VISITE A DUNKERQUE PRESIDENT LOUBET ET TSAR NICOLAS II 1901

 

L’ARRIVEE DU PRESIDENT LOUBET

17 septembre 1901 A quatre heures (du soir) précises, le train présidentiel entre en gare.
M. Loubet est reçu à sa descente par M. Mougeot( sous-secrétaire d’état), tous les sénateurs et députés du Nord, le préfet du Nord, le sous-préfet de Dunkerque, M. Dumont, maire.
L'arrivée du Président de la République est saluée par des salves d'artillerie.
Les conseillers généraux font au président de la République une chaleureuse ovation. M. Loubet se rend alors dans la cour de la gare, où a lieu la remise des décorations : 

 le président fait des officiers de la Légion d'honneur et des Chevaliers de la légion d’honneur. Le président remet ensuite la médaille d'or des sauveteurs à M. Evrard, patron du canot de sauvetage de Gravelines et un certain nombre de médailles militaires.
Le cortège se forme, escorté par les gendarmes et un escadron de cuirassiers, étendard en tête, pour se rendre à la sous-préfecture. Malgré l'inclémence du temps, les rues sont noires de monde. Tous les balcons, toutes les fenêtres sont garnies d'une foule enthousiaste qui, sur tout le parcours, ne cessera pas de crier : « Vive Loubet ! Vive la République ! » .
Les Dunkerquois se sont surpassés. A son arrivée à la sous-préfecture, M. Loubet est reçu par la femme et la fille du sous-préfet qui lui offrent une magnifique gerbe de fleurs. Avant de quitter la sous-préfecture, M. Loubet remet au maire 1.000 fr. pour les établissements hospitaliers, et, au sous-préfet, 500 fr, pour les familles des naufragés.
On se rend ensuite à l'inauguration de l'hôtel de ville. Après avoir traversé un premier bassin, le cortège s'engage dans la rue de Paris, à l'entrée de laquelle se dresse l'arc de triomphe des sapeurs-pompiers, entièrement compose d’objets et d'engins appartenant au matériel de sauvetage contre l'incendie : haches seaux de toile, casques, cordes, tuyaux, mêlés à des drapeaux.
La rue de Paris forme une voûte multicolore ; les mâts qui supportent les drapeaux sont décorés d'écussons où alternent les armes de Dunkerque, les aigles russes et les lettres R. F. Entre les maisons sont tendus des fils où pendent des pavillons russes et français qu'agite la brise.
Place Vauban et rue Royale, la plupart des maisons sont pavoisées ; un habitant a placé sur sa façade un grand panneau de toile où l'on voit un soldat français et un soldat russe, d’un dessin naïf et sincère, se donnant la main avec une cordialité extrême. La Marseillaise succède à la Marseillaise; tous les cinquante mètres, on rencontre une musique ; l'une d'elles, tant la foule est compacte a dû s'installer sur les marches d'un manège de chevaux de bois. On dirait, à voir ces musiques si nombreuses, que toutes celles du département se sont donné rendez-vous à Dunkerque. Il y a là échelonnées le long du parcours, les musiques communales de Dunkerque, - d'Hazebrouck, de Saint-Pol-sur-Mer, de Gravelines, de Malo-les-Bains, de Coudekerque-Branche, - de Loon-Plage, de Bergues, d'Hondschoote, de Saint-Omer, de Rosendaël, etc.. et il y aussi la fanfare des mineurs de Noeux et les Mélomanes de Furnes.
A l’entrée de la rue Alexandre-III, trois pyramides de toile peinte supportent les aigles russes. Des banderoles qui se réunissent par quatre à des chaises en forme de couronnes suspendus au milieu de la rue retombent en dessinant de gigantesques dais de gaze mauve, blanche, rose et rouge. Des étoffes tricolores recouvrent les balcons, des drapeaux français et russes flottent aux fenêtres et bien que le soleil ne brille pas et que le temps soit fort gris cette orgie de couleurs vives est charmante à voir. La place Jean Bart, où se dresse la statue de l'illustre corsaire que Dunkerque tient pour son plus glorieux enfant est décorée à profusion de drapeaux fixés à des mâts ou aux fenêtres, de palmes, de guirlandes de fleurs de papier, de ballons roses et jaunes et de lanternes vénitiennes.
De la place Jean-Bart on aperçoit, dominant de sa masse haute et noire, le beffroi carré eu sommet duquel flotte un immense drapeau et d'où partent quatre cordages chargés de pavillons de toutes couleurs qui descendent obliquement jusqu'aux maisons. La rue de l'Eglise est, comme la rue de Paris, transformée en une voûte tapissée d'étoffes aux tons chauds et voyantes et d'écussons aux armes impériales de Russie.
Les rues transversales ne sont guère moins ornées que celles que suit le cortège et presque toutes montrent un "arc de triomphe, partout la foule est énorme et partout elle acclame l'armée avec ardeur.

