LES ILLUSTRES CORSAIRES DE DUNKERQUE " Le chevalier de Saint Pol Hécourt"
Il fut le fidèle compagnon de Jean Bart et, après le décès de ce dernier, il continua avec succès des croisières de course sur la marine royale jusqu'au jour où il trouva la mort dans un glorieux combat.
Le chevalier de Saint Pol descend d'une ancienne famille de Bretagne, dont plusieurs membres prirent part aux croisades sous Philippe-Auguste et Saint-Louis. Dès le commencement du XIVe siècle, les de Saint Pol se fixèrent en Normandie et dans l'Ile-de-France, où ils se divisèrent ensuite en plusieurs branches.
Pierre de Saint Pol, capitaine dans le régiment de Piémont en 1642, épousa, le 20 janvier 1651, Louise Marie de Saint Pol, sa cousine germaine.
De ce mariage naquirent trois fils : Pierre, seigneur de Lesmondans; François, chanoine régulier de l'abbaye d'Oirvaux, prieur des Granges-le-Roy, et Marc-Antoine, qui fait l'objet du présent article.
Marc-Antoine de Saint Pol est né en 1665, probablement, sur le territoire de l'ancienne paroisse de la Briche, aujourd'hui commune de Souzy-la-Briche(Commune de l’Essonne).
Il entra dans la marine dès l'âge de quinze ans.
En 1681 il est nommé lieutenant de la galère la Syrène.
En 1682 et 1683 il prit part aux bombardements d'Alger.
En 1684 aux affaires de Gênes, en mai il commande la galiote à bombes « la Brulante ».
En1685 il participe à la campagne contre les Barbaresques.
En 1690 Dans le combat du cap Beveziers, capitaine en second sur l'Ardent, il fut grièvement blessé au bras.
En 1691 le 1er Janvier Il est nommé au grade de lieutenant de vaisseau ayant débuté dans les escadres de « du Quesne » et « de Tourville ».
Il prit une part active à la campagne du large et se fit remarquer pendant le combat de la Hougue.
En 1693 le 1er janvier Il est promu capitaine des vaisseaux du roi, après deux ans seulement dans le grade de lieutenant de vaisseau. Il n'avait que vingt-huit ans. Il fut alors affecté au département de Dunkerque et y resta attaché jusqu'à sa mort.
La flotte de Tourville comptait soixante et onze vaisseaux de ligne, au nombre desquels il faut compter le Glorieux que Jean Bart commandait.
Ce dernier, après le désarmement de son vaisseau à Toulon, revint à Dunkerque en septembre et le Roi lui donna le commandement de six frégates ramener en France une flotte chargée de blé.
Le 15 décembre, il livrait combat à plusieurs bâtiments de guerre ennemis et rentra à Dunkerque avec deux d'entre eux.
De Saint Pol, jeune officier plein d'ardeur, avait vu Jean Bart rentrer au port après de brillants succès en mer et son désir devait être vif de servir sous un chef aussi hardi et aussi habile.
Une place honorable était d'ailleurs vacante parmi les commandants, compagnons de Jean Bart.
Le désir du chevalier de Saint Pol n'allait pas tarder à être réalisé, car le 2 mai 1694, de Pontchartrain envoyait à Jean Bart la « liste des officiers de marine choisis par le Roy pour servir sur les vaisseaux que Sa Majesté fait incessamment armer au port de Dunkerque. »
Le commandement de la frégate le Mignon, armée de quarante-quatre canons, était donné à de Saint Pol.
L'escadre confiée à Jean Bart se composait en outre du Maure, de cinquante-quatre canons, commandé par Jean Bart;
- du Fortuné, de cinquante-deux canons, capitaine de la Peaudière ;
- du Gerzé, de quarante quatre canons, capitaine de Pontac
- du Comte, de quarante canons, capitaine d'Oroigne.
- de l'Adroit, de quarante-quatre canons, dont le commandant était Salaberry de Benneville.
- l'état-major du Mignon était composé :
- du chevalier de Saint Pol Hecourt, capitaine ;
- du chevalier de Marcilly, lieutenant ;
- de Masongne de la Sablière, enseigne de vaisseau,
- de Bruyères ;
- de Bery, enseigne en second,
- lieutenant de Pontmarrois ;
- de Chassefer, lieutenant de frégate légère.
Le 29 mai, Jean Bart reçut son instruction pour sa navigation dans les mers du Nord avec son escadre. Il lui était prescrit d'entraver la pêche des Hollandais, de capturer les bateaux charbonniers anglais expédiés de Newcastle, mais, avant tout, il devait ramener en France un convoi de grains attendu avec une vive impatience, en raison de la famine dont notre pays était alors frappé.
On ajoutait aux bâtiments indiqués ci-dessus, deux flûtes le Bienvenu et le Portefaix, qui devaient aller prendre à Dantzig du blé pour le compte du roi.
Le 27 juin, l'escadre de Jean Bart mit à la voile et sortit de Dunkerque,
Le surlendemain, 29, Jean Bart étant à la hauteur du Texel, découvrit une flotte de plus de cent voiles; c'était le convoi de blé qu'escortaient huit vaisseaux de guerre hollandais. Tous les capitaines réunis en conseil « furent du sentiment qu'il fallait les attaquer s'il y avait du bled pour la France. » Pour augmenter ses forces offensives Jean Bart résolut de mettre en ligne, outre ses six frégates, la flûte le Portefaix, dont il donna le commandement à de Court de la Bruyère, lieutenant de vaisseau, son second, sur le Maure.
