Dunkerque occupée 1940/1945
Dunkerque sous l’occupation.
Les Allemands entrèrent dans la ville, le matin du 4 juin 1940, ils trouvèrent devant eux quelques rares habitants hébétés.
La Commission administrative, présidée par M. Waeteraere, reçut tout d'abord l'ordre de dénombrer les habitants qui étaient restés dans les décombres de la cité.
20.000 personnes étaient sinistrées, 10.000 foyers avaient été atteints, 82% des maisons étaient détruites, 51 rues complètement rasées et 40 très endommagées. 12.000 immeubles étaient démolis
surtout 2.500 civils étaient morts, et la liste funèbre ne faisait que s'allonger. Dans l'ensemble de l'agglomération, 58.000 personnes sur 100.000, dénuées de tout, couchaient dans des caves humides.
les Britanniques bombardèrent plus violemment la cité. Un premier « raid » d'essai eut lieu le 18 septembre 1941, et dans la nuit du 22, vers 2 heures du matin, les Anglais déclenchèrent un bombardement qui par sa violence et sa durée rappela les plus mauvaises heures de mai 1940.
Quelques unes de leurs torpilles s’écrasèrent au 25, rue de Soubise, sur un grand immeuble.
Trente-et-une personnes étaient réfugiées dans la cave dont les voûtes s'effondrèrent. Il y eut vingt-et-un tués et un disparu, Désiré Dissaux, dont on ne retrouva même pas de débris permettant son identification. Parmi les morts il y avait des enfants. La famille Boussemaer comptait huit tués. Neuf membres de la famille Maës Gouwy furent blessés.
Le 18 octobre suivant, la flotte anglaise jeta encore sur l'agglomération 100 gros obus de marine.
A l'intérieur même de Dunkerque, des quartiers entiers étaient interdits. Il y demeurait, disait-on, des cadavres en putréfaction ou des bombes qui n'avaient pas explosé.
Car il y avait, malgré tout, dans la ville elle-même, des Dunkerquois restés farouchement attachés à leur sol. Et il ne se passait pas de jour où l'on n'en vit revenir.
Dans Dunkerque même il ne se trouvait guère de familles au complet mais plutôt des hommes seuls, rivés à leurs postes. Il n'en était pas de même dans les communes suburbaines et dans la grande banlieue où s'étaient réfugiés les Dunkerquois.
Toute une population de dockers en chômage avait été muée en « gratteurs de briques », dans des sortes d'ateliers municipaux.
Ils déblayaient les rues de la ville, obstruées par les écroulements des maisons. Pour fabriquer du travail, ils nettoyèrent ensuite les caves elles-mêmes et entreprirent, en vue de reconstructions problématiques, de récupérer les briques utilisables.
le tramway, fut remis en remettre en marche durant l'hiver de 1940,
L'administration municipale, dirigée par M. Waetaraere puis par M. Verley, s'ingéniait ainsi à procurer du travail à toute une population. D'autres s'ingénièrent à rendre service à une population, démunie de tout, dans l'organisation du Secours national où Mgr Couvreur, M. Maurice Choquet et M. Émile Dechaene se dévouèrent sans compter.
En fin 1941 ses dirigeants avaient fait confectionner dans leurs ateliers 24.000 pièces de vêtements ou de lingerie, grâce à la générosité des villes de Lille et de Paris. Ils avaient distribué 1.500 lits, 1.500 poêles et réparé 148 logements de sinistrés.
Dans le courant de 1942, ils redoublèrent d'efforts et parvinrent à restaurer les logements de 1.157 foyers.
Grâce à des collectes faites chez les fermiers des environs, en fin 1942, ils avaient durant sept mois distribué plus de 1.600.000 rations de soupe. Ces chiffres éloquents prouvent qu'il serait injuste d'oublier de tels efforts.
En fin 1941, l'avant-port connut pourtant une certaine activité.
Des bancs de harengs s'étant rapprochés du rivage, les Allemands autorisèrent de petits bateaux français à se livrer à la pêche côtière. Ce travail n'était pas sans danger pour nos pêcheurs, car plus d'une barque sauta sur des mines. Ils procurèrent de cette façon à la cité durant l'occupation un ravitaillement supplémentaire.
Dans un rapport sur l'activité de la ville en 1943, la Chambre de commerce, que présidait M. Émile Dubuisson, qui ne cessa de tenir ses réunions durant l'invasion, pouvait écrire que si les entreprises de bâtiments avaient cessé toute activité, les chantiers de constructions navales, les usines de conserves alimentaires et les filatures travaillaient.
Alors que les champs des villages français donnaient à nouveau de plantureuses récoltes, comment n'eussent-ils pas essayé d'améliorer le ravitaillement d'un pays étroit et surpeuplé? Il ne faut donc pas s'étonner de voir la fraude se développer.
