HISTOIRE DE DUNKERQUE " la bataille des dunes 14 juin 1658 "
La Bataille des dunes14 juin 1658
En 1653 La paix ayant été conclue entre l’Espagne et les Provinces-Unies, le Roi rechercha l’alliance des Anglais, dont le traité fut signé le 3 Décembre 1655.
Aussitôt Cromwell fit mettre à la mer une flotte de quarante-cinq vaisseaux, pour aller empêcher le commerce des Espagnols.
Les Dunkerquois toujours animés par l’amour du gain, travaillaient alors avec plus de vivacité que jamais, à faire des armements contre les Français et les Anglais ; il ne se passait pas de jour, qu'ils n'amènent quelques prises, ce qui causa tant de dommage aux Négociants Anglais, qu'ils supplièrent Cromwell d'y mettre ordre.
Le Protecteur, pour les satisfaire, fit bloquer le port de Dunkerque, par douze vaisseaux, qui ne purent cependant empêcher les Corsaires d'en sortir et de faire vingt-cinq prises considérables dans le courant du mois de Juillet 1656.
Mais ces avantages ne furent pas de longue durée.
L'on prenait alors des mesures en France et en Angleterre, pour faire le siège de Dunkerque, qui était le principal but du traité :
1656-Mazarin recherchant l’alliance avec Cromwell signe le traité de Westminster.
1657-le 23 mars le traité de Paris (suite au traité de Westminster) est signé par Cromwell pour le Commonwealth et par Louis XIV pour la France. Ce traité d’alliance contre l’Espagne à pour but de reconquérir Mardyck, Gravelines et Dunkerque. Mais ce contrat stipule, qu’en cas de victoire de l’alliance, Mardyck et Dunkerque seraient cédés à l’Angleterre.
Dans cette vue, Cromwell fit débarquer en France six mille hommes payés pour six mois ; L’armée Française était alors commandée par le Vicomte de Turenne, lequel après avoir fait dans le courant de la campagne de 1657 plusieurs conquêtes en Flandres, vint assiéger le fort de Mardyck, qu'il prit et remit entre les mains des Anglais : ce qui donna tant de joie à Cromwell, qu'il envoya encore dix
mille hommes.
Lorsque tous les préparatifs surent disposés pour le siège de Dunkerque, en Avril 1658, le Vicomte de Turenne fit travailler à se retrancher par une ligne de circonvallation et une autre de contrevallation qui commençaient au bord de l’estran du côté du levant, passaient dessus les dunes, de Ià traversaient les canaux , tournaient autour de la ville, et aboutissaient à l’estran du couchant, par un circuit qui formait une espèce de croissant, dont la mer bordait l’ouverture.
Comme il fallait fermer l’estran , qui demeure à sec deux fois chaque jour pendant six heures, ce qui laissait un passage aux ennemis par Nieuport du côté du levant, ou par Gravelines du côté du couchant, on fit une estacade à chaque bout de la ligne qui allait se terminer jusqu'à l’endroit des plus basses marées, que l’on défendit avec des canons, et plusieurs barques armées. D'autre part Cromwell, en exécution du traité fait avec la France, envoya une armée navale pour investir aussi la place du côté de la mer, afin d'empêcher qu'on n'y porta secours.
Aussitôt que les lignes furent achevées, ainsi que les ponts sur les canaux pour faciliter les communications, dans la nuit du 4 au 5 de Juin 1658 deux attaques furent lancées ; l’une conduite par les Français, avait pour objectif le front qui regarde Nieuport; et l'autre par les Anglais chemina du côté opposé, où l’on a fait ensuite la citadelle.
Il eut plusieurs sorties où les assiégés, quoique toujours repoussés, marquèrent beaucoup de vigueur; les l’attaques furent repoussée avec toute la vivacité possible.
Cependant les Espagnols songèrent à se mettre en chemin pour secourir Dunkerque : ils ne purent d'abord croire que les Français oseraient faire une entreprise de cette importance, avant que de s'être rendus maîtres des places circonvoisines.
Mais voyant qu'il n'y avait plus à en douter, ils assemblèrent toutes leurs forces à Ypres, pour aller attaquer le Vicomte de Turenne. Le 1 3 de Juin, leur armée parut près de Dunkerque, dépourvue d'artillerie et de tout ce qu'il fallait pour une bataille ; à peine avait-elle de la poudre suffisamment pour l’infanterie.