Jean Bart n'hésita pas à combattre.
C'est avec raison que l'on a dit que l'action de Jean Bart fut importante, glorieuse et utile à la France. Jamais combat ne fut si vif, si bien concerté, ni mieux exécuté, avec des forces très inférieures. Il battit l'ennemi, le prit, mit le reste en fuite, sauva le convoi et revint triomphant.
Toutes les histoires navales font mention du combat du 29 juin et en indiquent les principales péripéties.
Dans sa lettre du 3 juillet, Jean Bart dit que le Mignon commandé a pris un vaisseau de cinquante pièces de canon.
Le 11 juillet, il marquait que les officiers sous ses ordres « ont fait tous parfaitement leur devoir et qu'on ne peut montrer plus de capacité et de valeur, que tous les capitaines qui les commandaient ont fait en cette occasion.
Le Mignon aborda deux fois, la première, ayant un trop grand air, il ne put tenir, et comme celui auquel il avait à faire voulut bien être abordé, à la deuxième il l'enleva ; le capitaine et le lieutenant hollandais sont fort blessés; un enseigne et un garde marine du Mignon y ont été aussi blessés.
Dans les premiers jours de novembre seulement, Jean Bart reçut l'ordre de prendre la mer, pour aller chercher en Suède un convoi de bâtiments chargés de blé. Il avait toujours son pavillon sur le Maure et était accompagné du Gerzé, capitaine de Pontac, du Mignon, capitaine de Saint Pol, de l'Adroit, capitaine Salaberry de Benneville, et du Comte, capitaine de Court de la Bruyère.
Dès que la nouvelle du départ de Jean Bart parvint en Hollande, la terreur qu'il inspirait à ses ennemis redoubla. Vingt-deux navires de guerre furent lancés à sa poursuite, mais il parvint à leur échapper.
Sorti de Dunkerque, avec ses cinq frégates légères, suivant sa coutume, il arriva promptement à la hauteur de l'île de Schouwen.
Ayant aperçu à l'ancre la flotte des pêcheurs d'Ecosse escortée par deux vaisseaux de guerre, il l'attaqua et en prit une partie, l'autre, s'étant jetée dans l'Escaut, s'était sauvée à Goes. Les bâtiments de guerre furent échoués et incendiés.
Ce nouveau succès de Jean Bart glaça d'épouvante Guillaume III qui était alors sur le continent et arrêta son départ pour l'Angleterre. Il attendit le retour du marquis de Carenarthen qui commandait l'escadre venue d'Angleterre pour l'escorter et ce ne fut que lorsqu'il eut appris de cet officier général lancé à la poursuite de Jean Bart, que notre escadre était remontée dans le Nord, qu'il fit route pour l’Angleterre.
Arrivé à Flekker, lieu de sa destination, Jean Bart y trouva vingt-six bâtiments du commerce chargés de blé. Au moment où il quittait le port pour effectuer son retour, le roi de Suède mit opposition au départ de neuf de ces navires qui battaient pavillon suédois, sous prétexte que des bâtiments de cette nation avaient été pris par des corsaires français.
L'amiral Schovel, avec une nombreuse escadre, tenait la mer pour s'opposer au voyage de retour de Jean Bart.
Mettant à profit la connaissance parfaite qu'il avait de toutes les côtes de la mer du Nord, il prit le parti fort dangereux, pour tout autre, de ranger la côte depuis le Texel. Il donnait ainsi à ses capitaines une leçon de choses dont nous verrons de Saint Pol profiter lui-même plus tard.
Les Alliés, ennemis de la France, avaient à cœur les échecs que leurs flottes avaient éprouvés sur nos côtes en 1694. Dunkerque était le principal point de mire de ces attaques
Lord Berkley, commandant la flotte de bombardement des alliés, se rendit devant Dunkerque le 1er août, Berkley, avec cent douze voiles, dont soixante entrèrent en action, trouva, pour le recevoir et le combattre,
le chef d'escadre de Relingue, avec Jean Bart,
les capitaines de l'escadre légère,
- de Saint Pol,
- Salaberry de Benneville,
- de Court de la Bruyère,
- de Pontac,
- Saint Clair,
- de Château-Renault ….
Tous se signalèrent à l'envi pour la défense de la place.
Jean Bart et son fils Cornil dirigeaient un feu terrible du fort de Bonne-Espérance, point le plus périlleux.
De Saint Pol secondait puissamment Jean Bart en dirigeant les chaloupes avec une grande intrépidité, jetant son grappin sur un brûlot déjà en partie incendié qui allait tomber sur ce fort et se chargeant de la dangereuse mission de changer sa direction, en allant l'échouer du côté de l'ouest.
C'est encore lui qui, à la tête de quatre chaloupes, soutenues par d'autres, vint aborder, malgré le feu de trois frégates qui la gardaient, une frégate de vingt huit canons échouée, écartant de son canon plusieurs embarcations ennemies qui le poursuivaient.
Bientôt les flottes des alliées durent se retirer; il n'y eut dommage que pour elles, malgré leurs douze cents bombes et leurs deux mille coups de canon.
