LES CRIS DE LA RUE A DUNKERQUE: La marchande de crevettes.
Warm garnars may you ! Voulez-vous des grenades chaudes?
A la marée montante, elle est allée chercher ces tendres crustacés qu'elle vient maintenant proposer aux gourmets. D'une voix forte et claire, elle lance à toute volée son refrain joyeux, sorte de tyrolienne courte mais harmonieuse.
Écoutez comme elle module cet appel, avec quel art elle file le son final.
C'est que tout en elle est pittoresque. Tandis que les marchandes de harengs ou de maquereaux, gardent pour leur tournée, le costume de minck, notre pêcheuse fait un brin de toilette et prend une tenue plus cligne de ce mets aristocratique : la crevette.
Elle revêt son casaquin à fleurs, son châle clair aux franges soyeuses, « livrée jolie » s'il en fut, et orne ses oreilles de ces longs pendants d'or, larges a gouttes orfèvrerie qui faisaient jadis la gloire des bazennes. Légère et court-vêtue, elle s'en va, faisant gaîment sonner sur le pavé, le bois de ses « claquettes », curieuses sandales fourrées de laine, qui semblent ne tenir que par miracle et qu'un vulgaire mortel perdrait à chaque pas. A ses bras sont suspendus des paniers d'osier d'une propreté merveilleuse, où reposent les crevettes roses et fumantes. Warm garnars may y ou?
Qui veut des crevettes ? Personne. Deux sous la pinte! Je les donne. Un sou de plus je fais un tri. Qui veut des crevettes? Personne.
Warm garnars smory !
D'après Gabriel Le Bail
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