seront rasez des deux cotés, le long du nouveau chenal par tout au niveau de l'estran. 
  il est stipulé par le même traité qu'immédiatement après sa ratification on emploiera un nombre suffisant d'ouvriers à la destruction des jetées afin qu'elles soient rasées  et que cet ouvrage soit  accompli dans les deux mois suivant la ratification   Mais comme la saison ne permettait pas rétrécir le radier du petit passage, ni de détruire le grand radier on convint que cet ouvrage ne serait commencé que le 5 Avril, et entièrement achevé., s'il est possible ,à la fin, du mois de Juin 1717. 
Au mois de Juillet, on forma un batardeau dans le port de Mardyck, du côté de la mer, et un second du côté de Petite-Synthe; puis, comme conséquence de cette opération préparatoire, on démolit la grande écluse et l’on réduisit à 16 pieds de largeur la petite écluse qui en avait 26. Au mois de Décembre, on enleva les batardeaux et les eaux du pays purent reprendre leur cours vers la mer. Mais le port n’en était pas moins perdu : il devenait désormais impossible aux gros navires de franchir l’écluse et d’arriver jusqu’à Dunkerque.
Le canal maritime de Mardyck fut, en conséquence, supprimé et réduit aux proportions d'une simple rigole d'écoulement. 
Lors de sa visite à dunkerque le Visite de Tsar de Russie Pierre-le-Grand en avril 1717  resta longtemps devant l’écluse de Mardyck ce véritable chef-d’œuvre de l’art.
1717 le port de mardyck  accueille encore les navires de faibles tonnages.
Ce petit port de Mardyck avait eu très souvent son utilité depuis la déclaration de guerre de 1739. Bon nombre de navires légers y étaient arrivés pour embarquer et débarquer leurs cargaisons; plusieurs y avaient trouvé un refuge quand il leur était impossible d’entrer à Dunkerque. On y avait même armé des corsaires français, et les corsaires espagnols le préféraient parfois quand les navires anglais leur donnaient la chasse, à cause des bancs qui gênaient la marche des bâtiments d’un certain tonnage.
En 1744 fut construit un fort pour protéger l'écluse.

 

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