LES CORSAIRES " Enfants de Dunkerque" La tactique des corsaires Dunkerquois.

LA TACTIQUE DES CORSAIRES DUNKERQUOIS

Les procédés de combat variaient suivant le tonnage des navires, et il est bien évident qu'une barque de 10 tonneaux, ne pouvaient pas employer la tactique qui convenait à un vaisseau de soixante canons.

Les corsaires importants, vaisseaux ou frégates, ne naviguaient pas isolément d'ordinaire. Les riches armateurs qui, seuls, pouvaient les équiper, s'entendaient entre eux pour former de véritables flottes, et c'est par groupes, par escadres, que se faisaient les croisières.

L'association était généralement formée avant le départ du port.

 Voici en quoi consisté une convention  « Pendant quatre mois  effectifs en mer,  tous  les prises el rançons qu'ils  pourraient faire, étant ensemble ou séparément, seraient partagées en la manière accoutumée suivant la  grandeur et force de leurs vaisseaux, et que s'il arrivait  que l'un d'eux eût le malheur d'être pris ou de se  perdre en quelque manière que ce soit, ou qu'il fût  obligé par voie d'eau, perte de mâture ou autres  accidents de rentrer en ce port ou quelqu'autre pour  s'y rétablir el remettre en état de continuer sa course, » ils ont expressément convenu eue la Société subsistera,  sans qu'aucun cas prévu ou imprévu y puisse donner  la moindre atteinte. Et que celui des deux vaisseaux  qui sera en état de tenir la mer croisera pour compte commun pendant les dits quatre mois effectifs en mer ; bien entendu que celui qui aurait été maltraité par  mauvais temps, par combat, perte de mâture ou autre événement, ou encore, qu'il fût obligé de venir prendre  des vivres et par ces raisons ou toute autre, de perdre  du temps dans le port, le vaisseau susdit de relâche, sera tenu d'achever les quatre mois effectifs en mer  pour le compte commun de la susdite Société, quand  même l'autre serait de retour dans le port après avoir  croisé quatre mois effectifs, et même désarmé ». 

Quelquefois aussi, le pacte était conclu en pleine mer.  

En troupe aussi importante, les corsaires devaient: être irrésistibles, et de fait, les prises étaient nombreuses, lorsqu'ils naviguaient ensemble.  

Quand ils étaient en groupe, les corsaires avaient rarement à livrer bataille. Les navires de commerce ennemis fuyaient devant eux, ou se rendaient sans coup férir, et ils évitaient eux-mêmes avec soin les escadres ennemies qui auraient pu leur en imposer. De 1710 à 1712, nous ne trouvons pas un seul rapport relatant les combats d'une flottille corsaire.

Certes, quelques années plus tôt, Jean Bart, Forbin, et d'autres encore, avaient livré de véritables batailles rangées ; mais en ces circonstances, les commandants agissaient sur les ordres du Roi, avec les vaisseaux du Roi, et non pas pour le compte d'armateurs particuliers. Or, l'esprit du commanditaire influait naturellement sur la marche de l'expédition.

 Tous les combats n'étaient pas  bénins   et généralement une rencontre n'allait pas sans faire quelques victimes.  

 Pendant l'année 1710,  sur onze  combats terminés avec effusion de sang, on  comptait 15 morts et 66 blessés.

C'est peu, si l'on songe que l'effectif des combattants, sur les 162 corsaires dont nous avons compulsé les dépositions, s'élevait a plusieurs milliers d'hommes.

 Si les combats étaient relativement rares et peu meurtriers, c'est que les capitaines faisaient leur possible pour les éviter. C'est une erreur en effet de croire que la majorité des corsaires étaient d'humeur batailleuse. Equipés par des commerçants dans un but intéressé, ils, cherchaient logiquement à faire des prises fructueuses: plutôt qu'à livrer de glorieuses batailles, et pour eux un combat n'était pas une bonne opération.  

  Les armateurs,  en sollicitant des lettres de marque, en fournissant goélettes et frégates d'un armement coûteux, entendaient d'abord faire une bonne opération commerciale ; aussi les capitaines auxquels ils confiaient leurs intérêts cherchaient-ils à faire moins des prouesses militaires que des prises fructueuses.