Le lendemain matin vers les cinq heures, le Prince de Condé, que des mécontentements avaient fait passer dans le parti de l'Espagne, s'étant avancé avec le Duc d'York jusqu'aux vedettes, aperçut l’armée Française qui marchait à eux.
Le Prince retourna sur ses pas pour en avertir les Généraux Espagnols, qui n'en voulurent rien croire: piqué de leur indifférence, le Prince demanda en leur présence, au Duc de Glocester, s'il n'avait jamais vu gagner de bataille ; le jeune Duc répondit que non : hé bien, reprit-il, vous verres dans une demi-heure, comme nous en perdrons une.
Enfin les Généraux Espagnols ne pouvant plus douter de la marche du Vicomte de Turenne, se disposèrent à le recevoir, Leur armée composée de six mille fantassins et de huit mille chevaux, fut rangée en bataille; Dom Juan commandait la droite et le Prince de Condé la gauche: leur infanterie fu .placée sur une même ligne, qui s'étendait depuis l’estran jusqu'aux prairies ;
la cavalerie, à l’aile droite, était sur deux lignes derrière l’infanterie; celle de l’aile gauche n'ayant pu être placée de même , le Prince de Condé la rangea selon la disposition du terrain.
Ce fut dans cet état que les Espagnols attendirent les Français. II restait au Vicomte de Turenne neuf mille fantassins et six mille chevaux: son infanterie fut placée sur deux lignes, la première de dix bataillons et de vingt-huit escadrons ; quatorze à l’aile droite et autant à l’aile gauche, avec le canon à la tête : la seconde ligne était de six bataillons et de vingt escadrons, partagés également sur les ailes.
Quatre escadrons de Gendarmes soutenaient l’infanterie, et six escadrons de réserve furent placés derrière l’armée, à une assez grande distance pour être à portée de secourir les assiégeants en cas de sortie pendant le combat. Le Marquis de Créqui eut le commandement de l’aile droite; le Marquis de Castelnau, celui de l’aile gauche, et les Marquis de Gadagne et de Bellefond eurent le corps de bataille.
A l’égard des Anglais, commandés par le Général Major, le Milord Lockard leur Général s'étant trouvé malade, ils furent postés du côté, de la mer; alors les deux armées ne se trouvant plus éloignées que d'un quart de lieue, celle de France commença par canonner les ennemis , qui ne s'ébranlèrent point, restant toujours fermes dans leurs postes, pendant que l’armée Française avançait en montant et descendant plusieurs dunes qui les séparaient, au sommet desquelles l’artillerie étant parvenue, tirait quelques salves, ensuite se remettait en marche.
30. II était huit heures du matin, quand l’armée Française atteignit celle des Espagnols ; peu après, le Vicomte de Turenne donna le signal du combat avec un air de tranquillité et de confiance, qui était pour ses soldats un heureux présage de la victoire. Le choc commença par les Anglais, avec cette bravoure et cette intrépidité qui leur est fi naturelle;
Comme ils se trouvaient en face d’une haute dune que les ennemis occupaient, le Vicomte de Turenne envoya ordre au Major Général Morgan de s'en rendre maître, ce qu'il fit malgré les difficultés de la gravir; la résistance qu'opposaient les Espagnols, qui repoussaient les Anglais à coups de pique, ne faisait qu'irriter leur courage, ceux de derrière soutenant ceux de devant avec les crosses de leur mousquet. Ayant enfin gagné le sommet de la dune, ils y plantèrent leurs drapeaux, et en précipitèrent les Espagnols qui avoient échappé à la mort.
Pendant cette expédition, le Marquis de Créqui chargea les ennemis avec son aile droite, et le Marquis de Castelnau marcha le long de l’estran, pour les prendre en flanc avec son aile gauche.
L'infanterie Française se joignit bientôt aux Anglais, au-delà de la dune précédente ; alors le régiment de Turenne rompit deux bataillons Espagnols, qui prirent la fuite, ainsi que la cavalerie qui devait les soutenir.
Dans ce moment le Marquis de Castelnau se jette, avec le corps qu'il commandait, entre la première et la seconde ligne des ennemis, les prend de flanc et de revers, les charge de tous côtés, et les met dans la plus grande confusion.
