HISTOIRE DE DUNKERQUE " SOUS LA DOMINATION ESPAGNOLE 1516/1658

 

Dunkerque sous la domination Espagnole.

Charles Quint (1500/1558) qui est né à Gand Capitale du comté de Flandre hérite en 1506, au décès de son père, des différents duchés formant les Pays-Bas.
En 1516 à la mort de Ferdinand II d’Aragon Charles Quint devient Charles 1er des Espagnes. Les Pays –Bas deviennent espagnols. Ils couvrent : La Hollande, la Zélande, l’Artois, la région de Namur, la Flandre et le littoral jusqu’à Gravelines.
En 1520 se rendant en Allemagne pour se faire couronner empereur, Charles V, Roi d'Espagne et Comte de Flandre, vint visiter Dunkerque à l'Hôtel-de-Ville, il prêta le serment exigé des comtes de Flandre par la charte de 1297. Le peuple assemblé lui jura, à son tour, fidélité et dévouement. Charles-Quint revint plusieurs fois à Dunkerque dans le cours de son règne. Il attachait à cette place une importance extrême. Nous le voyons, à quelques années d'intervalle, ordonner la construction d'un phare, d'un château-fort destiné à défendre l'entrée du port, d'une batterie au nord-est de la ville. Il fait aussi restaurer les jetées, construire des quais et nettoyer le port. Ce fut lui encore, à ce qu'il semble, qui institua l'amirauté, sorte de tribunal maritime ayant des pouvoirs assez étendus. Il crée quinze maîtres de port pour veiller à la police maritime. Il autorise les habitants à former, sous le nom de corporation de Sainte-Barbe, une compagnie de canonniers, ou, comme on les appelait alors, des couleuvriniers. Trois à quatre cents busches se livraient à la pêche du hareng qui était alors très prospère. La course était loin d'être délaissée. Les Dunkerquois, fidèles à leurs plus vieilles traditions, s'y consacraient avec ardeur et pourchassaient surtout les vaisseaux français dont leur pêche avait à souffrir à cette époque.
En 1556 Charles-Quint, voulant finir sa vie dans un monastère, se retira au couvent de St-Just en Espagne, laissant le trône à son fils Philippe II.
L'ère des grandes guerres entre la France, la Hollande, l'Angleterre et l'Espagne, se trouvait déjà ouverte. Sauf quelques répits passagers, c'en est fait pour longtemps du repos des Flandres.

En 1558, la rupture d'une trêve avec l'Espagne amène sous les murs de Dunkerque, une armée française de treize mille hommes de pied et de quatre mille cavaliers, commandée par le maréchal de Thermes, gouverneur de Calais. L'émoi fut très vif dans la place. Les fortifications étaient en mauvais état ; la garnison insuffisante et indisciplinée. Les Français postèrent une batterie sur l'une des dunes au sud-ouest et, en quelques heures, une brèche fut ouverte dans la partie de l'enceinte située entre le canal de Bergues et l'arrière-port. Les bourgeois firent preuve du plus grand courage. Mais la brèche s'étant élargie, le gouverneur espagnol jugea bon de capituler. Il obtint pour la garnison la faculté de se retirer avec armes et bagages. Quant aux habitants, il les abandonna à l'entière discrétion du vainqueur. Celui-ci ne se montra rien moins que généreux. Le maréchal de Thermes laissa la Ville aux mains de ses soldats qui la saccagèrent de fond en comble. Rien ne fut respecté. L'hôtel-de-ville, l'hôpital, l'église, les couvents, tout fut détruit ; la population, maltraitée. Les barques des pêcheurs furent incendiées.