 L’INAUGURATION DE L’HÔTEL DE VILLE

Le nouvel Hôtel de Ville que le président de la République va inaugurer n'a pas été pavoisé afin qu'on pût mieux admirer son élégance, ses proportions harmonieuses, la richesse et sa décoration sculpturale, sa curieuse architecture de briques rouges et de pierre blanche, la sveltesse de son beffroi.

  Sur la façade, se détache un remarquable bas-relief représentant, dans un fond de mosaïque turquoise à semis d'or, Louis XIV à cheval, Louis XIV qui réunit Dunkerque à la France.
M. Loubet gravit lentement le vaste escalier d'honneur, les yeux fixés sur une vaste verrière ou, en couleurs joyeuses et claires, est figuré le retour de Jean-Bart. à Dunkerque, après sa première victoire qui fut marquée par de précieuses et nombreuses prises.
La salle des fêtes où le président se rend ne fait pas moins que la façade honneur à l'architecte M. Louis Cordonnier ; ses hautes boiseries de chêne, ses plafonds à caissons les portes, ses grilles de fer forgé ont fort grand air et sont dignes d'un palais.
C'est dans la salle d'honneur où se presse la foule des invités que M. Loubet se rend au milieu des acclamations. Le maire de Dunkerque lui adresse un long discours dans lequel il remercie le président d'avoir honoré de sa présence l'inauguration de l'hôtel de ville : Grâce, dit-il, à votre présence. Monsieur le président, et à celle des deux membres du gouvernement que vous avez bien voulu convier à assister avec vous à la cérémonie d'inauguration de notre hôtel de ville, la solennité dont nous sommes les heureux témoins, dépasse de beaucoup les espérances les plus brillantes que nous eussions jamais osé concevoir. Notre nouvel Hôtel- de-Ville, ne saurait mieux s'ouvrir au milieu de visages favorables à la veille du jour où les cœurs français s'uniront dans un même sentiment de joie patriotique.
Le président répond : Je me réjouis de venir ici dans des circonstances particulièrement favorables, alors que je viens saluer le souverain du grand pays fidèle allié de la France. Je lui transmettrai les témoignages de sympathie et de respect dont vous vous êtes fait l'écho. Il en sera touché comme moi-même. A Dunkerque, par toutes ces manifestations. Il pourra se convaincre que la France est unanime à voir dans le rapprochement de plus en plus intime des deux peuples, la garantie de sa sécurité et de sa grandeur.
Le président se fait présenter l'architecte du monument, M. Cordonnier, qu'il félicite de son œuvre magistrale.
Le cortège se reforme pour faire la visite des bassins.
A 5 h30 il était de retour à la préfecture.
A 6 h30, le chef du protocole, se rend à l'hôtel du consulat de Belgique où est descendue la mission chargée d'aller saluer le président, au nom du roi Léopold. Cette mission, a été introduite auprès du chef de l’État, qui avait à ses côtés MM. Waldeck-Rousseau, président du conseil ; Le président de la République a retenu les membres de la mission à dîner.
Dans la soirée La ville est illuminée. Les Dunkerquois se sont surpassés. L'escadre mouillée à Malo-les-Bains inonde la ville de ses projections électriques. La foule des invités se presse dans les salons de l'hôtel de ville, où a lieu le bal d'inauguration. les illuminations sont vraiment très belles et très réussies. On danse place Jean-Bart, autour de la statue du héros dunkerquois. Aucun incident n'a marqué cette journée dont la note dominante sont les acclamations populaires qui ont accueilli Loubet.

