LES DERNIERS JOURS de JEAN BART
Les
derniers jours de Jean Bart
Le 17 décembre 1701, Jean Bart part pour Le Havre pour inspecter son futur navire, le Fendant. Il revint à Dunkerque le 28 décembre après avoir indiqué les
modifications à apporter.
En mars 1702, il surveilla le radoub des galères.
Le 4 avril, le Fendant mouilla en rade, et le 12, les vents étant favorables, il entra aisément dans le port : « Le roi n'a point de vaisseau qui gouverne mieux que celui-là ». L’escadre du Nord devait également comprendre le Maure, chevalier de Courbon-Saint-Léger, l’Amphitrite, chevalier de Saint-Pol, et l'Adroit, Cabaret, ces trois commandants étant tous capitaines de vaisseau. C’est en surveillant l’entrée du Fendant que Jean Bart s'est
senti attaqué d'une fièvre que l'on croit d'abord intermittente et légère, mais
qui, subitement, s'aggrave, devient au bout de trois jours continue, violente
et dangereuse au point que le 15 avril on lui administre le Saint-Sacrement.
Pontchartrain,
aussitôt informé, s'inquiète. Il prie Mme Bart de charger quelqu'un de le
tenir, jour par jour, au courant de la marche de la maladie.
13 avril 1702
Jean Bart, très malade, est contraint de remettre son
service au chevalier de Saint-Pol, le plus ancien des capitaines de vaisseau présents
au port. Le 15, ou lui donnait l'extrême onction, vu la gravité de son état.
Le 15 avril 1702 le commissaire de marine Vergier
écrivait au ministre de la marine que depuis deux jours Jean Bart était atteint
d’une fièvre que l’on crut intermittente mais qui devint continue violente et dangereuse.
Les médecins ne
désespèrent pas. Le 25, une crise plus faible que les précédentes se produit.
Elle leur donne bon espoir et ils pensent sauver le malade.
Le 25 avril 1702 le commissaire de marine « Mr
Bart à eu aujourd’hui un redoublement plus faible, on espère de guérir ».
Mais rien n'y fait.
Le lendemain soir, il
entre en agonie.
Le 27 avril 1702, à
l'âge de cinquante-deux ans, entre trois et cinq heures de l'après-midi, Jean
Bart, terrassé en quelques jours par une pleurésie, rend le dernier soupir.
Le dimanche 30 avril,
de l'hôtel de Jean Bart, le corps est conduit en grande pompe à l'église
Saint-Eloi. L'intendant de la Marine, les officiers d'Amirauté, le grand bailli
Faulconnier et le Magistrat de Dunkerque en corps, les officiers des troupes de
terre, ses compagnons d'armes, ces vaillants officiers qu'il a formés, ce brave
et noble chevalier de Saint-Pol qui signe l'acte de décès avec François Bart,
Gaspard Bart et le curé Desvignes, lui font cortège.
En dépit de la pluie,
une foule immense suit le cercueil. Le canon tonne. Des décharges de
mousqueterie crépitent. Le glas funèbre tinte lentement et, lugubre, pleure sur
la ville en deuil. Le prêtre, « pasteur titulaire et en chef », à la tête de
son clergé au grand complet, célèbre le service solennel de la cloche Jésus.
Les dernières prières sont dites sur le corps descendu dans une fosse creusée à
la place d'honneur, dans le sanctuaire du chœur, au pied du maître-autel.
Cette mort est un
véritable deuil public. « C'était un bon sujet, et c'est une perte pour la
marine », dit Pontchartrain à l'intendant Barentin. M. de Boursin envoie de
Dunkerque à M. de Villermont une longue lettre à ce propos et conclut : « On
peut dire que c'est une perte irréparable pour la France. » Le grand bailli
Faulconnier écrit dans son histoire : « Le roi savait bien qu'il ne
retrouverait qu'avec peine un officier de sa capacité pour remplir un poste
aussi difficile que celui de ce port. »
Voici le relevé des services de Jean Bart :
Matelot, 1666-1672, sur l'un des bâtiments de
l'escadre commandée par Michel de Ruyter, puis comme lieutenant à bord de
bâtiments de commerce hollandais;
Lieutenant, 1672-1674, sur des bâtiments corsaires
dunkerquois;
Capitaine de bâtiments corsaires, 1674-1679 ;
Lieutenant de vaisseau dans la marine royale, le 5
janvier 1679 ;
Capitaine de frégate, le 14 août 1686 ;
Capitaine de vaisseau, le 20 juin 1689 ;
Chef d'escadre, 1er avril 1697.
