FETES ET COUTUMES " Les processions de la Ducasse"
Les processions de la Ducasse de DUNKERQUE
" dans l'ancien temps"
en 1700
c'est le Reuze qui, par tradition, ouvre la marche du cortège et, à sa suite, viennent tous les groupes qui personnifient et symbolisent la vie sociale, traditionnelle.
Les administrations civiles et religieuses, les Corporations, le «Corps du Magistrat», le Clergé, « tous portant des flambeaux» viennent après, précédant immédiatement le «Très Saint Sacrement», personnification de la Divinité, expression la plus élevée du principe religieux, qui termine le cortège.
Lorsque Louis XV vint à Dunkerque, au mois de Juillet 1744, on fit marcher cette procession. Le roi la vit passer de la fenêtre d’une maison place de la Liberté. Lorsque le chariot couvert de feuillage arriva sous la fenêtre du roi, les sauvages, qui étaient des écoliers des Jésuites avec des vêtements tapissés de pied en cap de feuilles de lierre, tous masqués et armés d'une seringue et de deux petites écuelles de bois, régalèrent le Roi d'une danse très grotesque et, ensuite, se mirent à jeter de l'eau sur tous les curieux qui étaient, non-seulement à la portée de leurs seringues, mais aussi de leurs petites pompes hollandaises.
En 1750
Dans les cortèges observés dans la seconde moitié du XVIIIe siècle c'est l'ordre inverse qui est suivi. Les corporations, les Confréries, le Magistrat l'Intendant, les fonctionnaires civils, puis le Clergé, «tous portant des flambeaux», précèdent le Saint Sacrement porté sous un dais par l'abbé de Bergues, et marchent en tête du cortège, et ce n'est qu'après l'élévation de l'Ostensoir, sur un autel dressé devant l'Eglise, et la rentrée de cette première partie imposante de l'Ommegang, dans le sanctuaire, que les «Folies de Dunkerque» commençaient avec le défilé des chars de triomphe et des groupes symboliques, que Reuze Papa», entouré de sa famille, terminait au milieu de l'allégresse générale.
En 1800
Un premier char de triomphe, attelé de huit chevaux représente Dunkerque, et fait entendre une musique assez harmonieuse.
Le second char s'appelle le char du Dauphin. Un jeune homme, décoré de tous les attributs du dauphin de France, est assis au haut du char et, dans le bas, sont douze à quinze jeunes gens très proprement mis, qui sont censés former sa cour; ce char a aussi des violons et on exécute des espèces de ballets devant les principales maisons,
En avant de ce char sont vingt-quatre jeunes gens enfermés, jusqu'à mi-corps, dans des dauphins de carton, et armés de lances avec lesquelles il font des joutes pendant qu'on danse dans le char.
En avant des deux chars sont aussi des hommes habillés en blanc, armés de très longues perches garnies en fleurs; ils les portent en l’air le bout appuyé sur une ceinture qu'ils ont, à cet effet, autour du corps ; le talent est de les agiter assez fortement pour qu'elles se cassent. Ils exécutent aussi plusieurs danses.
Le troisième char s'appelle le char de la Reine ; une jolie fille, superbement parée, est en haut du char, au bas est sa cour, laquelle, de temps en temps, se lève et exécute des danses.
Le quatrième char s'appelle le char du Roi; c'est la même représentation que dans le char du Dauphin.
Le cinquième char s'appelle le Paradis; ce char, au lieu d'être ouvert comme les autres, est absolument fermé de banderoles blanches, mêlées de rouge et de bleu en dedans, lesquelles sont des bancs sur lesquels sont assis en amphithéâtre, tout autour du char, soixante à quatre-vingts jeunes gens, tous habillés en blanc, qui marient leurs voix au son des instruments.
Le sixième char s'appelle les Sauvages: ce sont des hommes habillés d'une toile couleur de chair, sur laquelle sont attachées des feuilles d'arbres, le char même n'est enrichi que de feuillages; ils sont armés de seringues et distribuent à leur gré de l’eau sur les curieux; ils exécutent aussi plusieurs danses.
Le septième char s'appelle l'Enfer ; il est de forme rotonde comme le Paradis, garni tout autour d'hommes habillés en Diables et, tout au haut, se trouve un foyer que les diables attisent et dont, de temps en temps, ils font jaillir des flammes.
