LES PECHEURS D'ISLANDE : L'armement des navires.

 

L’armement des navires

A la fin de février ou au commencement de mars de chaque année, on procède à l'armement des navires.

Les frais d'armement d'une goélette pour la pêche de la morue à Islande, varient suivant son tonnage et le nombre de son équipage.  

Pour se couvrir de ces avances, l'armateur, en dehors de la vente des produits de la pêche, touche du Gouvernement une prime  pour chaque homme d'équipage, ainsi qu'une autre prime par 100 kilos de poisson pêché par son navire. Il doit faire entrer également en ligne de compte, à son avoir, la valeur des vivres et objets d'armement qui lui font retour à la fin du voyage. En résumé, la pêche d'Islande est généralement une bonne opération, qui a enrichi un grand nombre d'armateurs dunkerquois.

es vivres qui entrent dans les dépenses ci-dessus   se composent : de biscuit, de lard de pommes de terre, de beurre, n'oublions pas le sucre et le café et enfin de bière, de genièvre et d'eau potable. Tous ces comestibles et liquides sont renfermés dans des tonnes qui serviront, au fur et à mesure qu'elles seront vidées, à contenir la morue pacquée; d'autres tonnes contiennent le sel nécessaire à la première salaison du poisson; toutes sont marquées au nom de l'armateur.

Les principaux objets embarqués spécialement pour la pêche sont des haims (hameçons), des lignes et des plombs. Les haims ont environ douze centimètres de hauteur, depuis l'extrémité de leur tige jusqu'à la base de sa courbure  et celle-ci a une ouverture de six centimètres.  

  L'hameçon a cette particularité qu'il porte, à sa tige droite, un petit poisson en plomb, enfilé de bout en bout; de sorte qu'il paraît, après avoir avalé et évacué instantanément une grande partie de l'hameçon,   

Les lignes sont de solides cordes de la grosseur du petit doigt et d'une longueur variable (100 mètres environ). Ajoutez aux hameçons et aux lignes une provision de plombs qui vont, par leur poids, entraîner lignes et hameçons aux profondeurs voulues. 

Une autre somme,   figurant  dans la liste des frais d'armement,  c'est celle des avances faites à l'équipage. Quelques jours avant le départ, chaque homme reçoit, à titre d'avance sur  ses gages ou sa part, une somme qui varie  et dans laquelle figure la  prime que l'état accorde à chaque homme de l'équipage.

Si le capitaine est un "vieux de la vieille", un "chanceux", surtout un "grand gagnant", son travail est assez facile, car personne n'hésite à s'engager avec lui, du reste, s'il surgit quelque flottement, une gratification glissée adroitement entre plusieurs chopes met tout le monde d'accord. Quant à ses collègues, ils peuvent "dégourdir leurs jambes" et doivent être solides pour prononcer maints discours, et absorber des apéritifs digestifs ou des chopes, offertes d'abord par lui, ensuite par les marins qui veulent "rendre la politesse" ou sceller le marché.  

L'époque de l'année, durant laquelle se pratique l'embauchage, est l'âge d'or des cabarets, tant du Quai des Hollandais, depuis le "Grand Homme' jusqu'au "Retour des Islandais" que du Quai de la Citadelle avec l'estaminet du "Ponton". 

Cet argent, attendu comme le Messie, arrive aussi on ne peut plus à propos pour faire taire les « brigands de créanciers » et renflouer un crédit il sert également à ouvrir des négociations avec le boulanger qui, pendant l'absence du pêcheur, délivrera chaque semaine, à la femme et aux petits, un nombre débattu de livres de pain.