L'ingéniosité des fraudeurs belges ne reculait devant rien. Ils en arrivèrent à dissimuler du blé dans les parois des wagons de chemin de fer.
Le Tribunal jugeait les fraudeurs, qui ne transigeaient pas, car il avait lui aussi repris ses audiences.
L'on peut même dire que ses audiences furent alors suivies par un public plus nombreux qu'en temps de paix. En dépit des quelques cinémas que les Allemands voulaient bien laisser ouverts à Dunkerque, les. distractions y étaient rares. Un procès courtelinesque avait de quoi tenter des badauds.
Il arrivait pourtant qu'un justiciable, en relations avec les autorités allemandes, ait l'idée saugrenue de se faire recommander par elles au président du Tribunal. Chaque fois, la peine était doublée par l'excellent patriote qu'était M. Gautier.
Le Tribunal était, enfin, l'un des seuls bâtiments de Dunkerque demeurés debout. Le même hall y servit donc le dimanche tour à tour d'église et de salle de fêtes!
Les établissements d'enseignement secondaire n'avaient, de leur côté, jamais fermé leurs portes. En juillet 1940, ils travaillèrent sous le signe de l'union sacrée puisque, le collège Jean-Bart ayant été complètement détruit le 28 mai et le collège Lamartine réquisitionné, leurs maîtres et leurs élèves s'étaient installés dans les locaux de l'enseignement libre respectivement à Notre-Dame des Dunes et à Sainte Marie. Leurs étudiants ne pouvant se rendre à Lille, l'on fit passer sur place les baccalauréats. En octobre suivant, grâce à l'initiative de Mlle Magnier et d'un courageux combattant de 1914, M. Petit, les établissements d'État avaient repris leur autonomie dans des locaux improvisés à l'usine Weill en Basse-Ville. Le palmarès de la distribution des prix du 30 juillet 1941, présidée par le sous-préfet de l'époque, M. Benedetti, comporta de brillantes mentions. Il prouva que ces enfants n'avaient pas cessé de travailler malgré de terribles bombardements.
impression d'emprisonnement, que ressentait la population, comme les restrictions alimentaires, et le slogan «ils nous prennent tout », contribuaient à miner la propagande allemande.
Il est intéressant de retenir, à ce point de vue, que l'un des premiers noyaux de résistants se forma le jour même de l'entrée des Allemands à Dunkerque. Il prit naissance autour de Michel Hochart, dans le petit groupe de membres de la J.O.C. que le chanoine Couvreur et M. Émile Dubuisson avaient recrutés pendant le siège pour ramasser le ravitaillement abandonné sur les quais par les Anglais, afin de le distribuer aux habitants demeurés dans leurs caves.
L'homme de la rue suivait donc plutôt les événements militaires à la radio anglaise, qui lui apportait plusieurs fois par jour une provision d'espoir. Ce n'était toutefois pas un homme qu'il aurait fallu arrêter, c'était la population tout entière.
Un tel état d'esprit explique que l'idée soit venue très rapidement à certains Dunkerquois de collaborer avec les Anglais. L'honneur d'avoir été les premiers à en indiquer le dangereux chemin revint à deux Malouins : un photographe, Marcel Petit, et un ancien employé de la S.N.C.F., Gugelot de Saint-Steban. Condamnés à mort dès le 17 septembre 1941
L'on se sentait un plus seuls, surtout en voyant la sous-préfecture se replier à Cassel, en juin 1942, sur l'ordre des Allemands, ou les vieillards des hospices évacués à Cambrai. Les cœurs se durcissaient d'autant plus que l'on apprenait que René Verheecke, dessinateur aux Chantiers de France, et membre de la J.O.C. avait été fusillé en août 1943.
Dans la grisaille des jours et des hivers, les Dunkerquois voyaient disparaître, après chaque raid d'aviation, un peu de ce qui subsistait encore de leur vieille ville.
Quelques pauvres filles, bien sûr, réquisitionnées par les Allemands pour travailler dans leurs services se laissèrent conter fleurette. Cela leur valut plus d'une difficulté avec la Justice en dépit des démarches de leurs amants. Pour quelques-unes d'entre elles, leurs sentiments amoureux ne s'accordaient pas avec leurs idées patriotiques.
A l'aube de 1944 la création d'un « second front » et l'éventualité d'un débarquement allié sur nos côtes passèrent au premier rang des probabilités. Les autorités allemandes se rendirent compte qu'il devenait urgent la plus grand nombre possible de « bouches inutiles» qu'en cas d'interruption des communications il serait difficile de ravitailler.
Ceux qui obtinrent officiellement le droit de demeurer dans la cité y creusèrent donc, avec une sage lenteur, des fossés antichars de plus en plus nombreux. Ils virent évacuer dans les communes suburbaines, à Malo et à Saint-Pol en particulier, les quartiers proches de la mer pour y remplacer les maisons par des blockhaus.
les Allemands réquisitionnèrent les 9/10mes des attelages des villages et emprisonnèrent çà et là, et notamment à Petite-Synthe, les secrétaires de mairie qui ne leur rendaient pas rapidement les services qu'ils exigeaient.
