DUNKERQUE 3éme rang des ports Français grâce aux cap-horniers

 


Dunkerque 3éme rang des ports français grâce aux cap-horniers.
Extrait de Dunkerque Magazine Avril 2008

Armant la plus grande flotte de voiliers cap-horniers au monde à la veille de la Grande Guerre, la compagnie maritime Bordes a fait de Dunkerque son principal port d’attache, contribuant ainsi au développement économique de toute l’agglomération.

Dunkerque fut au tournant des XIXe et XXe siècles l’un des plus importants ports cap-horniers français.
Chaque année, des dizaines de grands voiliers marchands quittaient l’ancien port corsaire et taillaient leur route autour du globe, accomplissant maints exploits et prouesses avant de réapparaître en rade de Dunkerque des mois plus tard, les cales remplies de précieuses marchandises.  Parmi les principaux armateurs implantés en Citadelle figure alors la maison Bordes que d’aucuns considèrent comme la plus grande compagnie de voiliers au monde. Approvisionner la France en nitrate de soude.
Fondée en 1847 par Antoine-Dominique Bordes, un agent maritime français installé au Chili, et Ange-Casimir Le Quellec, un capitaine au long cours, cette compagnie se charge à ses débuts d’exporter vers le Chili des produits français et de ramener en France des marchandises sud-américaines telles que du cuir, de la laine et des minerais.
Mais en 1868 survient un événement inattendu: Ange-Casimir Le Quellec décède. Aussitôt, Antoine-Dominique Bordes rentre en France et rachète les parts de la société au fils héritier de son ancien ami et associé.
Désormais seul maître à bord, il change de stratégie, concentrant tous ses efforts sur le seul trafic du nitrate de soude chilien, un produit que les agriculteurs européens utilisent massivement pour amender les sols, notamment ceux servant à la culture du blé et de la betterave sucrière.
Pour approvisionner ses dépôts de Bordeaux, de La Palice et de Nantes, il commande 14 trois-mâts en fer de 1000 à 1200 tonnes à des chantiers anglais. Puis, en bon entrepreneur, il met en place son propre réseau d’agents commerciaux dont la principale tâche consiste à démarcher les négociants et autres cultivateurs.
Un marché en pleine explosion. Désireux de s’implanter dans le nord de la France, il confie à l’un de ses représentants, le capitaine Petibon, la mission d’ouvrir une succursale à Dunkerque et d’établir des relations commerciales avec les marchands d’engrais locaux. Cet envoyé spécial débarque dans la cité portuaire en juillet 1874, installe son bureau quai de la Citadelle et se met à arpenter les foires et marchés du département afin d’y vanter les mérites de sa marchandise. Le succès est immédiat. La demande régionale est telle que Dunkerque devient très rapidement le centre le plus actif et le principal port d’attache de la flotte Bordes.
En 1884, 10 voiliers accostent à Dunkerque contre seulement 5 à Bordeaux qui n’est autre que la base originelle de la compagnie.
Dix ans plus tard, en 1896, plus de la moitié des cargaisons de nitrate importées par l’ar-
mement Bordes sont déchargées dans le seul port de la mer du Nord.
Des voyages longs et difficiles
À cette époque, il faut environ 350 jours (soit près d’une année) à un trois-mâts pour effectuer le trajet aller-retour entre Dunkerque et le port nitratier d’Iquique au Chili. Le rituel est alors immuable. Le voilier sort du port tracté par un remorqueur qui l’emmène loin des côtes.
Une fois au large, le capitaine fait hisser les voiles et met le cap vers l’Angleterre où les
cales sont remplies de charbon destiné aux pays d’Amérique du Sud. La Grande-
Bretagne est alors la seule nation exportatrice de houille. Sitôt le chargement terminé, le navire reprend la mer et quitte l’Europe. Commence alors pour les marins un périple de plusieurs mois qui doit les mener à l’autre bout du monde.
 Mais avant d’arriver à bon port, ils doivent d’abord traverser l’océan Atlantique et affronter des conditions de navigation souvent difficiles. Après une rapide escale à Rio de Janeiro (Brésil) où le voilier est remis en état et délesté d’une partie de sa cargaison, ils descendent plus au sud afin de doubler le mythique mais redoutable cap-Horn, seule route pour gagner l’océan Pacifique et rejoindre le Chili, leur destination finale. Pour tous, c’est sans conteste le moment le plus délicat et le plus angoissant de l’expédition. Le danger est permanent et les naufrages sont légion. Après avoir bataillé durant des jours contre des vents violents et de puissants courants marins, le navire peut enfin faire route vers Valparaiso (Chili) où il doit livrer le reste de sa marchandise avant de remonter vers Iquique pour prendre livraison de sa précieuse cargaison de nitrate de soude. Le chargement effectué, le bâtiment prend le chemin du retour. Arrivée prévue à Dunkerque une centaine de jours plus tard.
Pour réduire la durée du voyage et dans le même temps accroître la capacité de chargement de sa flotte, Antoine-Dominique Bordes achète en 1880 11 magnifiques voiliers. 
  Mieux, en 1882, il commande à un chantier anglais le premier quatre-mâts carré français en fer: « l’Union ». Malheureusement, notre armateur n’aura guère le temps de savourer ce beau succès puisqu’il décède un an plus tard, laissant à ses trois fils, Adolphe, Alexandre et Antonin, une compagnie prospère forte de 41 navires. 
Poursuivant la politique paternelle, les trois frères mettent en chantier nombre de nouveaux quatre-mâts plus performants et plus rentables que leurs aînés les trois-mâts. 
  4 sont construits en Angleterre en 1888 et un cinq-mâts, le premier battant pavillon français, est lancé deux ans plus tard, le 2 septembre 1890, sous le nom de «France».
 Pouvant emporter 6000 tonnes de marchandises, ce bâtiment de 112 mètres de long est à l’époque considéré comme le plus grand au monde. Sur les quatorze voyages qu’il effectuera au cours de sa courte carrière (il sombrera au large des côtes argentines en mai 1901), près de la moitié seront réalisés au départ de Dunkerque. 
Profitant également de la promulgation d’une loi instituant une prime à la construction de quatre-mâts en 1893, les Bordes continuent de renouveler leur flotte. De 1895 à 1912, ils mettent ainsi en service 13 trois-mâts et 29 quatre-mâts dont quatre sont livrés en 1902 par les tout jeunes Ateliers et
Chantiers de France de Dunkerque (ACF).
 Construits par les ACF ces navires mesurent 90 mètres de long et pouvent emporter 3200 tonnes de fret, l’«Adolphe III», l’« Antonin III », l’« Alexandre II » et le «Valparaiso III» figurent parmi les voiliers les plus modernes de l’époque. Grâce à ces nouveaux vaisseaux et à la réduction des temps de chargement, la liaison Dunkerque-Iquique via le cap Horn ne demande plus, vers 1900, que 180 jours de mer, soit une durée de voyage réduite de moitié en seulement un peu plus d’une décennie. La maison Bordes est alors considérée comme la plus grande compagnie de voiliers cap-horniers au monde.
La quarantaine de grands voiliers immatriculés à Dunkerque en 1914 représente + de 60 % du tonnage total de Dunkerque.
Une belle aventure qui aura permis à Dunkerque de se hisser au troisième rang des ports français.
 

 

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