Le 21 mars, Jean Bart était nommé commandement de l'escadre en formation à Dunkerque, Le même jour, Jean Bart recevait la liste des officiers appelés à composer les états-majors des bâtiments de son escadre.
Le Maure, Bart, capitaine, avec le chevalier de Luynes comme second;
le Gerzé, d'Oroigne, capitaine;
l'Adroit, Hurault de Villeluisant, capitaine;
le Mignon, chevalier de Saint Pol Hécourt, capitaine;
l'Alcion, chevalier de Saint Pierre, capitaine ;
le Comte de Salaberry de Bonneville, capitaine;
le Milfort, chevalier de Surgères, capitaine;
le X..., brûlot, chevalier de la Pomarède, capitaine.
La nécessité s'imposait de protéger un convoi de grains dont la France avait un pressant besoin et qui devait partir prochainement d'un des ports du Nord. Jean Bart fut désigné pour cette délicate mission et reçut l'ordre de prendre la mer, d'éviter l'ennemi ou de le battre et de ramener le convoi.
La composition de l'escadre ne fut pas modifiée, seulement de Court de la Bruyère, qui était capitaine en second de l'Adroit, fut appelé au commandement du Milfort, en remplacement du chevalier de Surgères.
L'état-major du Mignon se composait :
- du chevalier de Saint Pol Hécourt, capitaine ;
- marquis du Rivan, capitaine de frégate;
- chevalier de Thiersanville", lieutenant de vaisseau et capitaine de compagnie;
- de Nogent, lieutenant en second ;
- de Ballemanne, enseigne de vaisseau;
- Goureuf, enseigne en second.
Le soir du 17 mai, Jean Bart sortit audacieusement de Dunkerque, traversant vingt-deux vaisseaux de guerre anglais qui étaient mouillés hors des bancs pour, lui boucher le passage. Le 17 juin, vers sept heures du soir, après trente et un jours d'une croisière infructueuse, quatre-vingts navires du commerce furent aperçus au vent. Cinq vaisseaux hollandais" les escortaient. Les Français chassèrent alors les navires du convoi et en saisirent un certain nombre qui firent route pour la France, sous la conduite de corsaires Dunkerquois qui avaient rejoint l'escadre. Dès que les ennemis s'aperçurent qu'on brûlait leurs vaisseaux, ils chassèrent à toutes voiles sur l'escadre française; mais Jean Bart resta toujours en panne jusqu'à ce qu'il ait vu les quatre vaisseaux consumés ; ensuite, par une manœuvre des plus fières, et dont l'histoire fournit peu d'exemples, il fit voile pour gagner le dessus du vent, avec ses deux huniers seulement, et se retira devant eux, quoiqu'ils eussent toutes leurs voiles dehors.
A cette occasion Jean Bart transmit au ministre Pontchartrain sa plus vive satisfaction pour la valeur et la bonne conduite de ses capitaines au nombre desquels figurait le Chevalier de Saint Pol.
Le 30 septembre, toute l'escadre entrait dans le port de Dunkerque, où il était procédé à son désarmement. On fit alors remarquer au Ministre a que le Mignon n'était pas du tout propre pour les escadres de course, parce qu'il allait au plus près, dérivant beaucoup et que l'on avait éprouvé dans la dernière chasse qu'il n'allait guère mieux vent arrière.
Le 1er avril 1697, Jean Bart avait été fait chef d'escadre.
Louis XIV le choisissait pour lui confier une mission délicate et périlleuse, dans l'état de conflagration générale où était l'Europe. Il était chargé de conduire à Dantzig le cousin du roi, François-Louis de Bourbon, prince de Conti. C'était le candidat présenté par le roi de France aux électeurs polonais qui avaient à se choisir un roi pour succéder à Jean Sobieski, décédé le 17 juin 1696.
Jean Bart, laissé libre de choisir les navires dont se composerait son escadre, refusa de grands vaisseaux et se contenta de bâtiments plus légers, plus rapides, plus faciles à manier. Il désigna :
l'Adroit, sur lequel il mit son pavillon ;
le Gerzé, commandé par le chevalier de Saint Pol;
l'Alcion, capitaine de Court de la Bruyère ;
le Comte, capitaine de Saint Pierre,
le Milfort
la corvette la Railleuse.
En rentrant à Dunkerque, Jean Bart apprenait les traités signés à Ryswyk et la fin des hostilités qui duraient depuis 1689.
Jean Bart qui, depuis son retour avec le prince de Conti, remplissait à Dunkerque les fonctions de commandant supérieur de la Marine, montra le plus grand zèle pour assurer la défense de Dunkerque et préparer l'armement de l'importante escadre dont le commandement lui était réservé.
On lui destinait, en effet, huit frégates, huit galiotes à bombes et six galères.
Il devait monter un fort beau vaisseau de soixante dix pièces de canon le Fendant, nouvellement construit sur les chantiers du Havre. Dans les derniers jours de décembre 1701 Jean Bart se rendit dans ce dernier port, afin de présider lui-même à l'armement de ce navire le Fendant mouillait le 6 avril 1702, en rade de Dunkerque et Jean Bart, pour donner satisfaction au roi, prit les dispositions nécessaires pour le mettre en état de prendre la mer dès le 1er mai.
