VICTOR DE COURMACEUL LA PECHE D'ISLANDE 3 LA PECHE

  LA PÊCHE D'ISLANDE

Poème par Victor de COURMACEUL.(1855)

1- Le départ-
2- la tempête-
3- la pêche-
4- le retour-

LA PÊCHE.
Il est sauvé ! Le feu s'est éteint, maîtrisé ; 

Sous les débris fumants, l'équipage épuisé 

Cache les traces de l'orage, 

Et, sur l'aile du vent, des marins redouté, 

L'ouragan furieux, qui l'avait apporté, Au loin emporte le nuage.

Un souffle plus propice agite les agrès ; 

Le vaisseau s'achemine et serre de plus près 

 Les côtes de la blonde Islande ; 

 Le flot, se congelant sous l'haleine du Nord, Scintille en diamants, et, sculptant le sabord,

  Y cristallise sa guirlande.

La mouette, dont le vol lutte contre le vent, Effleure de son aîle, au sein du flot mouvant, 

 L'ours blanc qui grogne, et qui se lave ; 

et, chassant de leurs trous les rennes affamés.
Sur la glace qui boût, de ses flancs enflammés, L'Hécla fait ruisseler la lave.

Déjà l'oiseau vorace a traversé les mers ; 

 Avide à rechercher sa proie en ces déserts, 

 Il suit le vaisseau qui navigue; 

 Il espère une part du funèbre butin, 

 Et sa faim aiguisée, au lugubre festin, 

 Conduit son aile qui fatigue.

Soudain du haut des mâts du colosse flouant 

 Le marin qui sommeille, en s’éveillant entend 

 Le cri joyeux de la vigie : 

 Voilà donc ce parage, hélas! tant désiré, 

 Où l'habitant des eaux, dès longtemps émigré, Loin de l'homme se réfugie.

Sous l'eau fourmille, et vit tout un monde inconnu : L’églefin savoureux, et le Gade charnu,  

 Et le Capelan variable ; 

 Le Cachalot souffleur, l'intrépide Dauphin,

Le Morse au. cuir épais,  et le visage humain 

 Du Phoque rampant sur le sable; 

 Le Narval effroyable, à là dent d'éléphant,

 Qui secoue, en nageant, sous ses bonds de géant, Le sein des mers bouleversées ; 

 Et comme un grand rocher, glissant au milieu d'eux, 

 La massive Baleine, au ventre monstrueux, , 

 Le colosse des cétacés.

Allons! Prépare ton empile;

 Jette à la mer l'appât trompeur ; 

 Soutiens l'hameçon immobile ; 

 Courage ! Patient pécheur ! 

 Étends tes filets, dont la maille S'engageant sous la verte écaille, Retient le poisson prisonnier, 

 Et, prélude de ta victoire, 

Que, sous la saignante nageoire, S'enfonce ton dard meurtrier !

Pour poursuivre partout la proie, 

 Joins l'audace à l'agilité; 

 Unis au lin, comme à la soie, 

 Le crin au reflet argenté.
Attentif au plus léger signe, 

 Lève avec adresse ta ligne.  

 Et dépose à bord ton fardeau ;
Que l'amorce renouvelée, 

 Par le plomb pesant stimulée, 

 Replonge en tournoyant sous l'eau.
 
La Baleine, aux regards livides, 

 A côtoyé les lourds vaisseaux ; 

 Lance-lui tes harpons rapides, 

 Qui la suivront au fond des eaux !
Attends, pour l'attaquer encore , 

 Que, sur le flot qui se colore, 

Son sang revienne bouillonner, 

Et qu'après sa longue agonie 

 L'onde lentement aplanie

 Ait cessé de tourbillonner.

Sur son gigantesque cadavre, 

 Que la hache dépècera, 

 Le Goéland, que la faim navre, 

 A grands coups d’aile s'abattra.
Mais lorsque l'huile copieuse, 

 Et la dépouille précieuse 

 S'entasseront dans les vaisseaux, 

 0 Marin! à genoux, et prie: 

 Offre en sacrifice à Marie, 

 Et tes dangers, et tes travaux !

Tendre Mère de Dieu. douce reine des Anges,

Étoile de la mer, 

Secourez le marin, qui chante vos louanges, 

Et qui vous est si cher !
 

Salut, source de vie, et de miséricorde, 

Notre espoir le plus doux !
Bénissez tous les biens que votre amour accorde

 A vos fils à genoux !

0 Vierge immaculée, animez nos courages, 

Et comblez tous nos vœux; 

Guidez de vos rayons, dans la nuit des orages, 

Nos vaisseaux hasardeux!

Douce sainte Marie! ô clémente' ô pieuse !
Priez ! priez pour nous 

Celui qui, consacrant votre mamelle heureuse, Voulut naître de vous !

Protégez vos enfants, sous vos ailes fidèles, Au milieu des périls, 

Et répandez sur eux les grâces éternelles De votre divin fils !

---