L'ensemble de ces mesures était moins grave que la décision prise par la Wehrmacht le 27 janvier de tendre l'inondation. . Ils ouvrent en hâte, à marée haute, les écluses de la mer. Les flots recouvrent immédiatement des villages entiers. Ils en rendent, pour de longues années, les terres inutilisables.
La zone d'inondation autour de Dunkerque s'étendit sur Armbouts-Cappel, Brouckerque, les Moeres, Saint-Pierre-Brouck, Spycker, Uxem, Mardyck, Grande-Synthe, Coudekerque, Ghyvelde, Craywick, Hoymille, Saint-Georges et Tétéghem.
En mai, le maire de Petite-Synthe M. Chabot, ayant replié son industrie à Roubaix, M. Barbary fut désigné pour lui succéder. En juin, la délégation municipale de Dunkerque dut céder le pas à un « Comité de guerre » désigné par le gouvernement du Maréchal comprenant MM. Paul Verley, Georges Dams, Henri du Rin, Bascop et le docteur Dolain.
Le 2 avril qu'un grand usinier de l'agglomération, Paul Weill, avait été abattu par les Allemands.
Des réfractaires, munis de fausses cartes d'identité, commençaient à sillonner le pays. Des coups de feu étaient tirés à Petite-Synthe contre les Allemands. (Achille Perès) Dans la nuit du 14 au 15 juin, une sentinelle y était tuée.
Le 15 juin, le Kreiskommandantur défend de circuler à Petite-Synthe entre 20 heures et 5 heures du matin.
un certain nombre de membres de l'Administration abandonnèrent à ce moment leurs postes pour rejoindre les réfractaires. Ce fut notamment le cas du secrétaire général de la sous-préfecture de Dunkerque, M. Marius Marant. Il était visible que la fin de la guerre approchait et que l'effondrement de l'Allemagne était inévitable.
Les communes suburbaines étaient moins surveillées. Ceux qui parvenaient à se maintenir dans la région s'estimaient des privilégiés. la collecte du Secours national du 18 juillet 1944 faite en faveur de ceux-ci produisit à Dunkerque près de 9.000 francs.
Dès avril 1944, L'amiral Frisius qui s'attendait à subir l'assaut allié avait donné l'ordre de poursuivre les démolitions portuaires.
Il fallut beaucoup d'énergie à Frisius pour reprendre ces hommes en main, Devant cette débâcle, un certain nombre de jeunes patriotes crurent le moment venu de se soulever pour libérer Dunkerque.
A Rosendaël, en particulier, quelques-uns d'entre eux firent des Allemands prisonniers. Ils enfermèrent deux soldats dans les caves de la mairie.
les Allemands parachever fébrilement leurs défenses en détruisant à la hâte, notamment à Petite-Synthe, des centaines de maisons.
L'écho de ces combats parvenait, dans la cité, aux rares habitants qui y étaient demeurés. Ceux des communes suburbaines, plus nombreux, étaient aussi plus proches des combats. Sur Dunkerque même, et sur les communes suburbaines, le bombardement ne cessait pas.
La présence de ces civils obstinés posait aux Allemands de multiples problèmes. Non seulement ils étaient peu sûrs, mais il fallait les protéger, si peu que ce fût; et surtout les ravitailler. Le nouveau maire de Petite-Synthe, M. Barbary, s'y employait. Il faisait distribuer aux habitants, sous sa surveillance, la viande des chevaux blessés et abattus.
Les 7, 9 et Il septembre, on placarda des affiches rappelant que la population devait partir immédiatement.
Où partir? se demandaient les intéressés, qui ne vivaient plus que dans des abris ou dans des tranchées d'où ils assistaient à la destruction de ce qui subsistait de leur ville. La route de la Belgique ayant été coupée, l'amiral allemand leur fit indiquer, le 1er octobre, qu'ils pouvaient franchir ses lignes aux environs d'Armbouts-Cappel. Son avis n'obtint pas plus de succès que les précédents. La plupart des habitants s'obstinèrent à se réfugier dans les petites communes des alentours immédiats où leur présence posait un inquiétant problème de ravitaillement.
Mille huit cent cinquante réfugiés, par exemple, avaient gagné Tétéghem qui ne comptait d'habitude que 1.500 habitants.
Lorsque le flot des réfugiés se crut à peu près à l'abri dans des petites communes de la « poche», les Anglais, qui avaient plutôt concentré jusque-là leur tir sur Dunkerque et sa banlieue, se mirent à viser ces agglomérations rurales où régnait une animation insolite à leurs yeux.
Des obus fusants incendiaient les fermes tandis que les Allemands, eux, brûlaient systématiquement la commune de Grande-Synthe.
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