La tactique était presque toujours la même. On se postait sur le passage habituel des navires de commerce; on s'embusquait aux carrefours des grand-routes maritimes  et dès qu'une voile était en vue, on manœuvrait pour s'en rapprocher. Ami, ennemi ou neutre, tous devaient s'arrêter et se faire reconnaître dès que le corsaire en faisait « la semonce » et hissait lui-même son pavillon.  

 Lorsque le navire arraisonné hissait le pavillon ennemi et faisait mine de fuir ou de résister, le corsaire faisait usage de son artillerie pour le forcer à la soumission.

Mais dans le plus grand nombre des cas, le navire de commerce ne cherchait pas à échapper el s'empressait de mettre sa chaloupe à la mer pour aller lui-même présenter, au capitaine visiteur, ses passeports et ses connaissements. Il avait en effet à faire une double preuve: d'abord celle de la nationalité neutre du navire, et ensuite celle de sa cargaison, car le pavillon ne couvrait pas la marchandise.

Les corsaires étaient d'un naturel méfiant et ne se contentaient pas des pièces qu'on venait ainsi leur présenter lorsqu'elles étaient défavorables à leur convoitise. Ils mettaient eux aussi leur chaloupe à la mer pour aller perquisitionner à bord du bâtiment, et ils découvraient souvent dans les cachettes les plus bizarres les papiers authentiques établissant la nationalité ennemie d'un navire pour lequel on leur avait d'abord présenté des passeports neutres.  

Un grand nombre de navires de commerce avaient plusieurs séries de pièces, pour se prévaloir de la nationalité que les circonstances exigeaient.

 Un navire de bonne prise était aussitôt amariné ou rançonné.

Amariner un navire consistait à faire passer une partie de son équipage sur le capteur qui remplaçait par ses propres hommes les prisonniers ainsi enlevés. Le  commandement de la prise était donné à l'un des officiers du corsaire, avec mission de faire voile pour le premier port de France.  

Dès que la prise était amarinée, les coffres, armoires et chambres étaient fermés ainsi que les écoutilles et les panneaux de cale. Il s'agissait en effet d'empêcher le pillage.

  Les prises amarinées arrivaient tant bien que mal au premier port français, où avait lieu la liquidation.  Lorsque, pour une raison quelconque, le corsaire ne pouvait-pas amariner la prise, il la rançonnait.

 Le prix de la rançon était souscrit en Un billet payable à l'ordre du capitaine, et négociable comme un effet de commerce.

Quelques otages emmenés prisonniers servaient de caution. Un sauf-conduit pour le port le plus proche était remis par le corsaire au navire qui ne pouvait pas être rançonné deux fois pendant le même voyage.

Les navires ennemis n'étaient pas les seuls susceptibles d'être capturés ou rançonnés par les corsaires français ; les navires français eux-mêmes étaient de bonne prise lorsqu'ils avaient passé ne fût-ce que quelques jours au pouvoir d'un ennemi. C'était le droit de recousse.

 Capturer les navires, les amariner, les rançonner, étaient chose aisée pour les corsaires d'une certaine importance qui, dans un abordage, pouvaient accabler leur adversaire sous le nombre de leurs soldats. Mais comment les barques minuscules dont nous avons parlé tout à l'heure, ces lougres dé 10 à 15 tonneaux, mal équipés de quelques pierriers, montés par quelques poignées d'hommes, comment ces bateaux sans valeur pouvaient-ils dominer et capturer les navires de commerce?

 En général, les petits corsaires ne se risquaient pas à attaquer l'ennemi. Ils suivaient patiemment quelque puissant navire de guerre ou quelque flottille armée en course ; et lorsque ces forces imposantes avaient jeté le désarroi dans un convoi marchand, ils se lançaient à la poursuite des fuyards et capturaient sans difficulté les navires que d'autres avaient mis hors de combat.  

 Tous ces corsaires quand les circonstances l'exigeaient,  savaient se battre ;   dans des combats toujours habiles, souvent rusés, quelquefois héroïques

 

 

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