Les autres bâtiments de l'escadre, dont l'armement se poursuivait également, nécessitaient la présence continuelle de leur futur commandant en chef. Jean Bart qui s'était surmené pendant sa mission, au Havre, était très fatigué à son retour à Dunkerque. Mais réagissant, avec sa fermeté habituelle, il n'avait pas cessé, malgré la mauvaise saison, de montrer le même zèle actif pour donner satisfaction au roi.
Le 13 avril 1702, il fut contraint de remettre son service au chevalier de Saint Pol, le plus ancien des capitaines de vaisseau présents au port et de garder le lit, étant atteint d'une fièvre que l'on crut d'abord intermittente et légère et qui devint continue, violente et dangereuse. Le 15, on lui donnait l'Extrême-Onction. Après avoir laissé un moment d'espoir, Jean Bart expira le 27, entouré de sa famille et de plusieurs de ses compagnons d'armes, à la tête desquels se trouvait de Saint Pol, qui avait toujours été pour lui un ami fidèle.
Le chevalier de Saint Pol qui commandait les soldats et les marins, qui avaient pris les armes pour cette triste cérémonie, recevait, peu de jours après, une dépêche de de Pontchartrain lui disant : « Le Roy a approuvé ce que vous avez fait pour l'enterrement de M. Bart »
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Rapidement le chevalier de Saint Pol fut nommé chef d’escadre.
Ce compagnon de Jean Bart, allait bientôt continuer, dans des croisières aventureuses, l'école de Jean Bart.
Dans le courant du mois de janvier 1703, de Saint Pol monté sur l'Adroit (trente canons), et accompagné du Milfod (quarante canons), capitaine de Beaujeu, fit une première croisière heureuse, en s'emparant de deux bâtiments anglais dont un navire de guerre de trente-deux pièces. A la suite de cette affaire, le Roi le fit chevalier de Saint-Louis le 4 février 1703).
L'Adroit qui avait des avaries fut très promptement réparé et, conformément aux ordres de la Cour, de Saint Pol, reprit la mer le 18 février. Il avait pris sur l'Adroit, Cornil Bart, pour remplacer un officier débarqué. Un autre fils de Jean Bart, Jean-Louis, était également sur ce bâtiment à titre de volontaire. De Saint Pol avait demandé pour lui le grade de garde de la marine, mais comme il avait moins de seize ans, cette proposition ne put être acceptée.
De Saint Pol poussa sa croisière jusqu'à l'embouchure de la Meuse. Le 1er mars, après une série de mauvais temps, il fut poursuivi par deux bâtiments de guerre anglais, l'un de cinquante-six pièces, l'autre de cinquante. Serré de très près par ces forces supérieures, il rallia la côte, naviguant dans les bancs, à l'imitation de Jean Bart. Contrarié par le vent, il dut mouiller à la hauteur de Zuydcoote et y resta en perdition pendant onze jours, le temps étant devenu épouvantable, dit-il, dans son rapport de navigation.
Le 12 mars, il mouillait en rade de Dunkerque.
Dès le 19 avril, de Saint Pol reprenait la mer.
A la tête des frégates l'Adroit et le Milfort, l'une de trente, et l'autre de quarante canons.
De Saint Pol rentrait à Dunkerque avec son escadre le 23 avril.
Plusieurs dépêches renouvelèrent dans le courant du mois de mai, les témoignages de satisfaction donnés à de Saint Pol.
La répartition des prises faites par l'escadre pendant sa courte croisière, du 19 au 23 avril 1703, ne fut effectuée que le 15 février 1704.
L’ecadre ètait ainsi composé :
- L'Adroit avait une longueur de quille de cent dix neuf pieds. Il était armé de vingt pièces de canon de douze livres de balle, de dix-huit pièces de six, et de quatre de quatre livres. Son équipage était de deux cent soixante-dix-neuf hommes et de quinze mousses.
- Le Milfort avait une quille de cent trois pieds cinq pouces, vingt-deux canons, deux mortiers de huit livres, quatre canons de quatre, avec cent soixante-six hommes d'équipage et dix mousses.
- Les corsaires français étaient :
- la Driade,
- la Reined'Espagne,
- la Notre-Dame-de-Montaigu,
- la Palme-Couronnée,
- l'Espérance.
- Les bâtiments ennemis capturés étaient : le Salisbury, le Marchand-de-Moscou, le Jean, le Bording, la Fortune, le Saint-Pierre, la Bonne-Espérance, le Robert, Jean-leCigne, le Samuel et l'Elisabeth.
Le 9 mai, le Ministre adressa à de Saint Pol les Lettres du Roy contenant ses instructions et le nommant au commandement d'une petite escadre composée du Salisbury, de l'Adroit, du Milfort et du Ludlow.
Le Roi lui disait que cette situation lui était attribuée « parce que vous avez donné de votre valeur des marques ne laissant rien à désirer. »
Le 16 mai, une médaille d'or fut accordée par le Roi au maître d'équipage de l'Adroit sur lequel était de Saint Pol lors de la prise du Salisbury.
L'escadre avec laquelle de Saint Pol quitta Dunkerque le 3 juin, se composait des bâtiments suivants :
- Le Salisbury, cinquante canons, trois cent vingt hommes d'équipage, dont il avait pris le commandement;
- le Milfort, quarante canons, cent quatre-vingts hommes d'équipage, capitaine Damas de Marillac ;
- l'Adroit, trente canons, cent quatre-vingts hommes d'équipage, capitaine de Sève ;
- le Ludlow, trente canons, cent quatre-vingts hommes, capitaine de Roquefeuil,
- une corvette.
