FORT-MARDYCK LA PECHE A PIED "la Vérotière"


  La Verotière

  L’épouse du pêcheur communément appelée : matelote   pratique la pêche à pied.  

Celle-ci est à tour de rôle :

la raison d'être des Vérotières.

La pêche aux poissons frais   qui se pratique  de début Octobre jusqu'au mois d'Avril, est faite au moyen de lignes et d’hameçons. L'amorce qu'on accroche à ces hameçons, se compose de fragments de maquereau qu'on a salés à la saison, de foie de bœuf, de coques  et surtout, ce qui est le mets friand des merlans, d'un long ver qui vit dans le sable, (l'arénicole des pêcheurs).

Le bateau qui part pour la pêche aux poissons frais comprend douze hommes. Chaque homme a à sa charge douze lignes de quarante-cinq brasses chacune et chaque ligne est garnie de cent hameçons. Pour amorcer,   on emploie un tiers de foie, un tiers de maquereau ou de coques et un tiers de vers. Chaque homme aura donc besoin de la quantité de vers nécessaires pour amorcer quatre cents hameçons et le bateau emportera quatre mille huit cents hameçons garnis de vers. 

Il est facile d'en déduire le nombre forcément très élevé de filles et femmes de pêcheurs qui vont aller chercher l'arénicole. 

La vérotière commence par être apprentie et s'exerce sur nos plages épuisées. C'est vers l'âge de quinze ans qu'elle débute et si elle est quelque peu adroite, à la deuxième campagne elle suivra sa mère, sa sœur aînée.

Le ver se prend à marée basse, surtout quand la mer se retire fort loin, dans les grandes marées ou marées de vive eau. A ce moment les vérotières peuvent arriver à faire deux marées par vingt-quatre heures : une de jour, une de nuit.

Légère et court vêtue, elles vont à grands pas. Cotillon court et souliers plats pour être plus agile.

Le vêtement qu'on ne voit pas se compose d'une chemise de flanelle, quelquefois assez longue, d'autrefois se terminant à la taille. La chemise est retenue par un pantalon de molleton descendant jusqu'aux genoux et y emprisonnant un gros bas de laine. Un corsage chaud, un jupon de flanelle rouge, recouvert par une jupe de grosse toile grise, un mouchoir de laine serré autour de la tête et cachant presque le visage, complètent avec des souliers en cuir souple le vêtement de la Vérotière.

Son équipement comprend une petite bêche ou « pâlot » à fer rectangulaire, de quinze centimètres de hauteur environ sur une dizaine de largeur, et de petits seaux en bois ou de paniers en fer peint. Au départ, le pâlot est porté en sautoir au moyen d'une ficelle, et les paniers à la main. En sautoir également ou autour de la taille se porte un mouchoir de laine dans lequel se trouvent roulés des tartines de pain beurré et un tricot.

 L'heure du départ varie avec l'heure des marées. Si la Vérotière doit être de bonne heure sur la plage.

 Le sable est encore mouillé, la mer se retire à peine et elle est là, dans le demi-jour brumeux de l'automne, parfois par une froide brise de vent de nord, penchée sur le sable, épiant ces petits tas de ficelle qu'a formés le ver à la surface et qui lui indiquent où il siège. Pas de bruit, car le ver fuit rapidement, des coups de bêche précipitamment donnés pour ne pas le perdre, ne pas le couper, se baisser vivement au point parfois de tomber à genoux dans ce sol détrempé, se hâter, car la mer va monter bientôt : voilà le travail absorbant, fatiguant, que va accomplir la vérotière pendant deux longues heures. 

  Quand son travail est achevé, elle en a pris cent cinquante. Pour attraper  un ver, il faut quatre coups de bêche ;   dans le laps de temps de deux heures, cette femme s'est baissée deux cents fois, et que lorsqu'elle a terminé ce travail, elle a encore une longue route à faire pour rentrer chez elle.

Avant de quitter la plage, la Vérotière lave ses vers et leur rend un peu d'eau afin de pouvoir les livrer en bon état. 

 Cette femme fatiguée ne se reposera pas en rentrant au logis. Elle va trouver le mari qui,rentré de la mer, l'attend pour ramener ses cordés à la maison, en décrocher le poisson, les amorces qui ne peuvent servir une seconde fois, redresser les hameçons et haquer à nouveau précipitamment pour repartir en mer si le temps sert bien.

Et vous verrez alors la vérotière avec un tablier de toile ou un morceau de ciré  attaché à l'opposé de l'endroit où cela se met d'ordinaire, se plier en deux pour porter sur le dos une lourde manne chargée de cordes mouillées, retenue par une ficelle qui passe devant la poitrine, à hauteur des épaules, au-dessus des seins.

Cela se renouvellera du mois d'Octobre au mois d'Avril époque à laquelle, après six mois de pêche au frais, le bateau désarmera pour aller pêcher la morue dans les mers du Nord et permettre à la vérotière de devenir pêcheuse de crevettes ou sarcleuse.

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