L’ARRIVEE DU TSAR
Le 18 septembre A 7 heures, le président de la République, escorté par des cuirassiers, arrive. Les honneurs lui sont rendus. Il est accompagné de M. Waideck Rousseau, . Il est reçu à la descente de voiture par le président de la chambre de commerce et le maire, à l'entrée de la tente élevée sur le quai. Puis viennent au devant de lui, MM. Fallières, Deschanel . Il serre les mains de tous, et, après quelques minutes d'entretien s'embarque sur le Cassini. Le pavillon personnel du président est hissé immédiatement au grand mât.
Le Cassini quitte le bassin et gagne le large. Les acclamations éclatent de toutes parts :« Vive Loubet vive la République ! » C'est du délire. Les troupes restent sur place, attendant le retour, dont l'heure sera fixée par les éléments.
En quittant le dernier bassin et en passant devant le phare, l'amarre du remorqueur s'est rompue. Le Cassini a dû revenir dans le bassin, d'où il est reparti avec 40 minutes de retard, sans nouvel incident.
Quand le Standart et les bâtiments russes sont en vue, il est 8 heures.
Vers 9 heures, le Cassini va à la rencontre, à 10 milles environ de Dunkerque et à 13 milles de Gravelines. Le Cassini stoppe à 1,300 mètres environ et échangé des saluts avec le Standart, qui porte à son mât de misaine le pavillon français. L'état de la mer ne permettent pas le transbordement, le Cassini vire et le Standart s'avance dans le sillage jusqu'en rade de Dunkerque, où ils mouillent. 
 Les Majestés impériales renonçant à quitter le yacht, M. Loubet se rend sur le Constantine, à bord du Standart, qui a hissé aussitôt le pavillon impérial. La musique joue la Marseillaise. Le Standart salue de vingt et un coups de canon.
 
LA REVUE NAVAL 

  Les estacades est et ouest et les jetées sont noires de monde. Les musiques régionales sont groupées sur le parcours du bassin.
Au moment où le Standart passe entre les lignes, les escadres sont disposées parallèlement à la côte. Le Bouvines, qui est à l'entrée de la deuxième ligue, face à la digue et le Galilée, qui est à l'extrémité de cette digue, face à la jetée terminus de Malo-les-Bains. Cette deuxième ligne comprend, dans l'ordre suivant : le Bouvines, l'Amiral-Etrehouart, le Valmy, le Jemmapes, le Bruix, le Dassas et le Galilée. La première ligne, qui fait face, comprend le Masséna, le Formidable, le Courbet, le Charles-Martel, le Bouvet, le Jauréguiberry, le Dupuy-de-Lôme, le Surcouf. A la gauche du Bouvines, face à la mer, sont les sous-marins. Le vice-amiral Ménard est à bord du Masséna et le contre-amiral Penhan à bord du Bouvines. Au fur et à mesure que le Standart passe devant chacun des navires, les marins, à la bande, poussent les hourras et les cris de : « Vive la République ! » réglementaires. Les musiques des navires amiraux jouent l'hymne Russe et la Marseillaise. Le Standart file rapidement, en raison de l'état de la mer, qui est toujours houleuse. L'aspect de ces forces imposantes, les cris répercutés par les échos, les salves de canons, les sonneries de cloches, les acclamations de la foule massée sur la plage, tout cela forme un spectacle vraiment émouvant.

 
A midi trente, la revue navale est terminée. Le président Loubet, qui porte en sautoir le grand cordon de Saint-André, prend congé de Leurs Majestés Impériales, L'empereur Nicolas l'accompagné jusqu'à la coupée, entre la double haie de la compagnie de fusiliers marins qui rend les honneurs militaires. A ce moment, les escadres et les croiseurs Russes tirent les salves réglementaires. L'état de la mer n'a pas permis le transbordement des souverains à bord du Cassini.

LA RÉCEPTION  A LA CHAMBRE DE COMMERCE
Il est midi quarante quand le Cassini, salué par une salve de vingt-un coups de canon, quitte la rade et, conduit car un remorqueur, pénètre dans l'écluse Trystram, qui commande l'entrée des bassins. L'éclusage dure environ un quart d'heure, l'opération de l'accostage au débarcadère, dure à peu près autant, et il est une heure quand le Cassini amarre. Le président quitte le navire salué par les sept cris de : « Vive la République! de l'équipage, et par la Marseillaise, jouée, suivant le nouvelle orchestration, par la musique du 110e de ligne.
Quand le Cassini avait passé devant la jetée, noire de monde, la foule avait longuement acclamé M. Loubet et poussé des vivats en l’honneur de la Russie ; car tout le monde était convaincu que les souverains russes étaient avec le président. Même les musiques militaires, prolongeant la méprise, jouèrent l'hymne russe qu'elles interrompirent pour exécuter la Marseillaise. En quittant le Cassini, le président a trouvé au débarcadère pour le recevoir, les autorités locales, avec lesquels il s'entretient, en attendant l'arrivée du Standart.