Trompant la vigilance de sept vaisseaux de guerre anglais l'escadre sortit par la passe de Zuydcoote, puis mit le cap au N E. Ayant évité, les premiers jours, de nombreux bâtiments ennemis, elle fut chassée
le 17, par six vaisseaux de guerre anglais auxquels elle n'échappa que grâce à une forte brume. Ayant été poussé jusqu'à la hauteur des Orcades, de Saint Pol résolut d'y chercher la flotte des pêcheurs de harengs.
Le 20, il prit un petit navire écossais chargé de bois qu'il fit brûler.
Le 21, il eût connaissance de treize bâtiments hollandais, dont cinq gros navires de guerre. Trouvant la partie trop inégale, il parvint à les éviter.
Le 22, à une heure du matin, à trois lieues de FairIsland, de Saint Pol donna la chasse à la flotte des haranguiers qu'escortaient quatre navires de guerre hollandais. L'ennemi s'étant mis en ligne au vent de la flotte des pêcheurs, le commandant français fit aussitôt le signal d'abordage.
De Saint Pol se louait beaucoup de la conduite de ses officiers et des gardes de la marine pendant le combat.
De Saint Pol avait donné le commandement de sa prise à Cornil Bart, mais ce vaisseau fut trouvé en si mauvais état qu'il fallut le couler.
Le 28, Saint Pol ayant appris par le patron d'un petit bateau écossais que la flotte des pêcheurs s'était réfugiée dans le port de l'île Bressay, fit route pour les îles Shetland, et établissant avec son escadre un véritable blocus de la côte, il empêcha la sortie des pêcheurs dont quatre ou cinq purent seuls gagner le large.
Le 29, MM. de Marillac et de Roquefeuil furent chargés de garder les passes nord et sud et Cornil Bart eut l'ordre de visiter avec trois chaloupes et deux canots tous les petits ports, depuis Bressay jusqu'au cap sud de l'île Mainland (Sumburgh Head), afin d'y brûler tous les bateaux de pêche qu'il y trouverait. Il parvint à en détruire trente-neuf, non sans avoir eu à vaincre la résistance qui lui fut opposée.
Le 30, de Saint Pol prit le parti d'attaquer les cent vingt busches mouillées dans le port de Bressay, sous le château. M. de Roquefeuil fut chargé de cette mission et alla s'ancrer à l'entrée nord du port, suivi de toutes les chaloupes de l'escadre. Malgré les efforts de deux mille hollandais qui s'étaient réfugiés dans le fort ou château, le commandant du Ludlow parvint à brûler cent huit bateaux pêcheurs.
Peu de jours après, de Saint Pol mit ses blessés et ses prisonniers sur le Woestuynckel et l'expédia à Dunkerque avec son premier rapport daté du 2 juillet 1703.
Le 4 juillet, il fit route pour la Norvège, afin d'y convoyer jusqu'aux îles qui forment la baie Byfiord, sur laquelle s'ouvre le port de Bergen, le Ludlow qui avait besoin d'être remâté.
Ayant ensuite remis au large, il vint avec le Salisbury et le Milfort croiser en vue de Buchan Ness (1), non loin de Peterhead, sur la côte d'Ecosse.
Le 11, le Salisbury prit un petit bâtiment écossais qui fut brûlé après le transbordement de son chargement sur les navires de l'escadre.
Un très fort coup de vent rejeta de Saint Pol sur la côte norvégienne et il alla mouiller, le 18, à l'entrée du canal de Bergen. M. de Roquefeuil, prévenu de son arrivée, lui fit savoir, le 24, que le gouverneur de Bergen ne lui avait pas permis d'aller mouiller devant cette ville, ce qui lui avait rendu très difficile et dispendieux la réparation de ses avaries.
Le 26, le gouverneur de Stavanger se rendit à bord du Salisbury pour inviter de Saint Pol à sortir des ports de Norvège.
Le 30, le Ludlow rejoignit l'escadre qui reprit la mer le 31 et retourna croiser entre Buchan-Ness et le Firth-of-Forth (Ecosse).
Le 3 août, de Saint Pol put échapper à la poursuite de neuf vaisseaux de guerre qui escortaient de nombreux bâtiments du commerce. Il parvint cependant à couler une grosse flûte. Dans la même journée, il s'empara du Joan-Slagh, navire hollandais de trente deux pièces, qu'il fit amariner par Cornil Bart, opération qui fut fort difficile en raison de la brume. De Saint Pol le dirigea sur un port de France sous le commandement du capitaine de flûte Vandermerch.
Le 9, de Saint Pol fut rejoint par l'escadre de de La Luzerne.
De Saint Pol, en officier discipliné, accepta d'agir de concert avec de La Luzerne,
Dans cette affaire, le rôle de de Saint Pol se borna à donner la chasse aux bateaux pêcheurs. Le lendemain, les deux escadres se séparèrent.
Elles restèrent cependant dans les mêmes eaux pendant quelques jours, croisant devant Aberdeen. De Saint Pol, se séparant alors définitivement de M. de La Luzerne, vint croiser entre la côte anglaise et le Dogger-Bank.