Les Espagnols ne tardèrent pas à tirer vengeance de cet affreux désastre. Une armée de secours sous les ordres du Comte d'Egmont se dirigea sur Dunkerque. Le maréchal de Thermes se porta à sa rencontre et lui livra bataille sur les bords de l'Aa, près de Gravelines. L'armée française, inférieure en nombre, fut taillée en pièces, après une résistance acharnée.
Cette victoire rendit Dunkerque à l'Espagne. La Ville sortit promptement de ses ruines par la bienveillance de Philippe II, qui lui confirma ses anciens privilèges, en concéda de nouveaux, accorda des secours en argent, fit remise des dettes, enfin accorda l'autorisation d'établir une loterie.
Il affranchit aussi les habitants des dépenses que leur occasionnait l'entretien d'une garnison ; les clefs de la Ville furent remises au Magistrat. L'église Saint-Eloi, grâce à un impôt spécial prélevé sur les produits de la pêche,(Article dédié le saint filet) le fut entièrement reconstruite en 1572.
Depuis un certain nombre d'années, la Réforme religieuse, partie du cœur de l'Allemagne, avait gagné de proche en proche jusqu'en France et en Hollande et pénétré dans les Flandres. La tolérance en matière de foi n'était pas dans les mœurs du siècle. Philippe II crut devoir couper court à la propagation du protestantisme par des mesures d'une rigueur excessive. Les Pays-Bas furent ensanglantés par de violentes persécutions religieuses. Le duc d'Albe, en particulier, nommé gouverneur de ces provinces, se signala par une longue série d'exécutions et de confiscations.
L'Inquisition ne paraît pas avoir beaucoup sévi à Dunkerque, où les croyances étaient stables. Il y eut cependant quelques poursuites qui aboutirent à des condamnations capitales. Mais, en se prolongeant, ce régime de terreur et d'exactions exaspéra les populations placées sous la dépendance de l'Espagne et détacha coup sur coup de la monarchie espagnole la Hollande d'abord, ensuite les principales provinces wallonnes et flamandes.
Une confédération, dont le prince d'Orange, Stathouder de Hollande, était l'âme et le chef, se forma à Gand en 1576. Les députés du Hainaut, du Brabant, de l'Artois et de la Flandre traitèrent avec les Hollandais. Toutes les villes maritimes de la Flandre occidentale se soumirent à l'autorité des Etats-Généraux. Dunkerque adhéra au traité d'alliance et, remise avec Gravelines et Nieuport aux mains du prince d'Orange, elle fut occupée par les Hollandais.
La discorde se glissa rapidement dans le camp des Confédérés ; leurs intérêts étaient trop divers, parfois même opposés. Leur union ne dépassa pas quelques années. Dunkerque avait fini par prendre en horreur sa garnison hollandaise qui se livrait à toute espèce de malversations. C'est alors que le prince d'Orange, voyant les Flandres lui échapper, leur conseilla de se mettre sous la protection du Roi de France. Les Etats-Généraux, à son instigation, nommèrent Comte de Flandre, François, Duc d'Anjou, frère d'Henri III (1582). Ce prince manquait de finesse pratique. Quoique plein d'ambition, il ne sut pas tirer le moindre parti de la situation qui lui avait été faite. Par des mesures impolitiques, il s'aliéna maladroitement le coeur de ses sujets. Un moment, les Etats-Généraux voulurent proclamer sa déchéance. Un traité qu'il passa avec eux l'obligea d'évacuer toutes les villes occupées par ses troupes, hormis Dunkerque qu'il voulait habiter.
Il en fit en effet sa résidence, mais ce ne fut pas pour longtemps. Le Duc de Parme, nouveau gouverneur des Pays-Bas et général très habile, se présenta devant la place au mois de juillet 1583, avec un corps d'armée assez nombreux. Bien que la garnison fût très forte, le Duc d'Anjou, à l'approche de l'ennemi, s'enfuit sans vergogne sur un navire et gagna Calais. Après son départ, le gouverneur, démoralisé, résiste très mollement aux Espagnols et capitule le troisième jour du siège avec les honneurs de la guerre. Dunkerque rentrait ainsi sous la domination du Roi d'Espagne. Amnistie pleine et entière fut accordée aux habitants.
Le Duc de Parme, comprenant l'importance de Dunkerque, fit réparer le port très endommagé pendant les derniers temps et encouragea les armements des particuliers. La course prit alors de sérieux développements. Les Dunkerquois, montés sur leurs câpres, embarcations légères et rapides, parcoururent les mers et désolèrent le commerce de la Hollande en guerre avec l'Espagne. Les Hollandais, atteints dans leur trafic, source principale de richesse pour eux, essayèrent plus d'une fois de réduire les corsaires de Dunkerque à l'impuissance. Ils bloquèrent successivement le port avec une flotte, tentèrent d'en fermer l'entrée en coulant dans la rade des bateaux chargés de pierres, voulurent surprendre la place par un débarquement clandestin, incendier les navires du port au moyen d'un brûlot. Toutes leurs tentatives furent déjouées, ou ne produisirent que d'assez minces résultats. Hardis et entreprenants, les marins de Dunkerque échappaient aux croisières et continuaient, malgré tout, de dévaster les mers avec un bonheur et une intrépidité sans égale. Parmi les plus illustres, il faut citer, à la fin du seizième siècle et au commencement du dix-septième, Michel Jacobsen, appelé de ses concitoyens « le Renard de la mer », qui devint grand amiral de Flandre, Charles et Jean Dauwère, Mathieu Rombout, Michel et Jacques Colaert, Jean Jacobsen et Jacques Dekoster. Les deux derniers trouvèrent la mort dans des circonstances très glorieuses. Entourés par des forces supérieures, ils refusèrent de se rendre aux Hollandais et se firent héroïquement sauter avec leurs bâtiments.
(Article dédié aux Corsaires enfants de Dunkerque pour la période Espagnole.)
Les prises importantes que rapportaient ces vaillants navigateurs enrichirent prodigieusement la Ville de Dunkerque. En quatre ans, la vente des captures de Michel Jacobsen, produisit à elle seule une somme, énorme pour l'époque,
Philippe II mourut en 1598, laissant ses grands états à son fils Philippe III, et donnant les Pays-Bas et la Flandre à sa fille Isabelle qui épousa le prince Albert, Archiduc d'Autriche. De cette façon, la Ville de Dunkerque fut une seconde fois soustraite à la domination espagnole, sous laquelle elle ne rentra qu'en 1621, à la mort de l'Archiduc.
La mort de Philippe II ne modifia en rien la situation générale. La lutte se poursuivit, ardente et acharnée, entre l'Espagne et la Hollande jusqu'en 1609. Le 14 avril de cette même année, sous l'intervention du roi de France, Henri IV, une trêve fut conclue à Anvers entre les deux adversaires, épuisés l'un et l'autre par trente-sept années de combats.
Les Dunkerquois profitèrent de cette accalmie pour se livrer au commerce et à la pêche. La Ville devint, avec le consentement de l'Angleterre et de la Hollande, le lieu de transit et l'entrepôt du trafic qui se faisait entre ces deux puissances. Il se fit, pour la première fois, des armements pour la pêche à la baleine. Des relations commerciales s'établirent avec la Moscovie. La prospérité, toujours croissante de la Ville, attirait une foule d'étrangers. Un certain nombre d'entre eux se fixèrent dans la partie de la cité qu'on appelait alors basse-ville. En 1610, le Magistrat obtint de l'Archiduc Albert la confirmation du droit pour les habitants d'établir des raffineries de sel. Afin d'exonérer la population du lourd fardeau des logements militaires, on construisit en 1612 de vastes casernes avec le produit des droits perçus sur les navires à l'entrée et à la sortie. Vers la même époque fut creusé le canal qui sert à écouler par Dunkerque les eaux des Moëres. Il débouchait alors dans l'arrière-port. A l'expiration de la trève conclue avec la Hollande (1621), les hostilités recommencèrent. Les courses maritimes des Dunkerquois reprirent plus actives que jamais, apportant, comme par le passé, de très
beaux profits à la Ville et à ses habitants. L'état de guerre ne suspendit pas les travaux d'agrandissement et d'assainissement. Une grande écluse de 26 pieds de largeur, fut installée sur l'emplacement de l'écluse  de l'arrière-port.