  
A 1 h 30 une salve de 21 coups de canon, tirée par l'escadre française, annonce que le yacht Standart, qui est mouillé en rade depuis la fin de la revue navale, a levé l'ancre et pénètre dans le port. Tout autour des bassins, des troupes d'infanterie présentent les armes; les tambours et clairons battent et sonnent aux champs; les musiques jouent l'hymne russe ; les curieux, dont le nombre s'est encore accru sur la jetée, poussent des acclamations enthousiastes. . Autour du débarcadère, les honneurs sont rendus par le 110e régiment d'infanterie, avec musique et drapeau, par le 13e cuirassiers avec l'étendard et par deux pelotons de gendarmerie.
A 2 heures Le Standart entre dans le bassin d'évolutions sur lequel est la chambre de commerce. L'équipage du yacht impérial salue la terre française; de formidables hourras, répondant aux acclamations de la foule. Le Standart porte trois pavillons : au mât d'avant le drapeau français, au mât du milieu, le drapeau impérial russe. Le tsar, en uniforme d'amiral russe, la poitrine barrée du grand cordon de la légion d'honneur, est sur le pont, suivant la manœuvre très longue qui doit amener à quai le Standart. L'impératrice en noir, toilette très simple, est assise à côté du tsar.
L'opération de l'accostage dure près d'une demi-heure. Quand le Standart approche du quai, la musique du yacht impérial joue la Marseillaise que le tsar et tous les officiers russes écoutent debout, faisant le salut militaire. Enfin, le Standart est à quai ; il est 2 h. 20, mais le tsar, avant de descendre, passe en revue l'équipage du Standart et fait ses adieux à ses matelots. 
 Il est prés de 2 h30, quand apparaît l'impératrice. M. Loubet, qui porte le grand cordon de Saint- André, s'avance et lui baise la main, Le tsar apparaît derrière l'impératrice, souriant, la main tendue à M. Loubet. 
 Des acclamations formidables fusent, M. Loubet offre son bras à l'impératrice ; le tsar se place à sa gauche, et aussitôt commencent les présentations.
Au moment où le cortège va se former, le maire, M. Dumont, offre aux majestés impériales le pain et le sel, suivant la coutume russe, sur un plateau d'argent et une brioche de seigle sous laquelle se trouve une salière en cristal, contenant le sel blanc. Le tsar se montre très touché de cette attention. Enfin, le cortège se forme. M. Loubet donne le bras droit à l'impératrice et le tsar se tient à sa gauche. Au moment où les souverains russes et le président de la République vont pénétrer dans la chambre de commerce, Mme Dumont, femme du maire de Dunkerque et Mme Nancey, femme du sous-préfet, leur offrent de magnifiques gerbes de fleurs.

M. Dumont, maire de Dunkerque, présente les neuf dames de Dunkerque qui leur offrent un poisson en argent et des gerbes de fleurs. Une d'elles s'avance vers la tsarine et lui dit: « Que Votre Majesté daigne accepter cet hommage des femmes des marins Dunkerquois, » Et toutes font une gracieuse révérence. Le tsar et la tsarine leur sourient avec amabilité et les délégués se retirent très fiers d'avoir vu accepter leur présent. Après un court arrêt dans les salons a eu lieu le déjeuner.
La chambre de commerce est brillamment décorée d'une profusion de tentures, de faisceaux de drapeaux et de plantes vertes du plus bel effet.
Deux salles à manger ont été installées dans les halls, à gauche et à droite du vestibule. La table d'honneur est dressée dans la salle de gauche, ornée de tapisserie d'Arras. Au total : 100 convives dans chacune des salles.


Le train présidentiel quitte Dunkerque en début d’après du quai du bassin Freycinet en direction de Compiègne.
Extraits de la presse nationale du 19 septembre 1901

Gravée au revers de la dédicace: «À Madame / Marie Leroy»







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