LA POMME DE TERRE dans" DUNKERQUE ET SA RÉGION" avant PARMENTIER

 


LA POMME DE TERRE dans" DUNKERQUE ET SA RÉGION" avant PARMENTIER  

Sur la foi des ouvrages de vulgarisation, voire même des images d'Epinal, le public s'imagine que la pomme de terre fut introduite en France par Parmentier sous le règne de Louis XVI.
Sans vouloir diminuer en rien le mérite de cet honnête homme qui s'efforça de répandre la culture de ce précieux tubercule, en démontrant que sa consommation n'était pas nocive pour la santé, nous pouvons nous insurger contre cette notion trop courante, et il nous semble intéressant de montrer aujourd'hui que la pomme de terre était cultivée et consommée dans notre région bien avant la naissance de Parmentier.
La pomme de terre à en croire les botanistes, plante originaire d'Amérique fut introduite et propagée dans l'Europe septentrionale vers la fin du XVIe siècle, par Philippe de Sivry et Charles de l'Escluse (Clusius) d'Arras.
En Italie elle était connue et cultivée en maints endroits bien avant 1580 comme aliment et pour la nourriture des bestiaux : Clusius dans son Histoire des plantes publiée à Anvers en 1601 déclare que Philippe de Sivry, Seigneur de Walhain, prévôt de Mons en Hainaut lui envoya deux tubercules au début de l'année 1588.
Dans son ouvrage, il publie deux figures représentant le tubercule et sa plante en fleur, qui sont de la plus remarquable exactitude.
D'autre part W. Raleigh en avait apporté des échantillons de la Caroline en Angleterre dès 1586.
Il paraît qu'à la fin du XVIe siècle, de l'Italie sa culture avait gagné certaines provinces du Midi et du centre de la France notamment le Lyonnais.
Mais le préjugé qu'elle produisait la lèpre nuisit beaucoup à son utilisation.
Dans notre région un texte authentique nous permet d'affirmer que la pomme de terre était cultivée dès le début du XVIIIe siècle.
Nous le trouvons dans la délibération du Magistrat de Dunkerque.
On sait que le clergé avait le privilège de percevoir la dîme sur les fruits de la terre : Ces dîmes étaient divisées en plusieurs catégories : grosses dîmes sur les céréales, menues dîmes sur les légumes, les produits des petites exploitations, dîmes anciennes qui se percevaient depuis un temps immémorial en opposition aux dîmes novales perçues sur des terres récemment défrichées, dîmes insolites ou extraordinaires appliquées à des produits qui jusqu'alors en étaient exempts.
Or en 1748, l'abbé de Bergues qui était décimateur des paroisses avoisinant Dunkerque, émit la prétention de percevoir la dîme sur les pommes de terre cultivées à Téteghem.
Cette commune faisant partie du territoire de Dunkerque, le Magistrat de cette ville s'inquiéta de cette prétention et nous trouvons la délibération suivante à la date du 13 Octobre 1748 :
« L'abbé de Bergues prétend prélever la dîme sur les pommes de terre. Il a commencé par la commune de Téteghem parce que l'Evêque d'Ypres y a droit au tiers de la dîme et qu'il espérait à l'aide de ce nom faire adopter le principe. Mais le Magistrat réclama et produisit un mémoire duquel il résulte que la pomme de terre a été introduite dans la commune de Dunkerque en 1659 lorsque cette ville était au pouvoir des Anglais, et qu'aucune dîme n'a été payée dans aucune paroisse jusqu'en 1747 que l'abbé de Bergues a fait cet essai à Téteghem.
La question fut discutée de nouveau à l'assemblée du 22 Novembre 1752. « Il y fut résolu que les censiers de notre territoire paieront la dîme des pommes de terre qui se trouveront plantées en pleine campagne et non sur celles qui se trouvent dans leur jardinage ».
Il est bien regrettable que le mémoire du Magistrat de 1748 ne nous ait pas été conservé in-extenso. En tout cas l'introduction par les Anglais en 1659 paraît très véridique.
Remarquons dans la délibération de 1752, le terme : les pommes de terre plantées en pleine campagne en opposition à celles qui sont cultivées dans les jardins. Ceci nous prouve qu'à l'époque il y avait déjà des champs de pommes de terre — autrement dit que le tubercule était cultivé « en grand ».
A côté de ce document authentique nous relevons dans une notice sur Petite-Synthe écrite en 1873 par l'instituteur Verbèke une autre version.
« Après un séjour de sept ans en Hollande, le nommé Dequidt de Warhem, revint visiter sa famille et apporta avec lui six tubercules de cette précieuse plante. Son frère Jean les planta dans son potager et il en récolta plus de six cents. L'année suivante il planta tout un parc et eut une récolte abondante. Il distribua des tubercules à toutes les personnes qui lui en firent la demande parmi lesquelles se trouvaient plusieurs jardiniers de Petite-Synthe.
La pomme de terre réussit à merveille dans le sol sablonneux de la commune et en 1730, pour égayer les soirées d'hiver on mangea à la croque au sel une patate (comme on disait alors) cuite dans les cendres.
»
Remarquons que cette version n'exclut pas la première. Mais une objection se pose aussitôt. S'agissait-il bien de pommes de terre ? Ne se serait-il pas agi de la patate, convolvulacée qui produit également un tubercule comestible ?
Et voilà une réponse satisfaisante.
Dans sa Botanographie, le botaniste Lillois François Joseph Lestiboudois déclare que son père Jean-Baptiste Lestiboudois a donné en 1737 un mémoire sur la pomme de terre — Solanum tuberosum — que l'on croyait être la cause d'une épidémie qui régnait. Elle fut reconnue innocente. Il a indiqué alors le premier de tous, les produits que l'on pouvait tirer de ce végétal intéressant ».
La pomme de terre est ici parfaitement identifiée. C'est bien le Solanum tuberosum — dont l'usage doit être assez répandu dans les environs de Lille puisqu'en 1737 on l'accuse de causer une épidémie.
Ce mémoire est de 1737 l'année même de la naissance de Parmentier.
Celui-ci se borne tout simplement à faire une active propagande pour la culture de ce tubercule si utile en cas de disette.
Malgré ses efforts la pomme de terre se répandit peu en France à la fin de l'ancien régime.
Dans sa remarquable statistique du Département du Nord — qui est en réalité l’œuvre de Bottin, le Préfet Dieudonné écrivit en l'an XII.
« Je remarque avec étonnement que ce n'est que depuis la Révolution que cette précieuse racine, s'est propagée dans le Département du Nord. Il y avait en 1789 des parties au Sud où sa culture était presque inconnue. Aujourd'hui encore on ne la cultive presque pas en plein champ mais seulement dans les jardins ».
Il est curieux de constater qu'au début du XIXe siècle la question de la pomme de terre était comme l'on dit « encore à l'étude » c'est ainsi que dans le Moniteur de 1809 à 1817 paraissent différents travaux sur sa culture, son utilisation, sa transformation en farine, etc.
Il ressort des travaux que nous avons consultés qu'à l'aurore du XIXe siècle on ne connaissait que le mode de cuisson sous la cendre. Personne n'avait donc songé à l'ébullition ? En tout cas, il est un point que nous ignorerons probablement toujours « quel fut l'inventeur des pommes de terre frites? qui sont encore si populaires. Il mériterait bien d'avoir sa statue à Montdidier en face de celle de Parmentier. 
 D'après le Dr L. LEMAIRE
Et d’après Ernest Roze : Histoire de la pomme de terre (1898)

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