Le Vicomte de Turenne, placé sur une dune au centre de l’armée, d'où il envoyait ses ordres et des troupes suivant le besoin , s'étant aperçu que le Marquis de Créqui s'engageait trop avant, et que le Prince de Condé allait le contrer, il courut à son secours.
En effet, ce Prince s'étant mis à la tête d'un gros corps de cavalerie, chargea le Marquis de Créqui, et rompit quelques-uns de ses rangs; mais le Vicomte étant arrivé dans ce moment, mena lui-même à la charge les escadrons de son aile droite, fit avancer plusieurs bataillons, enveloppa les troupes du Prince de Condé, qui tombèrent de toutes parts, ou morts, ou blessé.
le Prince rallie jusqu'à trois fois ses escadrons, toujours rompus; pour rendre le courage à ses soldats, leur donne l’exemple de la plus grande valeur; mais rebutés, ils l’abandonnent, à l’exception des Seigneurs Français qui avaient suivi son parti.
Son cheval tué sous lui, l’aurait mis dans le plus grand danger, si un de ses Gentilshommes ne lui avait aussitôt donné le sien pour s'échapper. Comme cette défaite de l’aile gauche des Espagnols arriva presque en même temps que celle de l’aile droite, on vit l’ennemi fuir de toute part, ne leur restant d'autre ressource que de chercher leur salut dans la clémence des Français, qui les suivirent jusqu'à Furnes, où se rallièrent les débris de leur armée, dont la défaite fut si complète que pendant le reste de la campagne, à peine purent-ils parvenir à rassembler huit ou neuf mille hommes.
Pour le Maréchal de Turenne, à qui la gloire de cette journée est due, on admirera à jamais la modestie de cet illustre Général, dans la lettre qu'il écrivit à Madame la Maréchale; mais les hommes du premier ordre sont grands en tout : « Les ennemis sont venus à nous, ils ont été battus, Dieu en soit loué. J’ai un peu fatigué toute la journée, Je vous donne le bon soir & vais me coucher.. »
Les assiégés, quoique sans espérance de secours, se défendaient toujours avec la même vigueur, et l’on resta encore trois jours sur la contrescarpe, au pied de laquelle l’on était avant la bataille le siège dura encore dix jours. Cependant le Marquis de Lede, Gouverneur de la place, homme du premier mérite, ayant été dangereusement blessé, mourut au bout de quelques jours, ce qui affaiblit beaucoup le courage de la garnison, laquelle se rendit le 25 Juin, dix huitième jour de l’ouverture des combat.
Le 26 juin le Roi qui était à Mardyck, au quartier de Turenne, vint sur Dunkerque pour voir sortir la garnison qui était encore composée de six cents chevaux, et de douze cents fantassins, conduits par M. de Bassecourt. Cet Officier vint saluer Sa Majesté, qui le reçut favorablement, et il suivit sa garnison qui se rendit à Saint-Omer.
Ensuite le Roi entra dans Dunkerque et en prit possession : puis en exécution du traité, il remit l'après-midi même Dunkerque aux Anglais, à condition qu'on ne ferait aucun changement à la religion, et que l'on conserverait les privilèges de la Bourgeoisie.
Ainsi la ville si fameuse et si sujette aux révolutions, se vit en moins d'un jour sous la domination des trois plus puissantes couronnes de l'Europe. Il n'est pas facile d'exprimer la joie qu'eut Cromwell de la conquête de cette place, et de se voir délivré des courses des Dunkerquois, qui avaient pris depuis cette guerre deux cents cinquante vaisseaux aux Anglais.
De-là, M. de Turenne investit Bergues, qu'il prit en trois jours ; alla à Furnes, dont le Gouverneur ne lui donna pas la peine de combattre, s'étant contenté de tirer deux coups de canon ; ensuite il capitula. Dixmude n'eut pas plutôt aperçu quelques escadrons Français, que cette place envoya supplier le Général de la recevoir à une honorable composition. Pendant ce temps-là, M. de la Ferté à la tête de dix mille hommes, investit Gravelines le 27 Juillet, qui se rendit le 28 Août.
L'armée de M. de Turenne marcha à Oudenarde qu'il prit aussi, défit ensuite le Prince de Lignes, et finit par là une glorieusement la campagne.