DUNKERQUE LA PREMIERE RECONSTRUCTION: DES BARAQUEMENTS ET DES CHALETS.

DUNKERQUE LA PREMIERE RECONSTRUCTION
DES BARAQUEMENTS ET DES CHALETS

 La situation en 1945.
Au lendemain de la guerre, Dunkerque est dans un état lamentable: le plan de reconstruction et d'aménagement préparé par Théo Leveau (approuvé seulement en mars 1948) recense, sur les 3361 immeubles que comptait la commune de Dunkerque, 1524 immeubles totalement détruits, 805 fortement endommagés et 1032 dits réparables.

Année 1949

Des années d'occupation ont réduit à l'état de ruines tout le centre-ville compris entre le port et le canal des Wateringues et ont empêché toute reconstruction en dur.
La plupart des repères visuels du tissu urbain ont disparu: dans le centre, des îlots et des rues ont été rayés de la carte. Si la place de la Gare est presque intacte, les places Jean-Bart, de la République, du Minck, d'Armes et du Théâtre sont devenues des champs de broussailles. Quelques grands monuments ont miraculeusement été épargnés. Le beffroi, datant du XVe siècle, a été sérieusement endommagé à l'intérieur par le feu, mais son extérieur est intact.


L'église Saint-Éloi, maintes fois remodelée depuis le XVIe siècle, n'a plus de toit, ni de vitraux.
La statue de Jean Bart, réalisée en 1845 par David d'Angers, a été épargnée et trône au centre de la place.

La tour du Leughenaer, place du Minck, s'élève seule au milieu des ruines. Hors les limites des anciennes fortifications, le quartier Exentric et les maisons de bois, dans la commune de Rosendaël, et les maisons au style éclectique de la Belle Époque, à Malo-les-Bains, n'ont pas été touchés. Toutefois, avant de pouvoir reconstruire « en dur », il faut rapidement loger les réfugiés et relancer l'économie. Dunkerque connaîtra donc une première reconstruction, temporaire, alors que la ville passe du statut de ville détruite à celui de ville en reconstruction.
Dans un premier temps, Dunkerque n'est que ruines. Ces ruines représentent deux guerres.
L'armée allemande aurait décidé de ne pas fondre la statue de Jean Bart pour la symbolique qu’il pointe son épée en direction de l'Angleterre, ennemie de l'Allemagne en 1940.
A Dunkerque, la symbolique est plus forte encore. La survie de la statue de Jean-Bart, est le signe du courage et de la capacité à reconstruire la ville. Ce que les Dunkerquois ont su faire de tout temps. La Ville reçoit, après le conflit, des médailles de bravoure.
Plus des deux tiers des résidents ont fui ou ont été évacués pendant la guerre. Très peu savent à quoi s'attendre lorsqu'ils reviennent à Dunkerque. Ces images, en parallèle avec le discours officiel autour du statut de ville martyre, contribuent à réconcilier les résidents avec leur ville. De la guerre des militaires, on passe à la guerre des résidents. Les ruines sont élevées en monuments et soulignent la tangibilité des atrocités que les habitants ont vécues et du courage dont ils ont fait preuve.
Dès 1945, avant même la capitulation de la poche de résistance allemande, mais alors que les autres villes et villages du Nord sont libérés, les principaux journaux, Nord-Maritime, Le Nouveau Nord, La Voix du Nord et Nord-Matin, publient des articles sur les ruines de Dunkerque. Les titres sont évocateurs: « Pauvre Dunkerque », « Dunkerque et son labyrinthe de ruines », « Derniers vestiges du Vieux Dunkerque »...
Le journal La Voix du Nord est paru une première fois en 1943. Sa parution n'est toutefois pas régulière. Dans l'après-guerre immédiat, le journal passera progressivement d'une publication hebdomadaire à une publication quotidienne.
Le Nouveau Nord est paru pour la première fois en février 1945. Journal de la reconstruction des ports septentrionaux et des Flandres française.
Le Nord-Maritime, spécialisé surtout dans les nouvelles maritimes.
Le Nord-Matin quotidien d'information de la démocratie socialiste, est paru de 1947 à 1973. Tous ces journaux possédaient une section spécialement attitrée pour la ville de Dunkerque.
Les cités de baraques

Après des années de guerre où Dunkerque s'est vidée de ses habitants, 1945 voit le retour progressif des réfugiés qu'il faut reloger, nourrir et à qui il faut permettre de vivre. S'ajoute aux besoins humanitaires la nécessité de reconstruire les infrastructures, de remettre en place les institutions, de déblayer la ville, de déminer le port, etc.

Des baraquements et des chalets américains

Bien que le ministre de la Reconstruction, Raoul Dautry, promet un toit provisoire à tous les sinistrés les travaux préparatoires pour une reconstruction permanente demandent du temps et surtout, des moyens énormes.

le 25 Novembre 1945, 500 habitants seulement sont relogés, constat pessimiste mais réaliste.
Les questions du relogement des habitants, de la relocalisation des commerces et des institutions sont résolues lorsque des milliers de maisons préfabriquées sont envoyées dans les villes sinistrées.