Malgré le mauvais temps qui le reprit sur le VoggerBank, de Saint Pol mouillait en rade de Dunkerque
le 14 octobre. En arrivant, il trouva des dépêches ministérielles le félicitant du résultat de sa campagne.
Le 23 octobre, ordre fut donné de désarmer l'escadre.
Le mois suivant, le Ministre demanda à de Saint Pol de lui adresser un projet pour l'armement d'une nouvelle escadre à former pour faire la course dans les mers du Nord. Notre capitaine de vaisseau s'exécuta promptement et il fit parvenir à la Cour un travail très complet
De Saint Pol avait pris le commandement supérieur de la marine à Dunkerque et, en cette qualité, il fut appelé à prendre des mesures, avec l'autorité militaire, pour assurer la défense de la place et protéger l'entrée du chenal que, d'après certains avis, les Anglais se proposaient d'obstruer en y coulant des bateaux chargés de pierres.
Dès le commencement du mois d'avril 1704, de Saint Pol reçut l'ordre de préparer l'armement de l'escadre de course, à laquelle on voulait adjoindre des corsaires particuliers. La pénurie du Trésor royal nécessitait ce mode de procéder, car il était même impossible de lui faire supporter la totalité de la dépense des bâtiments du roi.
Le roi autorisa de Saint Pol à accepter l'intérêt que les armateurs associés se proposaient de lui donner sur le profit des prises à faire. Cet intérêt que de Saint Pol, très généreusement, ne voulut pas conserver pour lui et dont il fit une distribution que « Sa Majesté a fort approuvée », disait de Pontchartrain dans une dépêche du 9 juillet.
L'escadre de de Saint Pol se composait des bâtiments suivants :
Le Salisbury, monté par de Saint Pol ;
le Gerzé, capitaine de Nesmond ;
le Milfort, capitaine de Marillac ;
la Médée, capitaine Cornil Bart ;
l'Héroïne, capitaine du Guay-Trouin (le frère) ;
l'Amphytrite, capitaine comte de Ferrière.
Cinq corsaires de Dunkerque devaient suivre l'escadre.
Malgré la présence devant Dunkerque de onze vaisseaux de guerre anglais, l'escadre sortit de la rade le 31 juillet au matin, et remonta dans le nord, jusqu'à la hauteur de Furnes, pour échapper à la poursuite des ennemis qui n'abandonnèrent la chasse qu'à la hauteur des bouches de la Meuse, où de Saint Pol était rendu le 1er août. Favorisé par un bon vent, il put, le 2, redescendre vers le Pas-de-Calais, ayant évité six vaisseaux de guerre hollandais.
Le 7, il prit deux bâtiments, dont un anglais de cinquante à soixante tonneaux, chargé de raisins de Corinthe, ayant quinze hommes d'équipage. Le second était un suédois que l'anglais avait amariné. Il était chargé de deux cent cinquante tonneaux de vin et eau-de-vie Ces deux prises furent dirigées sur Brest.
Le 12, étant à huit lieues ouest des Sorlingues et en avant de son escadre, de Saint Pol aperçut trois navires de guerre qui faisaient partie des convoyeurs de la flotte chargée de tabac de la Virginie. Après un combat d'une demi-heure, il s'empara de l'un d'eux, le Fowye, de trente-deux canons, avec cent cinquante hommes d'équipage.
Dans l'espoir de pouvoir combattre les autres navires de ce convoi, il se maintint dans les mêmes parages.
Le 14, à la pointe du jour, il vit apparaître sous le vent non, comme il le pensait, trois ou quatre bâtiments, mais quinze ou seize gros navires de guerre qui lui donnèrent vivement la chasse. Heureusement, une brume épaisse arrêta la course de l'ennemi que contrariait aussi un très mauvais temps.
Le 15, de Saint Pol eut connaissance de six navires dont deux étaient fortement armés. Il fit aussitôt signe de les chasser. Le combat ne tarda pas à s'engager. De Saint Pol lutta longtemps, mais sans réussir à le prendre, contre la Revenge de soixante-dix canons, quatre cent quatre-vingts hommes d'équipage, le même qui s'était battu avec du Guay-Trouin.
Pour s'échapper, le capitaine de ce navire, voulant s'alléger, jeta à la mer sa chaloupe et plusieurs pièces de canon.
Le comte de Ferrière, qui commandait l'Amphitrite, attaqua le Falmouth, navire de cinquante-deux canons avec deux cent quatre-vingts hommes d'équipage, et l'aborda, quoique la mer fût très grosse. Les ennemis se retranchèrent sur leurs gaillards et entre les ponts et tirèrent toujours de leur batterie basse pour couler le vaisseau français ; mais le feu que l'on fit des grenades et des fusils et le secours que Cornil Bart procura en venant aborder ce vaisseau, forcèrent les ennemis à amener leur pavillon.
Le comte de Ferrière donna, dans tout ce combat, des preuves de la plus grande valeur. Frappé d'un coup de fusil à la première décharge de l'ennemi, il ne quitta pas son pont, donnant toujours des ordres. Il mourut le lendemain de sa blessure.
De Saint Pol fit alors route pour Brest, où il arriva le 17 août, avec le Falmouth et trois prises.
