HISTOIRE DE DUNKERQUE " Le drapeau Dunkerquois "
Dunkerque fut très longtemps la seule ville de France à avoir son drapeau à elle.
Le drapeau dunkerquois qui a une glorieuse et une dramatique histoire, flotte depuis des siècles en ses murs comme jadis il flotta sur toutes les mers. Il n'a jamais cessé d'incarner les liesses de la ville, les réjouissances, et de claquer joyeusement à la brise du large comme de redire de génération en génération les fastes du passé de la vieille cité.
Pour trouver son origine, il faut remonter aux troubles qui marquèrent au début du Xllle siècle la lutte entre les nobles, les seigneurs féodaux, les roturiers, les marchands des villes, les paysans des campagnes, les ouvriers des métiers (Blaevœtins, ou pieds bleus).
Les Dunkerquois de ce temps là et en particulier les marins, s'étaient naturellement rangés, en vrais flamands, du côté des défenseurs des premières libertés, des vilains, dont ils embrassèrent la cause avec ardeur ; à tel point qu'ils mirent, pour en témoigner sur mer, dans leur drapeau tout blanc, le bleu arboré par les Blaevoetins. Désormais le drapeau bleu et blanc devait les accompagner dans toutes leurs courses et coups de main, et servir de ralliement entre eux.
Au XVe siècle, les deux couleurs s'étaient divisées en six bandes et quand, de concert avec les marins de Nieuport, d'Ostende, de l'Ecluse et autres ports flamands, les bâtiments dunkerquois armés par le Magistrat pour protéger les pêcheurs et les navires marchands ou faire la course en haute mer contre les Anglais, sortaient du port, ils arboraient fièrement l'étendard à bandes bleues et blanches. D'ailleurs chaque port avait son pavillon particulier ; et de Venise et Gênes à Amsterdam, en passant par Marseille, La Rochelle, Hambourg, etc., les bâtiments de chaque port se distinguaient par cet emblème.
Au XVIe siècle, les corsaires armés par la Municipalité ou les particuliers portaient toujours les couleurs dunkerquoises en courant sus aux Espagnols, aux Français, aux Anglais, aux Hollandais.
En 1638, le 23 août, quand l'amiral de Sourdis eut battu, devant Fontarabic, l'escadre espagnole, où figuraient treize vaisseaux de Dunkerque qui se firent tous détruire ou jeter à la côte, il eut grande fierté d'expédier à Louis XIII, en trophée de victoire, le seul drapeau qu'on put recueillir après le combat, un pavillon dunkerquois aux bandes bleues et blanches, recueilli sur un navire désemparé et échoué.
Quand Dunkerque passa une première fois à la France, en 1647, Duquesne voulut, sur les ordres de Mazarin, utiliser la flotte dunkerquoise ; mais, avec un ordre parfait, arborant le pavois de la ville, les navires sortirent du port devant les navires français et, un à un, firent voile sur l'Espagne, ne voulant pas servir la nouvelle patrie. L'amiral français dut constituer une flotte nouvelle avec des navires achetés en Suède et qu'il pavoisa, du même drapeau dunkerquois, en allant les présenter au jeune roi Louis XIV, au port de Dieppe.
Les deux escadres fait unique dans l'histoire qui, en des camps ennemis, avaient hissé à leur grand mât le même drapeau devaient se rencontrer par la suite, à deux reprises,
le 22 décembre 1647, dans le golfe de Naples, et le 9 août 1652, entre les iles de Ré et d'0léron. Dans les deux rencontres ce furent les bâtiments français qui contraignirent les Espagnols à se retirer.
Quand Richelieu retira aux villes et aux ports le droit d'arborer un pavillon particulier, d'avoir une escadre à elles, afin que ne soit plus constituée qu'une seule marine, la marine royale, un seul pavillon de port français continua de voguer sur les mers avec son assentiment : c'était le drapeau de Dunkerque qui continua d'avoir sa flotte propre avec son autonomie et son chef que payait le Trésor royal. Cette escadre de Dunkerque ne fut supprimée que sous Colbert.
Mais le pavillon lui survécut, et dans toutes les marines du XVIIe siècle il continue de figurer, à côté du drapeau blanc aux lys d'or. C'est sous ses plis seuls, puisqu'ils n'avaient pas le droit d'arborer le drapeau royal, que s'illustrèrent les Rombout, les Jacobsen, les Jean-Bart, les Saus, les Colaërt, et autres fameux corsaires de haute mer, puis au XVIIIe siècle, les Vanstabel et les Royer.
En 1790, quand on proscrivit tous les drapeaux provinciaux pour ne conserver que le tricolore, les Dunkerquois, fidèles au vieil étendard, ne le délaissèrent pas et malgré tout continuèrent à l'arborer chez eux. Quand sous le Consulat, on réorganisa les arrondissements maritimes et qu'il fallut donner au premier, allant de Dunkerque à Saint Valéry, un pavillon distinctif, ce fut celui de Dunkerque, toujours vivant, qu'on choisit.
Il personnifie le patriotisme local, l'amour de la vieille cité, toujours vivace au cœur de ses enfants, il chante ses gloires et redit l'âme ardente qui l'anime.
d'après Georges VANDOORNE.
(POUR VOIR LES SOURCES UTILISEES PAR DUNKERQUE ET SA REGION "dans l'ancien temps")