   Dunkerque reçoit surtout des modèles achetés au Canada, à la Suisse et aux États-Unis « les chalets américains » type UK-100 et récupère d'anciens baraquements anglais. Un peu partout dans la ville des cités de bois sont construites: Après nos fières maisons de jadis, après les ruines sinistres et les quartiers rasés du temps d'occupation, des maisons de bois s'édifient maintenant un peu partout, donnant ainsi à notre ville une allure curieuse qui évoque ces villes champignons qui naquirent si brusquement dans l'Ouest américain.
Ce sont quelque 1500 baraquements qui devront être montés: il faut loger aussi bien les sinistrés que les ouvriers venus participer à la reconstruction, les services essentiels (écoles, églises, etc.), les bureaux et les commerces.

Les espaces libres, à savoir les parcs et les terrains vagues où il n'y avait pas, avant la guerre, de maisons, sont aménagés pour accueillir les baraquements. La place Jean-Bart, par exemple, accueille et cela pour plus de 10 ans une cité commerciale.
les Glacis Nord, une cité résidentielle, à Rosendaël, une cité ouvrière pour loger les travailleurs venus reconstruire Dunkerque, etc. (nombreuses photos aériennes de 1949 à la fin de l’article donnent le détail de ces cités).
Ces cités suivent des plans d'urbanisme précis et sont dotées de réseaux d'eau et d'électricité. Le Dunkerque d'après-guerre, celui qui est nettoyé de ses ruines, est fragmenté.
L'installation prend cependant beaucoup de temps et les journaux se font l'écho des nombreux problèmes qui surgissent. On déplore par exemple le fait que certaines cités n'ont pas d'éclairage public, que d'autres n'ont pas encore accès au chauffage ou encore qu'il y ait surpeuplement dans certains chalets. 
 Les baraquements sont trop chers alors que dans les chalets américains il n'y a pas la place pour entreposer le charbon et la cuisine n'est pas la pièce centrale.
Les chalets américains sont pourvus d'une salle de bain, du chauffage au gaz et de toilettes modernes, ce dont beaucoup de résidents ne bénéficiaient pas dans leur logement d'avant-guerre. Dans certaines cités, ces habitations possèdent même leur propre jardinet, permettant ainsi de cultiver des produits frais alors que la vie est encore rationnée.
Le rôle de ces baraquements dépasse la simple réponse à l'urgence de la reconstruction. Ils permettent à la population de reconstituer les liens sociaux et les réseaux de voisinage. Il s'y développe une vie collective riche, où les réseaux sociaux prennent une place importante. Les différences sociales semblent gommées puisque tout le monde est logé à la même enseigne.
La constitution de ces cités de baraques devient même, selon les journalistes du « Nouveau Nord », une source de fierté, l'illustration d'une capacité à retrouver un rythme de vie normalisé: « l'homme s'est mis à la tâche avec ardeur, et d'une lande stérile, d'un immense terrain sableux, il a fait un territoire habitable, un village qui a sa vie propre, un grand quartier de baraquements uniformes et vivants: une Cité.
Malgré les récriminations quant aux coûts et à la lenteur des constructions, le regard porté sur ces cités est généralement positif. Le Nouveau Nord n'hésite pas, dès décembre 1945, à présenter ces nouvelles cités comme des « champignons du Nord », insistant sur leur aspect sympathique et pastoral.
En 1947, alors qu'officiellement les dernières cités de baraquement sont montées, toute une série d'articles vient souligner la « coquetterie» des cités, photographies à l'appui, et le sentiment d'appartenance que leurs résidents y ont développé.
la reconstruction s’étire en longueur, les baraquements sont toujours présents, la vie dans les baraquements malgré les aléas de l’installation reste dans la mémoire des dunkerquois qui l’ont vécue, comme une expérience qu’ils ne regrettent pas. Une vie sociale active s’était développée dans les cités de baraquements, renforçant un certain esprit communautaire.
Plusieurs baraquins, semblent s'être approprié leur «chez-soi» en personnifiant leur chalet selon leurs besoins. On assiste à un retour d'une forme de collectivité et à la renaissance d'une appartenance à un lieu. Ce n'est qu'à partir de la deuxième moitié des années 1950 que disparaissent petit à petit ces cités. Pas toutes cependant. Certains des baraquins deviennent propriétaire de leur logement et le déménagent sur un autre site;
D’autres cités, situées en périphérie du périmètre de reconstruction seront encore maintenues de nombreuses années, certaines jusqu'au début des années 70.
Personnellement j'ai quitté l'ONCOR de Petite-Synthe en 1968, mes parents ne l'ont quittée qu'en 1972.
PHOTOS AÉRIENNES DE 1949
la "Sécu"
le centre
Petite Synthe

Petite Synthe
Petite Synthe

Saint Pol sur mer
Saint Pol sur mer
Ile Jentil
Le Jeu de M ail
Stade Tribut
Glassis + Malo
Coudekerque

Coudekerque
Rosendael
Rosendael
Leffrinckoucke 

En complément: DUNKERQUE VUES AERIENNES 1945/1948 AVANT LA RECONSTRUCTION

Commentaires

Jean schepman a dit…
Merci beaucoup, magnifique article très bien documenté.
Personnellement j’écrirai plutôt l’armée nazie puisqu’il y avait par mieux des étrangers dans des Français acquis à la cause de l’extrême droite.
Félicitations et merci
Jean schepman

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