 De 1635 à 1638, on exécuta le canal de Dunkerque à Furnes. L'écluse de Kesteloot qui faisait communiquer ce canal avec le port, date de la même époque. La population se trouvait depuis longtemps à l'étroit dans sa première enceinte.
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 En vue d'y remédier, on créa une nouvelle ceinture de fortifications qui comprenait douze fronts bastionnés en terre avec quelques demi-lunes et un ouvrage à cornes placé à l'est du chenal. En 1644, le fort Léon(Le gouverneur de Dunkerque s'appelait don Pedro de Léon.) fut construit sur la rive gauche du port qui était en outre protégé, du côté de la mer, par un grand fort élevé à Mardyck; ce dernier relié lui-même, au moyen d'une estacade, avec un fortin sur pilotis à la mer nommé le fort de bois.
Par l'importance qu'elle avait acquise au point de vue militaire et maritime, la Ville de Dunkerque excitait depuis longtemps les convoitises de la France. Deux fois, en 1635 et en 1637, Richelieu avait combiné l'attaque de la place avec le concours des Hollandais, nos alliés, mais rien de sérieux ne fut tenté contre elle. Il était réservé au cardinal Mazarin de faire aboutir les projets de son prédécesseur. En 1644, les Français s'emparèrent de Gravelines et l'année suivante du .que leur reprit quelques temps après, par surprise, le gouverneur de Dunkerque, Fernando de Solis. En 1646, ce fort tomba de nouveau, après 17 jours de siège, aux mains de l'armée française commandée par Gaston d'Orléans, frère du Roi. S'étant rendus maîtres aussi de Bourbourg, de Bergues et de Furnes, les Français enveloppaient maintenant Dunkerque comme une proie qui ne pouvait leur échapper.
Au mois de septembre, le duc d'Enghien, plus tard prince de Condé, déjà célèbre par maintes victoires, vint investir la place. Son armée était forte de 15.000 hommes. Il avait sous ses ordres les maréchaux de Gassion et de Rantzau. En confiant les opérations du siège à un tel général, Mazarin montrait tout l'intérêt qu'il attachait à la prise de Dunkerque. Une flotte franco-hollandaise, sous la direction de Martin Tromp, lieutenant-amiral de Hollande, tenait la mer, bloquant l'entrée du port. Le gouverneur de la place était alors Guillaume de Leede, un ferme et vaillant vieillard. La garnison comprenait 3000 hommes de troupes et 5000 marins et bourgeois. Avec sa vigueur et son entrain habituels, le Duc d'Enghien imprima aux travaux d'approche une très grande célérité. L'ennemi fit deux tentatives pour secourir Dunkerque. Une fois sur la plage, à marée basse. Une autre fois à mer haute avec des « bélandres » et autres petits bateaux. Il échoua dans les deux cas. La garnison fit une brillante résistance. Jusqu'à la fin, elle disputa vaillamment le terrain aux soldats français, bouleversant nos travaux, multipliant les retranchements qu'il fallait enlever de vive force. L'attaque ayant été poussée jusqu'à la contrescarpe, Guillaume de Leede se résolut à capituler. Le 11 octobre, Dunkerque ouvrit ses portes. Les troupes espagnoles furent escortées jusqu'à Nieuport. Les deux généraux en chef, qui s'étaient rencontrés sur la route, s'embrassèrent et assistèrent au défilé des régiments français qui entraient dans Dunkerque.
Le maréchal de Rantzau fut le premier gouverneur français de Dunkerque. Il employa tous ses soins à faire aimer des habitants l'administration française. Le Comte d'Estrades, son successeur, imita sa conduite.
La France, à cette époque, était déchirée par les troubles intérieurs de la Fronde ; ses forces s'affaiblissaient. Les Espagnols en profitèrent pour reprendre successivement Bergues, Bourbourg, le Fort de Mardyck et Gravelines. L'Archiduc Léopold vint ensuite assiéger Dunkerque (1652). Cromwell, Protecteur d'Angleterre, fit échouer une tentative de secours par mer. Les Français, n'ayant plus de vivres, durent se rendre, et de nouveau le marquis de Leede fut nommé gouverneur de la place. L'Espagne conserva encore Dunkerque pendant six ans.
Voulant réduire les Espagnols, Mazarin fit alliance avec Cromwell en 1656 (Convention de Westminster). L'Angleterre devait nous prêter le concours de sa flotte et envoyer un secours de six mille hommes. Mardyck et Dunkerque lui seraient livrées comme prix de cette alliance.
Mardyck fut emportée en 1657 et remise immédiatement aux mains des Anglais commandés par Lord Lockhart, neveu du Protecteur. Dès les premiers jours du mois de mai 1658, le gouverneur de Dunkerque, prévoyant l'orage qui allait fondre sur lui, avait fait ouvrir toutes les écluses pour inonder le pays. Ce fut donc à grand'peine que le maréchal de Turenne, qui dirigeait l'armée française, put amener ses troupes sous les murs de la place.
 