En avant de ce dernier char est un homme habillé en femme, qu'on appelle Proserpine ; il est armé de deux bouquets: l'un, très-beau, très-odoriférant; l'autre, rempli d'épingles ou d'épines. La Déesse présente le premier bouquet à tous ceux qui désirent le sentir; l'adresse consiste à substituer habilement le second bouquet et le porter brusquement au visage ; il en résulte quelquefois des égratignures assez vives qui font rire les spectateurs...
A la suite de ce char marche un homme seul, habillé aussi en diable, portant pour couronne une espèce de réchaud et traînant un long croc de fer ; on dit que c'est Lucifer.
Cette procession des Folies attirait beaucoup de monde à Dunkerque et faisait valoir les octrois ; on y accourait de toute la Belgique, du Calaisis, du Roulonais, de l'Artois et de la Flandre, et même de Douai et d'Arras où la sagesse siégeait sur des fleurs de lis. »
Ce jour est un grand jour pour Dunkerque et pour les villes voisines, les rues regorgent de monde ; on prétend que la moitié a couché, la veille, clans les rues mêmes, sur les caves et sur les bancs .
Différentes stations prolongeaient le défilé des Folies pendant l'espace de trois heures. Le peuple, rangé des deux côtés de la voie publique, passait le temps à causer, à rire et à faire des réflexions plus ou moins drôles. La classe aisée, commodément installée aux fenêtres des maisons, buvait du vin de Graves, mangeait des couques, du jambon et des langues fumées.
Au XIXème siècle.
Le char de «Dunkerque en personne, brillante en sa splendeur, qui lui fait remporter !a victoire sur mer», a été remplacé dans les cortèges historiques du XIXe siècle par les armoiries personnifiées de la Ville: Un homme marin armé de toutes pièces, casqué et cuirassé, virevoltant (dans le cortège) en tenant un sabre d'argent qu'il brandit de dextre à senestre pour défendre l'écusson dunkerquois qu'il supporte en sautoir.
Cette personnification était ingénieusement représentée.
Ces cortèges ont conservé cependant quelques vestiges des Ommegang ancestraux. Si les nécessités ont supprimé ou notablement réduit notre vieux Reuze-papa et supprimé, à notre grand regret, les gracieux roozen-hoeds avec leurs gais carillons de verre, on retrouve encore dans la «Tabagie flamande» un souvenir du «Char de Bacchus».
Les groupes pittoresques de Pêcheuses de grenades et de bazeinne se voient encore fidèlement représentés, mais très réduits.
Le char de Neptune ne pouvait disparaître complètement d'un cortège dunkerquois. Présent encore en 1799, mais suivi d'un navire armé en guerre, «tirant des coups de canon». C'était l'époque glorieuse de la course ; le capitaine sifflait pour faire monter ses hommes sur le pont ; le maître d'équipage lançait le loch ; un matelot jetait le plomb de sonde. Ce fut l'origine du costume longtemps populaire, disparu aujourd'hui, des Coursiers. Disparus aussi les nombreux diables sortant de l'enfer, signalés par tous les narrateurs et dont nous avons vu les dernières bandes aux carnavals de 1850 à 1860..
A partir de 1824, Neptune céda définitivement la place à Jean Bart. A l'occasion du centenaire du célèbre marin dunkerquois, coïncidant avec l'érection de son buste sur la Place Dauphine. Aujourd’hui Place du Théâtre, le char triomphal avait la forme d'une dunette de navire. Jean Bart était au gouvernail dirigeant le vaisseau. Il avait à sa droite, le dieu Mars, et Neptune à sa gauche. Après cette cérémonie inaugurale la mythologie disparut et Jean Bart remplaçant à la fois Mars et Neptune, resta seul avec son équipage, exécutant la même mise en scène que dans le cortège de 1799.
Le 4 Juillet 1896, M. Alfred Dumont, maire de Dunkerque, reprenant les vieilles traditions locales, eut l'ingénieuse idée d'offrir à ses administrés, à l'occasion du raccroc de la ducasse, une fête des géants les plus renommés du Nord. La famille Gayant, de Douai, et le Reuze de Cassel répondirent à l'aimable invitation de la Municipalité, et l’on vit se dérouler à travers les rues de la ville un magnifique cortège, qu'accueillit avec enthousiasme la population de Dunkerque toujours avide de ces sortes de spectacles des rues de leur ville La musique elle même a la fièvre, elle accélère le rythme et les danseurs l'accompagnent en sautant et chantant jusqu'à ce que jambes et gosiers refusent tout service.
"Mémoires de la Société dunkerquoise pour l'encouragement des sciences, des lettres et des arts "