LES PECHEURS D'ISLANDE " LA PECHE"
La pêche
Les navires se retrouvent sur la côte sud de l’Islande jusqu’à mi-mai. Puis ils iront pêcher à Faskrudljord, Nordljord ou Seydsfjortl.
Entre ces deux pêches une halte permet de renouveler l'eau douce, de prendre des vivres frais, de mettre les objets en ordre, de visiter le gréement et se préparer pour la seconde pêche. Quant à l'équipage, il se repose ou plutôt se distrait : car de nombreuses visites se font de navires à navires.
Les côtes d'Islande, sur une longueur de plus de cent lieues marines, n'offrent ni un port, ni un abri contre le mauvais temps et les vents du large. La pêche se fait à la ligne à la main. Chaque ligne a 200 mètres de longueur, est munie d'un plomb de 3 kg. à 3,5 kg et de un ou de deux hameçons. La profondeur de la mer sur les lieux de pêche est d'environ cent mètres, et cette profondeur s'augmente rapidement de moitié par la dérive du navire, car la pêche se fait en cape sous la grand-voile, et non à l'ancre, comme aux bancs de Terre-Neuve.
Aussitôt le navire arrivé à trois milles de la côte, le capitaine fait monter tous les hommes sur le pont et les divise en trois bordées, commandées chacune par un officier. Pendant toute la durée de la pêche, deux bordées pécheront et la troisième se reposera, pendant la durée d'un quart, qui est généralement de trois heures.
Puis le capitaine commande : « Tout le monde arrière. » Et une courte prière est dite, le « Pater noster » ou l' « Ave maris Stella ».
Il n'y a que trois hommes à bord qui ne pêchent pas : le paqueur, le saleur et le tonnelier. Ce dernier doit ouvrir, fermer et cercler les tonnes.
A l'exception de ces trois hommes, tout l’équipage, le capitaine compris, se place, en s'espaçant convenablement, le long des lisses, chacun avec sa ligne ou ses lignes dont le bout libre est amarré au navire. On amorce la première fois les hameçons avec quelques morceaux de poisson (du flétan), pêché à cette intention, et on lance les lignes à la mer.
Lorsque la morue mord, on la hisse purement et simplement à bord; c'est-à-dire que le pêcheur ramène à lui la ligne toute ruisselante d'eau et lorsque la morue est à sa portée, il la saisit par une
ouïe; il ouvre sa bouche, en extrait l'hameçon, et rejette le poisson dans l'encaissement. Quelquefois, la morue est si abondante que le pêcheur n'a pas le temps de retirer l'hameçon; il faut qu'il accoure à une autre ligne qui réclame une prompte intervention, dans ce cas, il jette tout à la fois derrière lui, dans l'encaissement, le poisson, l'hameçon et la ligne; et alors, c'est le paqueur ou son acolyte qui se charge de l'extraction.
Mais le plus souvent, c'est tout le contraire, la morue est plus rare alors, le pêcheur doit agiter l'hameçon : pour cela, il étend, de toute sa longueur, son bras le long de la ligne, et, aussi loin qu'il peut l'atteindre, il la saisit, la ramène à lui, la lâche, la reprend de la même façon, et recommence ce fatigant travail jusqu'au moment où la morue mord à l’hameçon.
Cette partie du travail ordinaire du pêcheur est la plus pénible.
Revenons à la morue : arrivé sur le pont, le poisson est saisi par le paqueur, qui lui tranche la tête, et lui ouvre le ventre par une incision longitudinale qu'il pratique depuis l'œsophage jusqu'à l'ouverture opposée; il en retire le foie, qui est mis à part dans une tonne, on en extraira plus tard cette huile aux vertus réparatrices, qui servait à la préparation des cuirs. On enlève ensuite la vessie, qui sera vendue aux fabricants de colle de poisson, puis les intestins qui vont servir à amorcer les hameçons; ensuite, le saleur étend la morue ainsi préparée dans une tonne et la saupoudre de deux ou trois poignées de sel sur celle-ci, il en étendra une autre, jusqu'à ce que la tonne soit pleine: le reste est l'affaire du tonnelier.
Les têtes sont l'objet d'une dissection spéciale: on les divise en plusieurs morceaux dont le palais et les joues (kakesteck) tous ces morceaux subissent le même salage et les mêmes préparations que le corps du poisson.
Les morues ainsi que leurs sous-produits étant .préparés, salés et embarillés, peuvent attendre sans inconvénient, l'opération définitive du repaquage qui se fera au retour mais presque toujours, les armateurs n'attendent pas aussi longtemps pour recueillir les premiers produits de la pêche
A cet effet, ils se réunissent au nombre de quatre ou cinq, ils arment en commun un navire de bonne marche désigné sous le nom de « chasseur » et l'expédient à Islande, trois semaines ou un mois après le départ de la flottille. Avant de partir, leurs capitaines-pêcheurs sont informés qu'un chasseur se trouvera à telle époque dans telle baie désignée à l'avance, pour recueillir les produits pêchés jusque là.
Pendant la saison de pêche, les journées du matelot-islandais ne se bornent pas, malheureusement, à être pénibles. Le lieu où il pêche est un de ceux que la tempête visite le plus fréquemment, et où elle est également la plus redoutable pour le marin.
Le navire doit se tenir aussi près que possible de la côte, c'est une condition de réussite pour la pêche et c'est, en même temps, la pire de toutes les conditions pour la sécurité de son équipage. Au moindre vent du large, il faut ouvrir l'œil, il faut souvent déguerpir, car sous ces latitudes, tout est à redouter : une brise du large dégénère fréquemment en vent qui souffle en foudre et alors, si l'on se trouve serré sur la côte, adieu le navire et l'équipage, car la côte abrupte de l'Islande, c'est la mort. Ce sont donc des alertes, une surveillance incessante. À chaque instant, il faut quitter la ligne pour la manœuvre, et se dépêcher, car encore une fois, la côte c'est la mort.
Un ouragan arrive sur le navire avec la rapidité de la foudre ; tout est à faire à la fois : ce sont les produits de la pêche, le pain pour l'hiver, qu'il faut mettre en lieu sûr; c'est un mât à dépasser; c'est la voilure qui doit être carguée ou amoindrie en quelques minutes, sous peine de la voir emportée en lambeaux; à moins, pourtant, qu'elle ne résiste , et alors le navire est démâté ou chavire; ou bien, il va se briser à la côte.
Chacun a le sentiment de la gravité de la situation, de la valeur d'une minute perdue. Tous savent qu'une négligence, une lenteur, un défaut d'ensemble dans les manœuvres, auront des conséquences funestes.
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