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Voir la bataille des dunes 14 juin 1658
Devenu possesseur d'une ville qu'il avait tant convoitée, Cromwell songea aussitôt à en augmenter la force défensive. Il n'eut pas le temps de mettre son dessin à exécution, car il
mourut au mois de septembre 1658. Charles II, Roi d'Angleterre, reprit son projet. Le corps de place fut amélioré. On. protégea les points faibles de l'enceinte par de nombreux ouvrages extérieurs. Un avant-fossé fut creusé au pied des glacis. Enfin, on construisit, une citadelle sur l'emplacement de l'ancien fort Léon.
Pendant qu'on travaillait encore à ces ouvrages, Louis XIV traitait en sous main avec Charles II le rachat de la Ville de Dunkerque. Les pourparlers furent conduits avec le plus grand
mystère par notre envoyé à Londres, le Comte d'Estrades. Un traité secret intervint le 27 octobre 1662 entre les deux souverains. Dunkerque était cédée à la France, avec tous ses forts et le matériel s'y trouvant, pour la somme de cinq millions de livres. A cette nouvelle, il y eut chez les Anglais une explosion de colère contre le Roi et contre lord Clarendon qui avait négocié la cession de la place. Le Parlement essaya, par tous les moyens en son pouvoir, de s'opposer à l'exécution du traité. Quant au gouverneur anglais et à ses officiers, malgré les ordres formels qu'ils avaient reçus, ils refusèrent, au dernier moment, d'évacuer la place. Il fallut des largesses pour les décider à s'embarquer. Le bailli de la Ville, Pierre Faulconnier, contribua de ses deniers à leur départ. Pour l'en récompenser, Louis XIV rendit la dignité de bailli héréditaire dans sa famille.
Après avoir si souvent changé de maître, la Ville de Dunkerque entrait enfin, pour n'en plus sortir cette fois, dans le sein de la grande famille française. Son sort sera désormais lié à celui de sa nouvelle patrie.

 

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