Chaîne d'or donnée par Louis XIV, 18 septembre 1676.
Chevalier de Saint-Louis, 1er février 1694.
Lettres de noblesse, 4 août 1694.
10 mai I702 « Le Roy a appris avec déplaisir la mort du
chevalier Jean Barl, à cause des services qu'il a rendus et cle ceux qu'il
était prêt à rendre dans la conjoncture présente ».
Jean Bart, en mourant, laissait
après lui sa veuve avec six enfants : trois fils et trois filles.
Marie Tugghe resta veuve et mourut à
Dunkerque, le 7 février 1719, à l'âge de cinquante-six ans, dix-sept ans après
la mort de Jean Bart ; elle fut enterrée à côté de lui.
Quant à ses six enfants, les seuls qui survécussent des treize enfants que
lui avaient donnés ses deux femmes, ils eurent des destinées fort différentes.
L’Épitaphe pour Jean Bart
Celui que, dans les premiers temps du siècle,
nautonier redoutable par son adresse à conduire des navires, ont admiré les
Dunkerquois ses concitoyens ; Qui, armé de barques et de légers bâtiments,
frappant partout avec habileté, a purgé la mer de brigands ; Commandant de
navires nombreux et ensuite de vaisseaux royaux, en tout lieu a massacré les
ennemis ; Qui de nos laboureurs et de la ville entière, En un temps de disette
apaisa la misère, Qui fit nombreux captifs parmi les Hollandais, Qu'une fois
ont saisi, non gardé les Anglais,
JEAN BART, Qui par ses faits si brillamment nombreux,
a tellement bien mérité que, déjà récompensé par divers autres bienfaits et
inscrit dans la classe des citoyens nobles
Il fut enfin, par le roi Louis le Grand, créé
chevalier de l'ordre du roi Louis. Mais hélas ! ô Destin qui n'épargne personne
! Cet homme courageux, que la mort plus forte que la valeur n'a pas osé toucher
du sabre dans les combats, jalouse de sa lance, au moment, où il se préparait
pour la guerre, perfide, dans son lit elle l'a tué le 27e jour d'avril 1702, de
son âge le 52° an. Pleuré autant que pleurable, par ses parents, il repose dans
cette tombe regretté de tous.
D’après le témoignage de l’historien Faulconnier qui
l’a connu personnellement :
«
Jean Bart avoit la taille au dessus de la médiocre, le corps bien fait, le tempérament robuste et
capable de résister à toutes les fatigues de la mer. Il avoit les traits du
visage bien formés, les yeux bleus, le
teint beau, les cheveux blonds, la
physionomie heureuse, & tout-à-fait revenante ; il avoit beaucoup de bon-sens, l'esprit net &
solide, une valeur ferme & toujours
égale : il étoit sobre, vigilant, intrépide ;
aussi prompt à prendre son parti que de sang-froid à donner ses ordres dans le combat. On l'a toujours vu
avec cette présence d'esprit si rare
& si nécessaire en de semblables
occasions ; il savoit parfaitement bien son métier, & il l'a toujours fait avec tant d'approbation &
de gloire, qu'il n'a dû son élévation
qu'à fa capacité & à fa valeur. Il y a
joint un désintéressement si grand, qu'il n'a laissé d'autre fortune a ses enfants, que les bienfaits
qu'il avoit reçus du Roi ».
Le roi fut pénétré de douleur, lorsqu'il reçut la nouvelle de la mort de Jean-Bart. Le bruit s'en répandit bientôt dans
toute l'Europe. Partout, elle causa une tristesse générale : les ennemis
même rendaient à son mérite le tribut d'éloges qui lui était dû. Tous
les habitants de Dunkerque, dont l'immortel corsaire était la gloire, versèrent des larmes sur son tombeau.
Louis XIV donna une preuve authentique du cas particulier qu'il faisait de la mémoire du célèbre corsaire : il fit délivrer à sa femme et à ses enfants une pension de deux mille livres.
(Voir plus d'articles sur Jean Bart)
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