Le 23 du même mois, de Saint Pol quittait la rade de Brest avec le Salisbury, le Gerzé, le Milfort et la Médée. Après avoir été chassé par une escadre de sept vaisseaux anglais et poussé par le mauvais temps jusqu'à l'entrée de la Manche, il ne put revenir, que le 7 septembre, en vue de l'île d'Ouessant, rendez vous qu'il avait donné à l'Amphitrite et à l'Héroïne, laissés en réparation à Brest. Il prit alors, le parti d'établir sa croisière non loin du cap Clear, promontoire insulaire du sud-ouest de l'Irlande. Le 11, il donna la chasse à un bâtiment anglais qu'il força à s'échouer en vue du fort de Baltimore. Ne parvenant pas à le renflouer, il le brûla, malgré la résistance des riverains qui blessèrent plusieurs des nôtres. Ce bâtiment, de cent cinquante tonneaux, était armé de six canons et chargé de sucre et de coton.
Le même jour, la Médée prit un navire marchand, la Succession, de cent cinquante tonneaux, armé de douze canons, avec vingt-six hommes d'équipage. Il était chargé de sucre, de coton et de gingembre.
Le mauvais temps persistait et, le 15, le Gerzé signala qu'il faisait beaucoup d'eau ; comme il ne pouvait continuer la campagne, de Saint Pol résolut de prendre avec lui la route de France et de le convoyer jusqu'aux côtes de Bretagne. Le même jour, de Saint Pol échappa à la poursuite de sept vaisseaux de guerre anglais et, le 16 septembre, il était à trente lieues à l'ouest d'Ouessant.
La nuit suivante, une tempête de vent d'ouest rejeta l'escadre dans la Manche et elle ne put reprendre sa croisière entre les Sorlingues et le cap Clear que le 1er octobre.
Le 3, elle prit deux petits bateaux anglais servant de découvertes à l'escadre anglaise, qui, partie de Gibraltar le 25 août, regagnait les ports anglais.
Peu de jours après, de Saint Pol, dont les vivres touchaient à leur fin et en raison des réparations indispensables qu'exigeaient ses bâtiments, principalement le Salisbury qui faisait eau, regagna le port de Brest.
Le 6 novembre, à la pointe du jour, de Saint Pol quittait Brest avec le Salisbury, l'Amphitrite et l'Héroïne. Le 7, sous le cap Lizard, il fut chassé par quatre gros navires anglais qui ne purent l'atteindre.
Il ne resta pas longtemps dans les parages des Sorlingues. Un coup de vent de sud-ouest le repoussa dans la Manche le 14 et, ce même jour, il put reprendre aux anglais, qui venaient de s'en rendre maîtres, une prise faite la veille à du Guay-Trouin.
Le 16, il était à trois lieues de Calais et il profita d'un corsaire du Havre pour envoyer à Versailles son journal de navigation.
Entré le lendemain dans la mer du Nord, il s'empara, après une courte lutte, d'un navire de Flessingue, armé de vingt canons, avec cent vingt-cinq hommes d'équipage. Il portait le nom de Prince-Eugène et était de nouvelle construction. Comme c'était un très bon voilier, de Saint Pol lui forma un équipage et l'adjoignit à son escadre.
Du 18 au 25 novembre aucune rencontre ne fut faite.
Le 7 décembre, trois flûtes hollandaises, de quatre cents à cinq cents tonneaux, furent prises, ainsi qu'un dogre. Ces captures, faites en vue de trois forts navires de guerre, donnèrent lieu, en raison du vent régnant et du mauvais état de la mer, à des manœuvres délicates dans lesquelles Cornil Bart se distingua particulièrement.
Après avoir été encore contrarié par le temps, de Saint Pol était, le 19 décembre, par le travers de Nieuport d'où il expédia son journal .
Le 20, il reprit sa croisière entre la Meuse et la Tamise. Le 22, il se trouvait par le travers d'Ostende et y donna la chasse à cinq frégates de Flessingue de trente-deux, trente et vingt canons, mais elles furent sauvées par un calme qui arrêta la poursuite.
Le 23, étant en vue du château de Douvres, il força à amener son pavillon une frégate de Flessingue de seize canons, avec trente-sept hommes d'équipage.
Le 25 décembre, se trouvant à la fin de ses vivres et de son eau, l'escadre mouillait en rade de Dunkerque.
Dès les premiers jours de janvier 1705, les bâtiments de l'escadre, ainsi que les prises faites par de Saint Pol, furent entrés dans le bassin et les équipages congédiés.
Le 25 avril, de Saint Pol informait le Ministre qu'il pourrait mettre à la voile du 15 au 20 mai.
Le 16 mai 1705, le chevalier de Saint Pol quitta la rade de Dunkerque avec
- le Salisbury (trois cent trente hommes d'équipage) qu'il commandait, ayant comme second le comte d'Illiers, capitaine de frégate ;
- le Protée (trois cent trente hommes d'équipage), commandant de Roquefeuil,
- le Ludlow (cent quatre vingts hommes d'équipage), commandant Hennequin.
- Plusieurs corsaires l'accompagnaient.
- La Reine-d'Espagne et le Triton, devaient le rejoindre
Le 18, de Saint Pol découvrit à sept heures du soir seize voiles qui venaient sur lui vent arrière, faisant route vers la Hollande. Elles ne purent être jointes que le lendemain matin par les vaisseaux du Roi. Elles étaient escortées par deux bâtiments de guerre hollandais, dont le plus grand avait cinquante huit canons, avec deux cent cinquante hommes d'équipage. Le Ludlow fut chargé de poursuivre les bateaux marchands pendant que le Salisbury et le Protée combattraient les navires de guerre. De Saint Pol attaqua vivement le plus fort des hollandais, dont il fit tomber les mâts de misaine et de beaupré et le mit ainsi hors d'état de lutter et de se sauver. Le Protée fit de vaines tentatives pour aborder l'autre ennemi, qui, après un combat de trois heures à portée de pistolet, parvint à s'enfuir, laissant le Protée fort désemparé avec ses manœuvres et ses voiles en lambeaux, ayant quarante hommes tués ou blessés. Le commandant de Roquefeuil était blessé légèrement à l'épaule. Six navires du commerce furent pris, mais on fut forcé de brûler, le soir du combat, le gros vaisseau de guerre hollandais qui n'était plus en état de tenir la mer.
Le 27 mai, de Pontchartrain s'empressait d'envoyer à notre chevalier les félicitations du Roi et lui exprimait le regret que lui causait la mort du chevalier de Marsillac, lieutenant de vaisseau, qui avait été tué à côté de de Saint Pol. Une médaille d'or fut donnée au pilote du Salisbury et les appointements de son maître canonnier furent augmentés.
De Saint Pol était invité à reprendre promptement la mer pour ne pas être bloqué dans la rade de Dunkerque. On ajoutait l'Héroïne à son escadre, sous le commandement de Cornil Bart.
L'escadre prit la mer le 17 juin, à destination de Brest, où elle n'arriva que le 5 août, étant restée en croisière jusqu'à cette époque. Le 30 juillet, de Saint Pol s'était emparé d'une petite frégate anglaise de trente canons.
Après avoir fait ses vivres et terminé des réparations indispensables, de Saint Pol, auquel le Triton fut donné pour renforcer sa petite escadre, reprit la mer le 6 septembre pour aller croiser entre les caps Ortegal et Finistère, afin d'en éloigner les corsaires ennemis et assurer
62 navires commerce venant de Saint-Domingue. Cette mission terminée, de Saint Pol revint à Dunkerque sans avoir fait de rencontre pendant sa traversée.
Le 30 octobre, la veille d'un de ses plus brillants combats, mais où il devait trouver la mort, le chevalier de Saint Pol sortit de Dunkerque sur son ancienne et chère prise anglaise, le Salisbury, avec quatre autres navires de guerre et cinq armateurs dunkerquois, pour aller croiser sur le Dogger-Bank, où il prit huit bateaux anglais chargés de morue.
Le lendemain, à la pointe du jour, de Saint Pol, resté dans les mêmes parages, découvrit un convoi de quinze bâtiments marchands venant de la Baltique, sous l'escorte de trois vaisseaux de guerre anglais, dont deux de soixante canons et le troisième de trente six. Cornil Bart fut chargé avec l'Héroïne et les corsaires particuliers de se rendre maître des bateaux du convoi, ce qu'il exécuta parfaitement.
Mais Le Triton, très mauvais voilier, se trouvait très en arrière. Malgré cela, de Saint Pol, se fiant à son courage et mettant le signal d'abordage, cingle, suivi des capitaines de Roquefeuil et Hennequin, sur la division ennemie. Prêt à accoster le Pendenis, bâtiment du commodore, au moment où il disait à ses gens « Enfants, à l'abordage », un coup de mousquet lui fit à la poitrine une blessure mortelle.
Le Triton, qui venait enfin de rallier, aida M. de Roquefeuil à s'assurer des deux vaisseaux anglais. Malheureusement, le chevalier Descoyeux eut le bras emporté par un boulet de canon et l'intrépide commandant du Triton ne survécut pas à cette blessure. Le capitaine Hennequin, du Ludlow, de son côté, s'empara du Sorlingue qui lui opposa une vive résistance.
Le Chevalier de Saint Pol, pendant le peu de temps qu'il vécut après sa blessure, fit de très belles exhortations aux gens de son vaisseau, en leur conseillant de continuer le combat avec la même fermeté, et les assura qu'il remonterait aussitôt qu'il serait pansé.
Le 3 novembre, l'escadre rentrait à Dunkerque avec ses prises et neuf cents prisonniers. Le corps du chevalier de Saint Pol était resté à bord du Salisbury.
De Saint Pol fut enterré le 6 novembre avec tous les honneurs militaires, dans l'un des caveaux de la chapelle Saint-Georges, de l'église Saint-Eloi.
En avril 1755, le corps du vice-amiral Cornil Bart fut placé dans le même caveau.
Lors des exhumations faites en 1783 et de la démolition, à la même époque, de la chapelle Saint George, les cercueils déposés dans les caveaux furent brisés, mais les corps enterrés plus profondément, après avoir été recouverts de chaux vive, restèrent au même emplacement.
D’après M. EMILE MANCEL
Dornegat hameau situé à la sortie ouest de Dunkerque Pris le nom de saint Pol sur mer lorsqu’il devint village, ce hameau possédait un estaminet « au Saint-Pol » certainement en mémoire du Chevalier illustre successeur de Jean Bart.